La Libye et son “islamisation”

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Il est intéressant de lire le compte-rendu que fait DEBKAFiles de la situation en Libye après la mort de Kadhafi (voir le 24 octobre 2011). On a ainsi un aperçu de la perception des milieux proches de l’appareil de sécurité nationale israélien, et essentiellement du Mossad. La chose est à lire avec certaines appréciations de pondération en fonction de la source, bien entendu.

Le point important qui transparaît du compte-rendu de DEBKAFiles, c’est sans aucun doute l’affirmation d’une marche irrésistible de la Libye vers une “islamisation”. L’adoption de la Charia, ce que les Occidentaux nomment “loi islamique”, comme base fondamentale de l’organisation et de l’orientation du nouveau régime est, de ce point de vue, perçue comme un fait absolument fondamental et révélateur. Qui plus est, DEBKAFiles fait de cette adoption le signe de la victoire de la composante islamiste des forces “rebelles” sur le reste.

«It was generally believed in Tripoli that the strongmen ruling the capital, Abdel Hakim Belhaj, ex-al Qaeda, and Ismail and Ali al-Sallabi, heads of the Libyan Muslim Brotherhood, only granted Abdul-Jalil's wish for a big liberation rally in Benghazi after he agreed to declare the new Libya a Sharia state.

»But after the grand celebration is over, DEBKAfile's sources report, the transitional leader will be little more than a figurehead. Even now, he is confined in Benghazi by the three strongmen, who control most parts of the capital, and have not given him permission to move the seat of the interim government to Tripoli. Abdul-Jalil is only allowed to pop over to receiving visiting foreign dignitaries.»

Sur le rôle du bloc BAO dans le dernier épisode en date de la crise/guerre libyenne, DEBKAFiles donne divers détails opérationnels d’où il ressort que ce bloc (l’OTAN et les principales nations qui sont intervenues) a joué un rôle prépondérant dans la liquidation de Kadhafi. Des conclusions en sont tirées sur la politique du bloc vis-à-vis des dictateurs, et notamment le fait que le remplacement “des dictateurs” en général laïcs par des régimes islamistes est en train de devenir le trait principal de facto de cette politique. (Bien entendu, la victoire des islamistes en Tunisie, les très bonnes perspectives des Frères musulmans en Egypte, confortent objectivement cette analyse, bien qu’il n’y ait pas de liens nécessaires directs à établir entre ces événements et la situation libyenne, notamment par rapport à une éventuelle politique élaborée du bloc BAO.)

«…American sources are willing to admit that US drones operated by pilots from Las Vegas pinpointed the fugitive ruler's hideout in Sirte and kept the building under surveillance for two weeks, surrounded by US and British forces.

»Both therefore had boots on the ground in breach of the UN mandate which limited NATO military intervention in Libya to air strikes. Some of the accounts of his last days suggest that he abandoned the precautions which kept him safe for years and was not afraid to use the satellite and cell phones which gave his position away – almost as though he courted capture.

»Other accounts describe his departure from Sirte Thursday morning in a convoy of 75 vehicles as “a suicidal flight.” According to the London Daily Telegraph, his presence in the convoy was first picked up by the USAF River Joint RC-135V/W intelligence signals plane, which passed the information to French warplanes overhead who then carried out the strike on Qaddafi's vehicle. […]

»It is increasingly obvious now that without the active intervention of the US, Britain, France and Germany, the anti-Qaddafi rebels on their own would never have beaten Qaddafi or been able to end his life. The way the Libyan episode unfolded up to its ending has two important messages for the Middle East and North Africa, say DEBKAfile's military and intelligence sources:

»1. The United States and its NATO allies have no compunctions about eradicating dictatorships one way or another. The opposition in Syria quickly picked up the message. Shortly after Qaddafi's demise was confirmed, the protesters were out in the streets flying Libyan flags and warning Bashar Assad that he would soon share the same fate.

»2. A primary objective of the Arab Spring as promoted by the United States and the Western Alliance is the substitution of those dictatorships by fundamental Muslim regimes whose leaders quite frankly usher Sharia law in to the liberated countries.»

La pondération de cette analyse devrait être faite au niveau du rôle prêté au bloc BAO, notamment d’un point de vue conceptuel, notamment l’idée que le choix en faveur des islamistes constituerait une politique élaborée et délibée. Cela n’est certainement pas le cas, et c’est faire beaucoup d’honneur aux dirigeants politiques amércanistes-occidentalistes de leur prêter des projets aussi cohérents, – même s’ils sont totalement en contradiction avec la politique “morale” et “laïque” suivie par cette belle contre-civilisation humaniste, – comme d’ailleurs c'est leur faire beaucoup d'honneur, à ces dirigeants, de leur prêter quelque projet cohérent que ce soit. Notre appréciation à cet égard, qui s’intéresse surtout à leur psychologie, est qu’il n’y a aucune politique de ce côté, mais des “coups” qui ne sont même plus politiques, qui prennent désormais la forme de “spasmes” psychologiques, et rien d’autre, – ou d'“orgasmes psychologiques”, pourquoi pas cette dénomination originale... Néanmoins, c’est un fait politique intéressant de constater que l’opinion générale de ces milieux de sécurité nationale israéliens est effectivement de croire qu’il y a une politique américaniste-occidentaliste délibérée dans ce sens, qui est évidemment le sens le plus détestable possible pour ces mêmes Israëliens. Cela contribuera à l’amélioration et la compréhension des liens essentiels entre Israël et notre bloc.

Un autre aspect de l’évolution politique, qui nuance également l’analyse ci-dessus, c’est le comportement des actuelles et diverses directions “rebelles” libyennes. Là aussi, on peut émettre quelques doutes sur l’efficacité d’une “politique” du bloc BAO par ailleurs si complètement inexistante. Divers incidents ont montré, ces dernières semaines, le peu d’empressement des Libyens de “collaborer” avec les Occidentaux, notamment les Européens. Il y a divers exemples à cet égard ; il y a eu cet incident d’une délégation diplomatique européenne, en mission d’information en Libye, bloquée pendant une journée à l’aéroport de Tripoli avant d’être autorisée à entrer dans le pays ; il y a eu le cas d’une autre délégation européenne qui s’est vue opposer un refus net et ferme de la direction libyenne, lorsqu’elle a demandé des informations sur des délibérations importantes qui venaient d’avoir lieu au sein du CNT. Actuellement, les rapports et les constats des observateurs européens sur la situation libyenne depuis la mort de Kadhafi sont plutôt de type catastrophique, qu’il s’agisse de l’ampleur des dégâts causés par les combats (Sirte transformé en une sorte de Stalingrad), les mésententes profondes entre les dirigeants et les factions diverses, les projets politiques, etc... Mais quels que soient la répartition des forces dominantes en Libye et l’ampleur du désordre, il existe un réflexe nationaliste hargneux et d’une grande force, qui va encore se renforcer (comme les divisions internes d’ailleurs) maintenant que Kadhafi a été tué et que les combats pour la “libération” du pays dans la phase actuelle sont sur leur fin, et avec cela la fin du rôle militaire prépondérant que jouait l’OTAN.


Mis en ligne le 25 octobre 2011 à 11H48