Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
559Ainsi s’avère-t-il de plus en plus évident que Barack Obama, quasi-d’ores et déjà président, ou McCain, sans doute président si l’occasion se présentait, va s’engager sur la voie du changement de champ de bataille prioritaire, passant de l’Irak à l’Afghanistan. Par conséquent, cette évolution en train de se faire intéresse les commentateurs, qui s’interrogent pour savoir de quelle guerre il s’agit, pourquoi elle est faite, à quoi elle sert et ainsi de suite. Les questions qui tuent, en un sens, puisqu’elles conduisent à s’interroger pour savoir si cette guerre a un sens.
Nous retenons deux de ces commentateurs, pour présenter par leur intermédiaire deux axes d’appréciations évidemment critiques de cet engagement US.
• Pourquoi cette guerre? s’interroge William Pfaff le 22 juillet. Quel sens et quelle nécessité Obama lui trouve-t-il? Que fait l’OTAN dans ce pays? Pourquoi se battre contre les talibans alors que ce sont les terroristes d’Al Qaïda que l’on recherche?
«…I am more inclined to think, with regret, that Obama has swallowed Washington’s Kool Aid on Afghanistan and Pakistan: that Force is the only thing Natives understand. This would seem surprising, given that he saw the trap in Iraq from the start, and knows what happened to the U.S. in Viet Nam. But he certainly sounds as if he thinks he has located the answer to the war on terror.
»At least in Vietnam one fought the actual enemy. In Pakistan-Afghanistan one is playing billiards. The U.S. threatens the Pakistanis; that is expected to make them do bad things to the Taliban; so that the Taliban then hand over Osama bin Ladin.
»Al Qaeda is mainly Saudi Arabian and Arab. The Taliban are not terrorists; they have never attacked the United States or European NATO. They just want their country back. They were running Afghanistan when the Americans came in 2001.
»They are not people you and I want to govern us. They oppress women, ban higher education, and apply Sharia law. But that surely is the Afghan people’s problem. They let the Taliban take over their country in 1996, and perhaps they are ready to do so again. What has this to do with NATO?
»As for al Qaeda and the terrorists, even if the Taliban won’t turn them in to the U.S., and the Pakistan army can’t or won’t catch them, it would seem madness for NATO to attack or invade the Tribal Territories. Western armies throughout history have fared badly in the Pakistan-Afghanistan badlands.
»Anyway, Osama bin Laden and his men have a lot of other places where they can go. They have only to pack their bags and vanish. They can expect a lot of help. They don’t have to let themselves get pinned down in Waziristan. »
• Patrick Buchanan choisit une autre approche (sur Antiwar.com, le 29 juillet). Il s’interroge plutôt sur la destinée de cette guerre, du point de vue américaniste, et lui trouve bien des similitudes avec le Vietnam, bien plus que l’Irak. Pour lui, Obama devenu président, si c’est la destinée que se choisit l’Amérique, sera conduit à faire comme Johnson, – engager de plus en plus de troupes (l’“escalade”) pour un résultat toujours insaisissable, le Pakistan jouant le rôle du Nord-Vietnam par rapport au Sud-Vietnam. (Ce qui nous conduit d’ailleurs aux mêmes inévitables questions sans réponses: «Is a vital U.S. interest imperiled here? Do we have a defined and attainable objective? Have the risks and costs been fully weighed? Is there an exit strategy? Is the war supported by a united nation?»)… Sur l’analogie Afghanistan-Vietnam:
«“We have to be as careful getting out as we were careless getting in,” says Barack Obama of the U.S. war in Iraq. Wise counsel.
»But is Barack taking his own advice? For he pledges to shift two U.S. combat brigades, 10,000 troops, out of Iraq and into Afghanistan, raising American forces in that country from 33,000 to 43,000.
»Why does Barack think a surge of 10,000 troops will succeed in winning a war in which we have failed to prevail after seven years of fighting? How many more troops is he prepared to commit? Is the Obama commitment open-ended?
