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1494Au départ, il y a l’importance et les mystères divers de l’“arrestation” (guillemets nécessaires), le 24 ou le 26 décembre 2013 au Liban par l’armée libanaise semble-t-il, de Majed al-Majed, personnage important de nationalité saoudienne, chef terroriste d’un groupe proche d’al-Qaeda (L’AAB ou Abudullah Azzam Brigade, lié au groupe ISIS, ou Islamic State of Iraq and Syria, lié à al-Qaeda ou pour ainsi dire et ainsi de suite...) ; mais peut-être aussi, et même sans doute, membre important des SR saoudien disposant de renseignements importants. Et puis, il y a sa mort mystérieuse, le 3 janvier 2014 sans doute, alors qu’il se trouvait hospitalisé, selon une version “officielle” parce qu’il aurait succombé à la grave maladie dont il souffrait ; selon d’autres versions spéculatives mais fondées sur l’importance extrême du personnage, alors qu’il était interrogé, voire même torturé, ou plus abruptement encore parce qu’il a été “simplement” liquidé...
Sur l’importance du personnage, on lira notamment le texte de Ibrahim al-Amin, rédacteur-en-chef de Al-Akhbar en anglais, un quotidien libanais “pro-résistance”, du 4 janvier 2014. Le texte a été écrit alors que Majed était supposé encore vivant sous le titre “Il faut empêcher que Majed soit liquidé”, avec un avis de “mise à jour” de dernière minute : «Majed al-Majed died while in Lebanese custody on January 4». Quelques extraits du texte avec l’accent mis par nous (souligné de gras) sur ce qu’il nous importe de mettre en évidence.
«As security officers closely involved in his case attest, Majed is a strong figure among his supporters and followers. The security sources say that Majed’s associates have carried out acts that demonstrate their conviction and faith in him, to the extent of being willing to sacrifice their lives for Majed. [...]
»Majed, according to experts on extremist groups, is privy to the secrets of a long era that spanned at least 10 years of direct action. His journey took him from Saudi Arabia to Iraq, Syria, and Lebanon, and also Afghanistan and Pakistan, during which he became acquainted with quite a few individuals who would go on to join al-Qaeda. Majed also had a key role to play in helping jihadists regroup in decentralized frameworks following the US-led invasion of Afghanistan and the dismantling of al-Qaeda’s leadership.
»The information supposedly in his possession covers a large number of operatives, operational details, the form and targets of sleeper cells, and amendments introduced to the modus operandi of jihadi groups after the US-led invasion of Iraq and then the Syrian crisis. Majed also has intricate knowledge of how the group’s leaders and members are financed, where the funds are spent, and also many of the group’s political, security, military, and economic contacts that helped it operate in several countries, including in Lebanon... [...]
»More importantly, Majed, despite his illness, remained in contact with the cells tasked with attacking Hezbollah and the Lebanese army across Lebanon. The man possibly knows everything about the database of targets his group intends to attack, but above all, he holds the most important secrets about ties to Arab and Western governments and agencies, especially Saudi’s shadow men in the Levant and Iraq.
»Yet as much as Majed was a high-value target that many agencies in the region and the world were tracking down, and as much as his arrest was a major achievement – regardless of how and why it succeeded – his case is shrouded in mystery, prompting one to infer that his capture was a difficult matter for those who decided to do it, and that he has now become a burden.»
• Sur les circonstances de l’arrestation, divers mystères et inconnues apparaissent à l’évidence selon les sources. DEBKAFiles, qui annonce la nouvelle le 1er janvier 2014, est assez peu disert et spéculatif contrairement à ses habitudes, s’en tenant à des renseignements de type opérationnel, plongeant dans la multitude du désordre des organisations terroristes, islamistes, etc., en Syrie. Al-Akhbar, à nouveau, donne le 3 janvier 2014, sous la plume d’un de ses journalistes, Razdwan Mortada, diverses indications substantivant le caractère mystérieux et complexe de cette arrestation. A ce point chronologique, donc un jour avant l’article signalé plus haut de son rédacteur-en-chef, Mortada s’en tient à la version de la maladie mais fait intervenir des sources intéressantes comme base de l’opération, faisant de son “arrestation” rien de moins qu’une intervention médicale d’urgence pour tenter de sauver Majed A nouveau, un peu de souligné en gras...
«Nothing about this operation was ordinary, as Majed himself was no ordinary man. He is the emir of one of the international jihad’s most prominent and mysterious organizations. Ten days ago, US military intelligence sent an urgent cable to the Strategic Security Branch at the Lebanese Defense Ministry, revealing that Majed was in a mountainous area near the Lebanese border town of Ersal. Later, he was moved to a house inside the town due to his critical health condition. Two days later, another cable arrived indicating there was talk of transporting Majed to a Beirut hospital to undergo urgent dialysis. On December 24, an ambulance took Majed from Ersal to Makassed Hospital in Beirut, and another cable confirmed the transfer.»
