La guerre, et vite !

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La guerre, et vite !

• Il ne peut plus être dissimulé qu’il y a aujourd’hui une dynamique de guerre générale, dont on voit mal, si elle se développe, comment l’une quelconque des grandes zones de puissance et de culture de la planète puisse échapper à ses effets. • L’incontestable ‘fauteur de guerre”, c’est l’Amérique dans une position particulière : en déclin, sans pouvoir effectif, avec un ‘War Party’ d’une extrême puissance. • En plus de la Russie, cette tendance commence à envisager la Chine et Taïwan : et, contrairement aux prospectives habituelles, ce ‘War Party’ est pressé, il craint les élections de novembre prochain. • “En face”, les Russes sont entrés dans la phase existentielle du conflit, comme le montre un important article de Dimitri Trenine : « La Russie est un pays en guerre ». • Les Chinois sont beaucoup plus prudents, mais eux aussi ils dépendent d’événements dont ils ne sont pas les maîtres, – dont personne n’est maître d’ailleurs, le ‘War Party’ n’étant qu’un regroupement chaotique et nihiliste, un exécutant des “événements à la souveraineté spirituelle”, dont nul ne sait le dessein.

25 mai 2022 (18h45) – C’est un vaste domaine que nous voulons explorer ici, une phase remarquable de renversement et de bouleversement, de transmutation d’événements dont nul n’est le maître ni l’organisateur. Nous ne nous embarrassons pas trop de détails nombreux qui, partout, signalent la singularité extraordinaire de la période. Pour en exposer les faits essentiels et les supputations qu’ils impliquent, nous allons nous attacher successivement à trois domaines, – dont qui exposeront les faits, le troisième embrassant notre commentaire.

• Le premier est un article (dan RT.com, alias ‘Russia Today’) de Dimitri Trenine que nous tenons comme particulièrement indiqué pour exposer toutes les nuances et penchants de la Russie dans sa nouvelle orientation.

• Le second est l’exposé de la position US face à la Chine par ‘WSWS.org’, après des déclarations de Biden.

• Le troisième est notre évaluation de la situation, essentiellement autour de la position et de l’action des États-Unis.

Trenine ; fini de rire, Russie !

Pourquoi Dimitri Trenine, membre du Conseil de Politique Etrangère et de Défense de Russie ? Parce que cet ancien officier de l’Armée Rouge, spécialisé dans le renseignement et la communication, fut rapidement un personnage-clef des relations entre l’Ouest et l’URSS devenant Russie, à la fois expert et membre de l’intelligentsia. Il passa un an au Collège de l’OTAN, en 1994, et devint onze ans plus tard, consécration de sa position, le premier président russe de l’antenne moscovite de l’organisation américaniste Carnegie et, par exemple de façon symboliquement significative, collaborateur régulier du ‘Guardian’. La présentation que nous faisions de lui, le 4 août 2014, montrait bien que nous le tenions comme un des tenants de la faction ‘occidentaliste’ de l’élite moscovite :

« ...Dimitri Trenine, qu’on a déjà rencontré sur ce site (voir le 4 mars 2014). Bien que directeur du Carnegie Centre de Moscou, ce qui devrait impliquer une orientation “occidentaliste”, sinon américaniste dans les élites moscovites, Trenine se montre au contraire comme un commentateur éclairé, qui sait définir une situation sans céder aux tropismes sans nombre qui caractérisent tout ce qui dépend trop des largesses du bloc BAO dans le chef des organisations implantées en Russie dans ce sens. Cette fois, Trenine s’essaie à un exercice qui commence à faire florès chez les commentateurs et analystes, qui est la prospective des relations Russie-USA... »

Depuis, la considération a changé parce que Trenine a suivi l’actualité en Russe, même si avec une carrière assez ‘libérale’. Dernièrement, il a été qualifié, par l’un des plus vieux (81 ans) ennemis de Poutine de cette façon significative qui nous permet de prendre son article très au sérieux, comme exprimant l’avis d’une élite moscovite dont Jacques Sapir nous a dit l’important tournant qu’elle a pris, – donc avis venimeux et archivé-Wikipédia comme une tautologie, de Piontkovski confirmant le classement de Trenine dans les élites :