»For, without any visible strategy for victory, Barack is recommending the same course LBJ took after the death of JFK. Johnson bombed North Vietnam in 1964, landed Marines in 1965 and built U.S. forces from 16,000 advisers on Nov. 22, 1963, to 525,000 troops in January of 1969.
»Gradual escalation, which is exactly what Barack is recommending.
»LBJ never thought through to the end game: how to break Hanoi, withdraw and leave a South peaceful, prosperous and pro-American.
»Has Barack thought his way through to how this war ends in victory and we withdraw all U.S. ground troops from Afghanistan? For this writer cannot see anywhere on the horizon any such ending.
»If the old rule applies – the guerrilla wins if he does not lose – the United States, about to enter its eighth year of combat, is losing. And, using the old 10-to-one ratio of regular troops needed to defeat guerrillas, if the Taliban can recruit 1,000 new fighters, they can see Obama's two-brigade bet, and raise him. Just as Uncle Ho raised LBJ again and again.»
Ainsi en est-il de plus en plus de ce changement de stratégie de l’Irak vers l’Afghanistan. Il est de plus en plus identifié à Obama et l’Afghanistan devient de plus en “la guerre d’Obama”; avant même qu’il soit élu président (au fait, le sera-t-il?), Obama, s’il n’y prend garde, va être de plus en plus identifié à cette guerre, de plus en plus pieds et poings liés au destin de cette guerre. C’est une étrange alchimie qui s’ébauche, qui n’aurait pas de précédent dans sa rapidité et dans sa chronologie.
Quelques rares commentateurs, plus habiles dans l’appréciation des constructions rationnelles, font un grand crédit à Obama en voyant au contraire dans sa démarche, et paradoxalement, une habile démarche anti-guerre. Pfaff cite Gwynne Dyer: «The broadcaster and commentator Gwynne Dyer suggests, in an article in Arab News (in Jeddah), that Barack Obama’s promise to reinforce American troops in Afghanistan, and to attack Pakistan’s frontier territories if the Pakistan authorities won’t control its radical tribesmen (which they never have been able to do, and for the most part, wisely, do not attempt to do), is a political smokescreen covering his intended withdrawal from Iraq. He can’t be accused of weakness on Iraq and Iran if he is enlarging the war in Afghanistan and attacking Pakistan. »
L’explication de Gwynne Dyer fait la part belle au machiavélisme angélique et à l’habileté visionnaire d’Obama, et surtout à une exceptionnelle maîtrise de l’action tactique qui serait nécessaire pour conduire une telle manœuvre. On verra, – quoiqu’on ait envie d’ajouter: c’est tout vu. C’est qu’il y a la réalité de la guerre qui impose son rythme, alors que les engagements actuels d’Obama, quelles qu’en soient les intentions cachées, sont en train de verrouiller le candidat démocrate qu'il est encore dans la perspective de la nécessité de poursuivre la guerre dans la forme que goûte habituellement la conception américaniste de la chose: jusqu‘au bout, jusqu’à la capitulation sans conditions. L’hypothèse de Dyer impliquerait, au contraire, qu’on puisse rompre à un moment cette logique pour entamer des pourparlers qui conduiraient à un compromis faisant nécessairement la partie belle aux talibans. On ne voit guère une situation à Washington, avec un nouveau président, qui puisse favoriser une telle issue.
Les tambours de la guerre en Afghanistan battant pour éloigner du piège de l’Irak, au moment d’ailleurs où ce piège desserre ses dents, conduisent tout droit à une sorte de nécessité guerrière en Afghanistan. En plus qu’Obama soit en train de devenir “le président de la guerre en Afghanistan”, — avant d’être président et à condition qu’il le soit! — c’est le rythme même de la guerre d’Afghanistan qui est en train de s’imposer dans la politique centrale du système américaniste, – au reste, quel que soit le président. Drôle d’alchimie.
Mis en ligne le 29 juillet 2008 à 14H24
Forum — Charger les commentaires