La guerre civile fait rage, — à Washington, pas à Bagdad

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Qui commande ? Plus personne. GW Bush a fait du désordre qu’il a laissé s’instituer, ou qu’il n’a pu faire autrement que de laisser s'instituer, un facteur important sinon le facteur fondamental de la vie politique washingtonienne. Cela ne lui est pas désavantageux et peut-être l’a-t-il laissé s’instituer avec le secret et inconscient espoir qu’il en serait renforcé. C’est une réussite. Lui étant dans une position si isolée, ce désordre sert surtout à empêcher le regroupement d’une éventuelle opposition structurée.

Sur le fond et même si le résultat est là, ce n’est pas à l'origine un calcul de sa part, c’est un aspect naturel du développement de sa présidence. Derrière les affirmations pompeuses, répétées et sans substance, derrière les dissimulatins et les tromperies, les affirmations erronées dites en toute sincérité, rien qu’une absence complète de substance. Cela dure depuis si longtemps que cela finit par user ses adversaires, à les diviser, à les éparpiller dans leurs intérêts respectifs et leurs ambitions. Par inadvertance, Bush divise et cela lui permet de continuer à régner, et il en devient même habile.

Une situation particulièrement inhabituelle, c’est le désordre régnant dans le corps militaire. Tout le monde dit ce qu’il veut et se contredit, sans souci des positions de ses autorités naturelles, — et en l’absence d’une réelle politique officielle. The Independent, ca matin, parle donc d’une “guerre civile”, à Washington, pas à Bagdad.

«America's generals are at war, and not just with al-Qai'da and the resistance in Iraq. Now they are fighting among themselves about the best way forward in the ever-deepening tragedy of Iraq.

»A virtual civil war has erupted as senior US generals disagree in public about whether to cut and run or stay the course. On the airwaves, the internet and in newspapers the argument is raging with commanders in the field coming to the point of insubordination with Pentagon generals.»

Cette situation inquiète Constanze Seré, sur Huffington Post le 26 août. Elle commence son commentaire par ce rappel à l’ordre, aux grands principes, à la responsabilité.

«Since when did American military commanders start inserting themselves into political debates? When did men in uniform — honored, but never elected — start giving the American people lectures on politics? Evidently, when the Bush administration told them to, as part of its “surge” against American public opinion.

»But officers should be reminded: “Just following orders” is no justification when an order goes against the American historical and Constitutional tradition. And it's also in statute, specifically, the National Security Act of 1947, the preamble of which reads:

»“In enacting this legislation, it is the intent of Congress...to provide for... unified direction under civilian control.”

»And that means you, Major General Benjamin R. Mixon, commander of American forces in northern Iraq. You are a repeat offender. In one such instance, on July 13, Mixon ends his response to a question regarding the much-debated decrease in troop levels by delivering these instructions to Congress as it seeks to craft an Iraq strategy:

»“...[It] needs to be well thought out, and it cannot be a strategy that is based on 'well, we need to leave.' That's not a strategy, that's a withdrawal.”

»In looking at Mixon's words, which is more obvious: his condescension toward Congress — or his contempt for Congress?»

… Suivent d’autres exemples, d’autres déclarations. Un général (le président du comité des chefs d’état-major, rien que ça) annonce qu’il recommandera une réduction des forces en Irak. Un de ses subordonnés, en Irak, lui dit quasiment qu’il s’agit d’une fuite, d’une couardise. Who cares? “Guerre civile”, écrivons-nous par goût de la formule. Désordre civil, devrions-nous écrire à l’image de notre début de ce commentaire. Les interventions se font en toute impunité, elles font même partie “du jeu”, “That’s the name of the game”. Aucune sanction, aucun rappel à l’ordre à l’horizon.

L’érosion des structures légales et des références morales de la Grande République est, dans ces conditions, absolument vertigineuse. Tout fait désormais partie de la bataille politicienne, tout est utilisé dans le sens des intérêts particuliers et personnels. Nous avons dépassé le stade du complot ou du coup de force possible. A-t-il jamais existé d'ailleurs? Nous en doutons, le désordre ayant finalement précédé, empêché et étouffé la conscience de ce désordre et l’éventuelle intention de réagir. Et puis, c'est la Grande République, où le coup de force n'est pas de mise. La vertu mène à tout, y compris au vice suprême.

A Washington, le désordre règne, et, finalement, GW en est le souverain sans pouvoir, le maître de cérémonie. Il dure, donc il existe.


Mis en ligne le 27 août 2007 07H24