« Analysant la narrative de Trenine sur la crise russo-ukrainienne de 2021-2022 et les relations entre la Russie et les États-Unis, l'écrivain politique russe Andrei Piontkovski a qualifié Trenine de “propagandiste d’élite du Kremlin ciblant le public d'experts occidentaux”. »

• Nous en venons alors à l’article de Trenine que nous tenons, à la lumière du personnage comme très significatif. Nous en donnons quelques extraits qui nous paraissent intéressants et nous permettent d’apprécier la nouvelle position de la Russie, non pas comme dirait un porte-parole du gouvernement, mais plutôt comme une plume rendant compte du sentiment des élites russes. Son article est finalement dominé et symbolisé par ces deux phrases que l’on y trouve :

« La guerre est toujours le test le plus sévère et le plus cruel de la durabilité, de l’endurance et de la force intérieure. Aujourd’hui, et dans un avenir prévisible, la Russie est un pays en guerre. »

Ainsi, de sa définition de l’actuelle situation à la lumière d’Ukrisis évidemment, du point de vue de ce qu’il estime être l’enjeu pour la Russie : “régler la ‘question russe’”, c’est-à-dire liquider la Russie, – et c’est bien pour cela que « la Russie est un pays en guerre ».

« Le défi auquel la Russie est confrontée n'a pas d'équivalent dans notre histoire. Il ne s’agit pas seulement du fait que nous n’avons plus d'alliés ni même de partenaires potentiels à l'Ouest. Les comparaisons fréquentes avec la guerre froide du milieu et de la fin du XXe siècle sont inexactes et nous mettent sur de fausses pistes. Du fait de la globalisation et des nouvelles technologies, la forme moderne de confrontation n’est pas seulement d’une plus grande ampleur que la précédente, elle est aussi beaucoup plus intense. En fin de compte, le principal champ de la bataille en cours se situe à l’intérieur du pays.

» L’asymétrie entre les adversaires est énorme, notamment le déséquilibre entre les forces et les capacités dont ils disposent. Sur cette base, les États-Unis et leurs alliés se sont fixé des objectifs beaucoup plus radicaux que les stratégies relativement conservatrices d'endiguement et de dissuasion utilisées à l’égard de l'Union soviétique. Ils s’efforcent en fait d’exclure la Russie de la politique mondiale en tant que facteur indépendant, et de détruire complètement l’économie russe.

» Le succès de cette stratégie permettrait à l'Occident dirigé par les Etats-Unis de résoudre définitivement la “question russe” et de créer des perspectives favorables à la victoire dans la confrontation avec la Chine. »

• Ainsi n’y a-t-il plus rien à espérer des relations entre la Russie et l’Occident (le bloc-BAO). Vision extrêmement sombre et radicale, que nous contesterions en partie non négligeable dans la mesure où Trenine définit l’Occident comme un bloc (bien qu’après tout, nous parlons nous-mêmes de ‘bloc-BAO’). L’affirmation que tout est réglé, fixé, ‘plié’, que l’antagonisme de la Russie est désormais un fait inaltérable, de la part de tous les pays, de la part des élites et des populations de tous ces pays, nous semble tout de même extrême d’une part, exagéré d’autre part. Mais c’est là la pensée russe du moment, et celle de ces élites dont Sapir dit qu’elles ont « basculé en [quelques semaines] dans une forme de nationalisme agressif »... Et alors ? répondra-t-on ; l’Occident n’encense-t-elle pas le “nationalisme agressif” de Zelenski dont on sait à quelle(s) source(s) il s’abreuve, – néo-nazies et dollars US ?

« Une telle attitude de la part de l’adversaire [l’Occident] ne laisse place à aucun dialogue sérieux, car il n'y a pratiquement aucune perspective de compromis, principalement entre les États-Unis et la Russie, sur la base d'un équilibre des intérêts. La nouvelle dynamique des relations russo-occidentales implique une rupture dramatique de tous les liens et une pression occidentale accrue sur la Russie (l’État, la société, l'économie, la science et la technologie, la culture, etc.) Il ne s'agit plus d’une source de discorde entre les adversaires de l'époque de la guerre froide, qui sont alors devenus des partenaires (inégaux). Il s’agit plutôt de tracer une ligne de démarcation plus nette entre eux, l’Occident refusant d'accepter la neutralité, même sommaire, de certains pays.

