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400La guerre des drones (UAS et UCAS pour Unmanned/ Unmanned Combat air Vehicles) est devenue une tendance inarrêtable des forces armées US, et une tendance qu’on doit qualifier, sans étonnement particulier, d’“autodestructrice”. (Sans étonnement puisque le drone représente une avancée de la surpuissance du technologisme, et que l’autodestruction n’est plus très loin dans ce cas.) L’excellent Nick Turse analyse, pour Tom Engelhardt dans TomDispatch.com du 16 janvier 2012, le «Drone Disaster»…
Turse a exploré les données du Pentagone sur l’emploi des drones depuis 2001, à travers des données officielles obtenues grâce au Freedom Information Act. Son article est truffé de références officielles et autres et lui permettent d’aboutir à la conclusion que le drone est devenue l’arme de prédilection des forces armées, de la stratégie générale des USA, voire de la politique extérieure elle-même, – cette politique achevant ainsi de se transformer en une politique extérieure complètement militarisée et automatisée. Actuellement, autour de 7.500 drones de tous les types sont employés par les divers services armées, CIA, etc., y compris avec des “pilotes” appartenant au personnel des contractants civils qui fabriquent ces engins, – ce qui revient à confier l’acte de la guerre, dans sa conception, sa réalisation et sa décision, à du personnel hors de tous les engagements fondamentaux des forces armées. La conclusion de Nick Turse propose l’idée d’une catastrophe générale, et dans ses processus, et dans ses résultats techniques et psychologiques.
«Over the last decade, the United States has increasingly turned to drones in an effort to win its wars. The Air Force investigation files examined by TomDispatch suggest a more extensive use of drones in Iraq than has previously been reported. But in Iraq, as in Afghanistan, America’s preeminent wonder weapon failed to bring the U.S. mission anywhere close to victory. Effective as the spearhead of a program to cripple al-Qaeda in Pakistan, drone warfare in that country’s tribal borderlands has also alienated almost the entire population of 190 million. In other words, an estimated 2,000 suspected or identified guerrillas (as well as untold numbers of civilians) died. The populace of a key American ally grew ever more hostile and no one knows how many new militants in search of revenge the drone strikes may have created, though the numbers are believed to be significant.
»Despite a decade of technological, tactical, and strategic refinements and improvements, Air Force and allied CIA personnel watching computer monitors in distant locations have continually failed to discriminate between armed combatants and innocent civilians and, as a result, the judge-jury-executioner drone assassination program is widely considered to have run afoul of international law.
»In addition, drone warfare seems to be creating a sinister system of embedded economic incentives that may lead to increasing casualty figures on the ground. “In some targeting programs, staffers have review quotas -- that is, they must review a certain number of possible targets per given length of time,” The Atlantic’s Joshua Foust recently wrote of the private contractors involved in the process. “Because they are contractors,” he explains, “their continued employment depends on their ability to satisfy the stated performance metrics. So they have a financial incentive to make life-or-death decisions about possible kill targets just to stay employed. This should be an intolerable situation, but because the system lacks transparency or outside review it is almost impossible to monitor or alter.”
»As flight hours rise year by year, these stark drawbacks are compounded by a series of technical glitches and vulnerabilities that are ever more regularly coming to light. These include: Iraqi insurgents hacking drone video feeds, a virulent computer virus infecting the Air Force’s unmanned fleet, large percentages of drone pilots suffering from "high operational stress," a friendly fire incident in which drone operators killed two U.S. military personnel, increasing numbers of crashes, and the possibility of an Iranian drone-hijacking, as well as those more than 70 catastrophic mishaps detailed in Air Force accident investigation documents.
»Over the last decade, a more-is-better mentality has led to increased numbers of drones, drone bases, drone pilots, and drone victims, but not much else. Drones may be effective in terms of generating body counts, but they appear to be even more successful in generating animosity and creating enemies.
»The Air Force’s accident reports are replete with evidence of the flaws inherent in drone technology, and there can be little doubt that, in the future, ever more will come to light. A decade’s worth of futility suggests that drone warfare itself may already be crashing and burning, yet it seems destined that the skies will fill with drones and that the future will bring more of the same.»
Il est incontestable que les forces armées US se “robotisent” avec une rapidité extraordinaire, montrant par là qu’il s’agit de la tendance majeure et fondamentale de ce système militariste et belliciste. Dans son texte, Turse cite un article de Danger Room du 9 janvier 2012 sur le nombre des drones (7.500) et la signification de ce nombre, comparés aux un peu plus de 10.000 avions employés par les militaires, de tous les types, jusqu’aux plus vieux, y compris l’un ou l’autre C-47 Dakota conservés dans des versions spéciales… :
«To be fair, lots of those drones are tiny flying spies, like the Army’s Raven, that could never accommodate even the most diminutive pilot. (Specifically, the Army has 5,346 Ravens, making it the most numerous military drone by far.) But in 2005, only five percent of military aircraft were robots, a report by the Congressional Research Service notes. Barely seven years later, the military has 7,494 drones. Total number of old school, manned aircraft: 10,767 planes.»
Il s’agit d’une tendance effectivement irrésistible qui dépersonnalise complètement la fonction et la substance même de l’“avion militaire”, ou du “véhicule aérien” en général. Le fait que certains drones soient confiés à des contractants civils a une toute autre signification que l’emploi de forces de combat non-militaires (contractants civils, type mercenaires), car il s’agit de tout un processus militaire technologique et opérationnel qui échappe à l’autorité “opérationnelle”, depuis sa mise en œuvre à partir du territoire nationale jusqu’à son utilisation qui entraîne en général la mort d’êtres humains et de destructions sous la forme d’une agression en général illégale, dans des pays étrangers et qui ne sont pas en guerre avec les USA, – pur acte de piraterie et banditisme. Dans cette chaine, les concepts de souveraineté et de légitimité ont complètement disparu et, par conséquent, les idées d’autorité et de responsabilité publiques. Le corollaire, comme il est signalé dans le texte, est que l’incitation principale pour ces actions de guerre devient l’intérêt privé, la justification du salaire, etc. La guerre est “privatisée” au-delà de tout ce qui a été conçu jusqu’ici, et représente un mouvement convaincant d’abandon volontaire de souveraineté et de légitimité de la puissance publique, dans l’acte le plus fondamental de cette puissance publique, selon un processus déjà largement identifié (voir notre F&C du 2 novembre 2011). Il est peu utile de rappeler toutes les conséquences opérationnelles et psychologiques catastrophiques de cette tendance, Turse et bien d’autres s’y emploient avec efficacité, tandis que l’évidence même soutient leurs observations.
On observera qu’on se trouve là au terme du processus de surpuissance du système du technologisme, lorsque tout le processus de la guerre à l’échelle globale et selon des principes d’intervention sans aucun frein politique et légal est maîtrisé par la technologie elle-même. Le résultat catastrophique qui est constaté par Turse, – et encore, selon des documents officiels qui sont très loin de tout nous dire à ce propos, d’après des sources officielles qui sont elles-mêmes bien loin de tout savoir de ces effets catastrophiques, – implique sans l’ombre d’un doute que cette avancée du système du technologisme est du type final, et qu’elle est directement transformée, par ses effets, en processus d’autodestruction, à mesure des destructions causées et de leurs effets “fratricides“ et contre-productifs évidents. La perspective est celle de l‘accélération non pas progressive, mais exponentielle de la tendance, rendant compte du total effondrement en cours du système militariste de l’américanisme, et du Système lui-même.
Mis en ligne le 17 janvier 2012 à 05H14
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