• Ensuite il y a l’intervention saoudienne et les pressions et questions iraniennes. Sur ce dernier point qui est justifié par l’affirmation que Majed a réalisé l’attaque contre l’ambassade iranienne à Beyrouth, la demande d’un parlementaire iranien d’une autopsie commune de Majed (PressTV.ir, relayée par l’agence Trends.News le 5 janvier 2014) suit les interventions iraniennes pour rencontrer Mejed prisonnier, conjointement avec les Saoudiens qui avaient lancé cette procédure, et le refus des Saoudiens de la présence iranienne. Finalement, les Saoudiens sont d’accord pour une autopsie, mais du fait de la seule Arabie, cela étant justifié par la nationalité (saoudienne) du mort. (Selon Now, quotidien libanais, le 5 janvier 2014.)
• Entretemps, des sources iraniennes ont expliqué que l’Arabie avait offert $3 milliards au gouvernement libanais pour l’extradition de Mejed. (Un long texte de l’agence FARS, le 4 janvier 2014, lie Majed aux services de renseignement saoudiens de Prince Bandar, en rappelant les diverses péripéties et intrigues de Bandar, notamment vis-à-vis des Russes et concernant la sécurité des JO de Sotchi.) Une dépêche de FARS rapporte le 4 janvier 2014 une intervention d’un député iranien de la commission des affaires étrangères sur cet aspect de l’affaire Mejed, ajoutant que l’Iran est en droit de déposer une plainte auprès de l’ONU contre l’Arabie, à cause de l’attaque à la bombe contre l’ambassade iranienne à Beyrouth du 25 novembre dernier.
«Earlier today, senior parliamentary officials in Tehran disclosed that Saudi Arabia has offered to pay $3bln to the Lebanese government in return for the extradition of Al-Majed, the suspected head of the Abdullah Azzam Brigades â Ziad al-Jarrah Battalion, that claimed responsibility for the November attack on the Iranian embassy in Beirut which killed 25 people. “The Saudi government has considered $3bln for the extradition of the individual behind the Iranian embassy blast in Lebanon, indicating that the remarks he might make are vitally important for the Saudi government,” Vice-Chairman of the parliament's National Security and Foreign Policy Commission Mansour Haqiqatpour told FNA on Saturday. “Saudi Arabia has demanded Lebanon to extradite Majed in return for $3bln,” he reiterated. Haqiqatpour also underlined that Tehran is entitled to file a lawsuit at the UN against Saudi Arabia because the mid November attack was conducted on the Iranian embassy in Beirut.»
• Enfin, le 5 janvier 2014, la TV libanaise al-Jahud relayée par l’agence iranienne FAS et, dans ce cas, par le site ThereAreNoSunGlasses.wordpress.com, affirme qu’un diplomate saoudien a rendu visite à Majed peu avant la mort du détenu. Cette visite est présenté dans le titre chapeautant le texte comme “le baiser de la mort” des Saoudiens à Majed («Did Saudi diplomat give Majed the kiss of death?») : «The Lebanese al-Jadid TV channel reported that a Saudi embassy attaché in Beirut met Majed at the hospital where he was kept for dialysis 24 hours before his death.»
• On voit qu’il y a bien assez d’éléments pour aussitôt interpréter cette arrestation et cette mort très rapide, bien entendu ô combien suspecte à côté des affirmations selon lesquelles Majed avait été “arrêté” plutôt pour être soigné d’urgence, comme un élément dramatique de plus dans une affaire qui mêle des imbroglios nombreux, dont certains importants, concernant la situation des terrorismes divers, de l’Arabie, et notamment, en arrière-plan, des liens de l’Arabie avec les USA... Car c’est ce dernier aspect que choisit MK Bhadrakumar pour écrire un très court billet, le 5 janvier 2014, sur son blog (Indian PunchLine), sous le titre assez ambigu si l’on considère le contenu de son texte de «Majed won’t talk but Obama should worry».
Bhadrakumar est en général bien informé sur ces affaires complexes du Moyen-Orient, impliquant l’Iran et l’Arabie, et les multiples ramifications du terrorisme en grande partie subventionné par l’Arabie. De plus, en tant qu’ancien diplomate respecté, il n’a pas le goût du sensationnel ni des thèses dites “complotistes”... L’allusion qu’il mentionne concernant la situation nouvelle à Washington où la justice US a autorisé l’examen de l’implication possible de l’Arabie dans l’attaque du 11 septembre 2001 (voir le 26 décembre 2013), dans divers procès en cours de la part de familles de victimes de l’attaque, est le point principal qui nous intéresse en fonction de ce qui serait le “double chapeau” de Majed (chef terroriste de l’AAB mais aussi membre du renseignement saoudien informé des «most important secrets about ties to Arab and Western governments and agencies»). Voici l’extrait du texte de Bhadrakumar qui nous intéresse effectivement, texte par ailleurs centré sur les répercussions possibles du sort de Majed au Liban, avec les risques d’une nouvelle guerre civile...