» En outre, l’agenda antirusse partagé est déjà devenu un élément structurel important de l’unité au sein de l'Union européenne, tout en renforçant le leadership américain dans le monde occidental.

» Dans ces circonstances, il est illusoire d'espérer que les opposants à la Russie entendront raison ou seront représentés par des personnalités politiques plus modérées à la suite de bouleversements internes dans leurs pays. Un changement fondamental s’est opéré en faveur du désengagement et de la confrontation, même dans les classes politiques des pays où l’attitude à l'égard de Moscou était jusqu'à présent essentiellement déterminée par d’importants intérêts économiques (Allemagne, Italie, France, Autriche, Finlande). Ainsi, la confrontation systémique entre l'Occident et la Russie risque de se prolonger. »

• “Que faire ?”, comme disait Lénine ! Eh bien, “faire la guerre”, parce rien d’autre n’est possible, et la gagner parce que la perdre serait la fin de la Russie. Pour cela, il faut une organisation fondamentale de la Russie, orientée dans ce but, – organisation stratégique, économique, culturelle.

« “Rétablir” la Fédération de Russie sur une base politiquement plus durable, économiquement efficace, socialement juste et moralement saine devient une nécessité urgente. Nous devons comprendre que la défaite stratégique que l'Occident, dirigé par les États-Unis, prépare pour la Russie n’apportera pas la paix et un rétablissement ultérieur des relations. Il est fort probable que le théâtre de la “guerre hybride” se déplacera simplement de l’Ukraine vers l’Est, aux frontières de la Russie, et que son existence sous sa forme actuelle sera contestée.

» La stratégie de cet ennemi doit être activement contrée.

» Dans le domaine de la politique étrangère, l’objectif le plus urgent est clairement de renforcer l’indépendance de la Russie en tant que civilisation, en tant qu’acteur mondial indépendant majeur, d’assurer un niveau de sécurité acceptable et de créer des conditions favorables à un développement global. Afin d’atteindre cet objectif dans les conditions actuelles, – qui sont plus complexes et difficiles que récemment, – il est nécessaire d'adopter une stratégie intégrée efficace - politique générale, militaire, économique, technologique, informationnelle, etc. »

• Et pour commencer, et ce n’est pas rien, arrêter de jouer “à la guéguerre” en Ukraine, dans cette espèce de “drôle de guerre” où la Russie se bat avec une main liée derrière le dos, en s’imposant diverses restrictions et en mesurant chichement ses moyens. Nous comprenons que Trenine suggère de frapper désormais à la tête des dirigeants et des bureaucraties ukrainiennes, de riposter aux intrusions extérieures, d’étendre et de densifier radialement le rythme de la guerre, parce que la “victoire stratégique” en Ukraine est l’assise fondamentale de l’installations de la Russie dans sa position de guerre contre l’Occident.

 « La tâche immédiate et la plus importante de cette stratégie [intégrée] est d'obtenir un succès stratégique en Ukraine dans le cadre des paramètres qui ont été fixés et expliqués au public. Il est nécessaire de clarifier les objectifs déclarés de l'opération et d'utiliser toutes les opportunités pour les atteindre. La poursuite de ce que beaucoup appellent désormais une “drôle de guerre” entraîne une prolongation des activités militaires, une augmentation des pertes et une diminution de la stature mondiale de la Russie. La solution à la plupart des autres objectifs stratégiques du pays dépend désormais directement de la question de savoir si et quand elle réussira à obtenir un succès stratégique en Ukraine. »

• L’organisation extérieure de la politique russe, au niveau économique et commercial mais aussi culturel  dans le nouveau contexte prend en compte les divers facteurs de plus en plus mis en avant depuis la début de cette année, avec un pivotement complet de l’orientation vers le “Sud Profond”, ou “Sud-Global”, ou bien encore d’une sorte de rassemblement de “néo-non-alignés”, –, c’est-à-dire de plus en plus alignés contre le bloc-BAO américaniste-occidentaliste. Le schéma peut être vu d’une manière apaisée comme une simple restructuration ; mais en fait, les conditions où il est envisagé implique qu’il est puissamment sous-tendue par un “ordre de bataille” de type civilisationnel. Il est largement entendu par des regroupements d’ores et déjà existants (OCS, BRICS, etc.) allant de la Chine à l’Amérique Latine, et largement favorisée par l’« arrogance nonchalante » de tout ce que l’Occident peut produire de déstructurant.

« Le passage d'un état de confrontation, mais encore conditionnellement pacifique, des relations économiques entre la Russie et l'Occident à une situation de guerre économique nécessite une révision profonde de la politique économique extérieure de la Russie. Cette politique ne peut plus être mise en œuvre principalement sur la base de l'opportunité économique ou technologique.

» Des mesures visant à dédollariser et à rapatrier les finances offshore sont en cours de mise en œuvre. Les élites économiques (souvent qualifiées à tort d’“oligarques”) qui réalisaient auparavant des bénéfices en dehors du pays sont “nationalisées” de force. Le remplacement des importations est en cours. L’économie russe passe de la politique d’exportation de matières premières au développement de processus de production en cycle fermé. Jusqu'à présent, cependant, le pays a surtout été sur la défensive et a réagi.

» Il est maintenant nécessaire de passer des mesures de rétorsion à des initiatives qui renforceront la position de la Russie dans la guerre économique totale déclarée par l’Occident, lui permettant d'infliger des dommages importants à l'ennemi. À cet égard, il est nécessaire d'aligner plus étroitement les efforts de l'État et les activités de la communauté des affaires, ainsi que de mettre en œuvre une politique coordonnée dans des secteurs tels que la finance, l'énergie, la métallurgie, l'agriculture, les technologies modernes (notamment liées à l'information et aux communications), le transport, la logistique, les exportations militaires et l'intégration économique, – à la fois dans le cadre de l'Union économique Eurasie et de l'État de l'Union de la Russie et du Belarus et en tenant compte des nouvelles réalités dans le Donbass et la région septentrionale de la mer Noire. [...]

» Dans le cadre de la reconstruction des relations économiques extérieures et de la création d'un nouveau modèle d’ordre mondial, les directions les plus importantes sont la coopération avec les puissances mondiales, – la Chine et l'Inde ainsi que le Brésil, – et avec les principaux acteurs régionaux, –  la Turquie, les pays de l'ANASE, les États du Golfe, l'Iran, l'Égypte, l'Algérie, Israël, l'Afrique du Sud, le Pakistan, l'Argentine, le Mexique et autres.

» C'est dans ces zones, plutôt que dans les arènes euro-atlantiques traditionnelles, que les principales ressources de la diplomatie, des relations économiques extérieures et des sphères de l'information et de la culture devraient être déployées. Si, dans le domaine militaire, l'Occident est aujourd’hui le principal point de mire de la Russie, dans d’autres domaines, c’est le reste du monde, – la partie la plus vaste et la plus dynamique.

» Parallèlement au développement des relations bilatérales, une nouvelle priorité devrait être accordée à l’interaction multilatérale entre les États de la partie non occidentale du monde. L'accent devrait être mis sur la création d'institutions internationales. L'Union économique eurasienne, l’Organisation du traité de sécurité collective, l'Organisation de coopération de Shanghai, le groupement Russie-Inde-Chine, les BRICS et les mécanismes de dialogue et de partenariat entre la Fédération de Russie et l'ANASE, l'Afrique et l'Amérique latine ont besoin d'un coup de pouce pour se développer davantage. La Russie est capable de jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration d'une idéologie-cadre pour ces organisations, l'harmonisation des intérêts des pays partenaires et la coordination des programmes communs. »

• Tout cela, pour aboutir à cette conclusion : la tâche qui attend la Russie aujourd’hui est un renouvellement décisif de l’effort de ce pays en 1941-45. Il s’agit d’une seconde Grande Guerre Patriotique...