«The Saudi intelligence would have feared that Majed e-Majed might spill the beans about the AAB’s links with Al-Qaeda. The point is, AAB is backed by the Saudi intelligence, although it is listed by the US as a terrorist organization. The Saudi doublespeak is typical — Majed el-Majed is in Riyadh’s list of wanted terrorists but AAB enjoys covert support. In short, had he been left alive, there was the dangerous possibility that the US would have been compelled to examine Saudi Arabia’s links with the al-Qaeda. The US Appeal Court recently ordered that the Saudi role in the 9/11 attacks should bear scrutiny.
»All this once again highlights that the US’s ties with Saudi Arabia need a careful think by the Barack Obama administration. The thesis that if the US antagonized saudi Arabia, the latter might look for new alliances is an ingenuous argument. The core issue is whether it is in the US’ and the western world’s (or the Middle East’s) interests if Saudi Arabia is allowed to get away with its links with Al-Qaeda groups. Syria becomes the test case. The continued US ambivalence on this score only strengthens the suspicion that Washington too might have had uses of Al-Qaeda groups as instruments of its regional policies such as Afghanistan or Iraq.»
On ignore ce que Bhadrakumar signifie exactement lorsqu’il écrit dans son titre “Obama devrait s’inquiéter”. S’agit-il des implications des USA avec le terrorisme type-al-Qaeda essentiellement financé par l’Arabie, dans le cas où l’antagonisme USA-Arabie deviendrait extrême, avec les révélations qui peuvent surgir sur ces implications, volontairement ou non diffusées par l’Arabie qui aurait remplacé la complicité avec les USA par l’affrontement ? Sans doute, mais faut-il alors aller au cœur du propos en observant que ces implications avec le terrorisme, mêlant USA et Arabie, peuvent aller jusqu’à 9/11 dès lors que la justice US a autorisé les procès en cours d’instruire la possibilité d’une implication saoudienne dans l’attaque, – à une époque, en 2001, où les connexions triangulaires USA-Arabie-terrorisme type-al-Qaeda donnaient à plein ? Ces questions ont aujourd’hui tous leur sens, à la lumière de l’affaire Majed, terroriste-agent de renseignement censé connaître énormément de choses sur les liens entre l’Arabie et les SR occidentaux (US, évidemment) par rapport aux terrorismes type-al-Qaeda, et cela alors que des sources indiquent que ce serait le renseignement militaire US (la DIA ?) qui aurait “fixé” Majed pour le désigner à l’armée libanaise. (Ce dernier élément d’ailleurs également ambigu avec la précision donnée, la connexion de militaires [US] à militaires [libanais] pouvant très bien se faire indépendamment des autres forces de renseignement impliquées [US, libanaises, saoudiennes], voire dans un but d’antagonisme avec elles, par exemple pour “sauver” Majed qui sait-tant-de-choses.)
Il est bien impossible d’extraire de tout cela une conclusion solide sur l’affaire dans son cadre si complexe du terrorisme type-a-Qaeda et des activités saoudiennes, sinon à se livrer à des spéculations diverses et pour nous gratuites, puisque substantivées par rien. Par contre, l’allusion directe d’un commentateur du calibre de MK Bhadrakumar à la possibilité nouvelle d’examiner l’implication de l’Arabie dans 9/11 à la lumière de la dégradation des liens USA-Arabie, et dans le cadre de l’affaire Majed, a une signification implicite non négligeable. D’une façon générale, on comprend que la tension actuelle entre l’Arabie et les USA, si elle se renforce et devient structurelle, est porteuse de nombreux effets dans diverses affaires courantes, affrontements, conflits d’intérêt, etc., mais aussi qu’elle concerne désormais un point capital qui est la possibilité extrêmement forte, au travers d’un incident ou l’autre, d’une révélation ou l’autre dont se saisirait la justice US, de revisiter la “version officielle” de l’attaque du 11 septembre 2001, – désormais “officiellement” mise en doute (l’intervention de deux parlementaires US dans ce sens, à la Chambre, comme signalée dans notre texte du 26 décembre 2013). Il faut donc confirmer qu'il s’agit bel et bien d’un nouveau chapitre des suites de l’attaque 9/11 qui est ouvert, où, effectivement, le “complotisme” n’est plus un argument de polémique de communication et de salon à sens unique, comme il a été utilisé jusqu’ici par une presse-Système bien huilée, mais bien une hypothèse concrète et imprévisible dans ses effets, à la fois opérationnelle et liée à des intérêts (US et saoudiens) désormais antagonistes, à la fois juridique dans la cadre strict des procédures de la justice US.
Mis en ligne le 7 janvier 2014 à 07H41
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