« La guerre est toujours le test le plus sévère et le plus cruel de la durabilité, de l'endurance et de la force intérieure. Aujourd'hui, et dans un avenir prévisible, la Russie est un pays en guerre. Elle ne pourra poursuivre sa trajectoire que si les autorités et la société s'unissent sur la base de la solidarité et des obligations mutuelles, mobilisent toutes les ressources disponibles tout en élargissant les possibilités offertes aux citoyens entreprenants, éliminent les obstacles évidents qui affaiblissent le pays de l'intérieur et élaborent une stratégie réaliste pour faire face aux adversaires extérieurs.

» Jusqu’à présent, nous nous sommes contentés de célébrer la victoire remportée par les générations précédentes en 1945. Le défi actuel est de savoir si nous sommes capables de sauver et de développer le pays. Pour ce faire, la stratégie de la Russie doit surmonter les circonstances qui l'entourent et la contraignent. »

Nous nous battrons à Taïwan

Bien entendu, cette proposition de déploiement de la stratégie globale de la Russie se fait dans le cadre d’un activisme extraordinaire développé par Washington D.C., dans un brouhaha considérable concernant de nouvelles livraisons d’armes avancées à l’Ukraine, notamment dans le cas actuel de missiles antinavires de type ‘Harpoon’, au travers d’arrangements avec le Danemark. (Ces événements extraordinaires des livraisons d’armes à l’Ukraine ne sont en fait que la reprise de l’habituelle démarche impérialiste et couarde des USA, simplement pratiquée un peu différemment :; vietnamisation, “irakisation”, etc., avec aussi la Corée du Sud, l’Afghanistan jusqu’où l’on sait, avec le succès qu'on sait, etc.)

Le site ‘WSWS.orgs’en fait l’écho hier de cet envoi de nouvelles armes, dans un texte dont l’essentiel est pourtant orienté vers des projets destinés à s’opposer aux projets supposés de la Chine contre Taïwan. ‘WSWS.org’ tient pour acquis que ces projets bellicistes contre la Chine, comme dans le cas de la Russie et de l’Ukraine envisagés comme des ripostes à une attaque, sont d’une actualité extrême beaucoup plus que des projets à long terme.

WSWS.org’ s’appuie sur une déclaration de Biden dans un sens et une circonstance équivalentes au discours du même Biden à Varsovie sur la nécessité de “faire tomber” Poutine. Comme à l’habitude, la chose est présentée comme un excès de langage du genre qu’on connaît, de la part du président US et gâteux, mais cela n’empêche nullement qu’un bruit de fond démarre aussitôt pour envisager cette perspective comme une véritable option. Cette fois, il s’agit d’un affrontement réel entre les forces US et des forces chinoises envahissant Taïwan. Ces conditions de communication extrêmement ambiguës et chuchotée n’empêche en rien que l’idée est aussitôt l’objet d’une promotion intense du ‘War Party’ pour faire du principe d’un affrontement direct USA-Chine (à Taïwan ou ailleurs) une possibilité tout à fait acceptable. Il est remarquable qu’on trouve dans ce cas, en tête du ‘War Party’, un Richard Haas en tant que président du CFR (‘Council of Foreign Relations’), organisme extrêmement puissant du DeepState, mais perçu en général, dans tous les cas in illo tempore, comme plutôt centriste.

Bref, “centriste” ce n’est donc plus le cas, – ou “extrême-centre”, “CFR macronitien” si vous voulez...

« Alors même que les États-Unis intensifient leur guerre avec la Russie, Biden a ouvertement menacé d’entrer en guerre avec la Chine, le pays le plus peuplé du monde et sa deuxième plus grande économie.

» Lors d’une conférence de presse au Japon, on a demandé à Biden : “Êtes-vous prêt à vous impliquer militairement pour défendre Taïwan si cela devait arriver ?”

» Biden a répondu : “Oui... C'est l'engagement que nous avons pris”.

» Malgré les efforts des médias pour présenter le commentaire de Biden comme une fausse déclaration ou une “gaffe”, la réalité est que la remarque de Biden correspond à l'opinion des principales personnalités de la politique étrangère américaine.

» Richard Haass, président du Council on Foreign Relations, a écrit sur Twitter : “C’est la troisième fois que le @POTUS se prononce en faveur de la clarté stratégique sur Taïwan et la troisième fois que le personnel de la Maison Blanche tente de revenir en arrière. Il vaut mieux l'accepter comme une nouvelle position des Etats-Unis”.

» Soutenant la déclaration de Biden selon laquelle les États-Unis devraient entrer en guerre avec la Chine au sujet de Taïwan, Haass a déclaré : “Le ‘modèle ukrainien’ [est] inadapté à Taïwan. Taïwan [est] une île qui ne peut pas être facilement réapprovisionnée. De plus, les partenaires et alliés locaux en Asie souhaitent une intervention directe des États-Unis. De plus, Taïwan est loin d’être aussi forte que l'Ukraine. Une intervention militaire américaine directe serait donc essentielle pour la défense contre la Chine”.

» La guerre provoquée par les États-Unis contre la Russie en Ukraine a déjà tué des dizaines de milliers de personnes et en a déplacé des millions. La guerre contre la Chine que menace de faire Biden transformerait toute la région Asie-Pacifique, la zone la plus peuplée du monde, en une zone de guerre, avec des conséquences dévastatrices et incalculables.

» Des plans d'escalade militaire de grande envergure étaient en place bien avant que Biden n’entre à la Maison Blanche. En 2020, Biden a publié un article intitulé “Rescuing U.S. Foreign Policy After Trump” dans Foreign Affairs.

» Biden s'engageait à ceci que, “pour contrer l'agression russe, nous devons garder les capacités militaires de l'alliance affûtées”.  Dans le même temps, les États-Unis doivent “être fermes avec la Chine”, a-t-il écrit. Le “moyen le plus efficace de relever ce défi est de constituer un front uni d'alliés et de partenaires des États-Unis pour affronter la Chine”.

» Ces projets se sont limités à la presse spécialisée en politique étrangère lue par les initiés du domaine, et les projets de Biden visant à provoquer une guerre avec la Russie et la Chine n'ont pratiquement joué aucun rôle dans son appel aux électeurs. Au lieu de cela, Biden s'est publiquement engagé à mettre fin aux “guerres éternelles”.

» En réalité, le retrait de Biden d’Afghanistan était un repositionnement des forces américaines en vue d'une escalade du conflit américain avec la Russie et la Chine.

» En 2020, le World Socialist Web Site a averti : "Une administration Biden/Harris n'inaugurera pas une nouvelle aube de l'hégémonie américaine. Au contraire, la tentative d'affirmer cette hégémonie se fera par une violence sans précédent. Si elle est portée au pouvoir - avec le soutien de l'assemblage de réactionnaires responsables des pires crimes du 21e siècle - elle sera engagée dans une vaste expansion de la guerre."

» Ces avertissements ont été confirmés. Pendant des années, l'armée américaine a systématiquement souligné son intention de mener un "conflit entre grandes puissances" avec ces deux pays. Aujourd'hui, une guerre avec la Russie a déjà éclaté, et les commentaires de Biden montrent clairement que l'administration se prépare systématiquement à une guerre avec la Chine.

» Ces conflits menacent de dégénérer en une guerre mondiale, menée entre des puissances dotées de l'arme nucléaire, menaçant de destruction l’Europe, l’Asie, l'Amérique du Nord et, en fait, l'ensemble de la civilisation humaine.

» Les plans de guerre de l’administration Biden expriment la volonté implacable de l’impérialisme américain d’inverser son déclin économique relatif par des moyens militaires. »

Joe comme inspirateur irresponsable

Les deux positions détaillées ont été choisies parce qu’elles nous semblent bien fixer et symboliser les deux attitudes antagonistes de la Russie et des États-Unis. Dans le climat dominant, elles ne sont pas maximalistes ni outrancières ; c’est la situation elle-même qui est maximaliste et outrancière, façonnée par les événements et leur “souveraineté spirituelle”, d’une façon si différente, bien plus intense, bien plus rapide par rapport à une certaine normalité des relations internationales telle que la raison la conçoit.

• La position russe exprimée par Trenine est simple et claire, et nous dirions même logique, de même qu’elle est absolument abruote. Son caractère est d’autant mieux convaincant qu’il est exprimé par une voix qui est réputée pour sa mesure et un certain “libéralisme” (une voix similaire est celle de Medvedev). Cela implique une certaine unanimité dans les élites russes, et même une pression sur Poutine de gens qui ne sont pas réputées normalement pour leur radicalité et qui, désormais, exigent de lui plus de dureté. C’est le cas pour le passage sur l’Ukraine, – qu’est-ce qu’une “drôle de guerre” a à voir avec la Grande Guerre Patriotique ? – où l’on peut comprendre que Trenine réclame de la direction suprême un durcissement militaire pour transformer la dimension tactique en une victoire stratégique, y compris, implicitement dit, par des mesures contre les interventions occidentales.

Il s’agit de transformer radicalement la Russie vers un modèle complètement coupé de l’Occident. L’exigence est abrupte, et pour le coup et selon notre point de vue, outrancière alors qu’il existe des possibilités et même des signes de divergences dans les pays du bloc-BAO, notamment en Europe où des potentialités de rupture sont perceptibles entre les extrémistes (Pologne, pays baltes, etc.) et les autres (le cas de la Hongrie et d’autres, moins voyants). Il n’est pas question d’un retour à la “situation d’avant” à moins de ruptures radicales avec le courant anglo-saxons chez ceux qui, dans le bloc-BAO, le voudraient, – c’est-à-dire un détachement de ce bloc.

• Par contre, bien entendu, la position US est d’une complexité complètement contraire. Cette complexité se distingue au niveau du pouvoir suprême, du président Biden lui-même. Ce cas personnel pèse de tout son poids sur la situation politique, notamment sinon essentiellement à cause d’une situation personnelle de l’homme très complexe, manifestée par une pathologie qui acquiert une force très grande à cause du poids énorme de la communication. Un président US sénile reste un président...

On doit avoir à l’esprit que cette deuxième accélération du maximalisme américaniste, avec la possibilité d’une intervention des forces US à Taïwan au contact direct d’éventuelles forces chinoises, rejetée radicalement au printemps 2021 par le président du comité des chefs d’état-major le général Milley, est directement l’effet d’une déclaration intempestive de Biden. Un cas similaire a eu lieu pour l’Ukraine et la Russie fin-mars à Varsovie, suite à une autre pseudo-gaffe de Biden. Dans ce cas, le démenti immédiat de la Maison-Blanche n’a servi à rien et le “but de guerre” de la chute de Poutine est devenu officiel. Nous pensons que ce sera la même chose dans ce cas, avec l’affrontement direct avec la Chine à Taïwan ; ce qui est ainsi officialisé, – et le démenti de la Maison-Blanche n’y fera rien, – c’est le principe de la possibilité de l’affrontement direct avec la Chine (à Taïwan ou ailleurs).

Les “gaffes” de Biden sont donc utilisées comme des occasions irrésistibles. On remarques que c’est un démenti de la formule de Musk :

» “Le vrai président est celui qui contrôle le téléprompteur [du président]”, a-t-il déclaré.

» “Le chemin vers le pouvoir est le chemin vers le téléprompteur”. »

Eh bien non ! Les interventions intempestives et irresponsables de Biden ne sont pas inscrites sur le téléprompteur, comme le montrent les réactions affolées de la Maison-Blanche. (On ne s’affole pas, n’est-ce pas, lorsque votre supposée marionnette lit parfaitement le texte de la fable qu’il doit réciter.) Les interventions de Biden sont dues à la pathologie de la démence sénile, où ce qui reste de l’esprit est emporté par des poussées émotives incontrôlées, ce que nous nommons affectivisme bien sûr, et encore poussé à l’extrême, dans un climat si propice à de telles émotions guerrières, de la sorte d’émotions qui soulèvent d’exaltation des psychologies affaiblies ou malades.

Il n’y a là ni complot ni manigance, mais l’emportement du vieillard complètement irresponsable. (D’autant plus irresponsable et hors de toute réflexion que Biden, du temps de sa raison, a toujours été un adversaire des guerres extérieures.) Cette même irresponsabilité, par capillarité complice, est la marque absolue de la “politique” (?) US, et on la retrouve d’ailleurs dans ce temple de l’irresponsabilité corrompue et de la posture guerrière qu’est le Congrès. On peut ainsi dire que cette politiqueSystème poussée à l’extrême de l’affrontement possible, sinon recherchée, avec des puissances nucléaires, s’est découverte elle-même, se révélant à ciel ouvert comme une véritable pathologie où l’affectivisme également en tant que pathologie joue un rôle énorme, ne faisant effectivement que se découvrir ainsi pour ce qu’elle est réellement depuis l’origine, dans son fondement et sa manufacture.

C’est là justement qu’on trouve l’explication centrale de la “politique” washingtonienne, évidemment manipulée par le ‘War Party’, lui-même affecté de sa pathologie, – folie pure et démence de tous âges, Richard Haas du CFR compris... Biden, qui a  toujours été un adversaire des guerres extérieures, verse dans la démence de la guerre (le “somnambule” qui sait très bien où il va et en jouit d’avance) parce que l’affectivisme l’y conduit irrésistiblement. Le cas devient alors extraordinaire : les bellicistes en sont même exonérés de toute responsabilité, puisqu’ils ne font que répondre aux exhortations de leur chef suprême. L’irresponsabilité de Biden devient leur propre irresponsabilité.

Il nous paraît chaque jour extraordinaire d’entendre stratèges et experts parler de la “politique de l’administration Biden” comme d’une superbe poussée d’hégémonisme ‘brzezinskien’, en citant Biden comme si cet homme avait une politique et un échiquier devant lui. Il faut bien savoir que nous ne faisions pas ici le procès d’une imbécillité (s’il s’agit de juger l’imbécillité des présidents US, le box des accusés serait plein à craquer), nous faisons le constat d’une pathologie.

Comment peut-on parler rationnellement, pour en juger rationnellement, d’une “politique“ totalement déterminée par la pathologie, parce que la pathologie ne résiste pas à l’ivresse guerrière et transmue par conséquent toute politique en ivresse guerrière. Le reste, – les neocons, l’industrie d’armement, les généraux-experts à la retraite, – qui n’osait pas en demander tant, se précipite alors avec enthousiasme dans la brèche causée par “le fou sur la colline”. Eux aussi sont fous, d’ailleurs, sans nécessité de sénilité... Et l’on cherche en vain une explication rationnelle à tout ce tohu-bohu guerrier, qui puisse se satisfaire de notions géostratégiques ou hégémonistes rationnelles,

Et tout cela se précipite avec d’autant plus d’entrain que l’on s’est persuadé, – et la chose est ancrée également dans la caboche de Biden, – que dans cinq mois les démocrates, actuels mandataires de la politiqueSystème, se sont persuadés qu’ils allaient prendre une rouste électorale de première dimension, et qu’ainsi la route de la guerre serait compromise. Comme si les républicains, devenus angelots de la Paix-sur-la-Terre, allaient réfuter cette politiqueSystème ! Ce ne sera pas le cas, – ou plutôt ce ne serait pas le cas si les questions politiques étaient traitées selon la logique du Système. Mais la haine entre les deux partis, pour des simples raisons d’opportunité électoralistes et de l’intense corruption psychologique régnant au Congrès, fait oublier les folies et les pathologies communes tout en en étant les archétypes ; ainsi, bien que républicains et démocrates veuillent les mêmes folles guerres, ils s’entre-déchireront par haine comme s’ils divergeaient complètement, et ainsi de belles et bonnes politiques de guerre globalisées pourraient complètement dérailler...

Une sortie de Trump, ici ou là en embuscade, pourrait en tirer quelques marrons du feu, tant il est vrai que ces élections qui ne concernent en rien une détermination belliciste qui constitue le seul exemple de parfaite entente bipartisane pourraient malgré tout la mettre en danger.

L’avertissement de Hanson reste parfaitement d’actualité ; simplement, on ignore s’il porte sur la possibilité d’un embrasement guerrier mondial-global ou sur la probabilité d’un embrasement intérieur de la haine interne qui déchire les Etats-Unis... Donc, certes :

« Les Américains entrent maintenant dans un territoire inexploré et révolutionnaire. Ils pourraient être témoins, au cours des cinq prochains mois, de choses qui, autrefois, auraient semblé inimaginables. »