La litanie des erreurs américaines

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La litanie des erreurs américaines


26 avril 2003 — Les planificateurs américains commencent à se douter de quelque chose. L’agitation chiite en Irak commence à faire naître quelque doute sur l’aisance avec laquelle on attend que la situation en Irak se résolve (d’elle-même, quasiment). L’article publié le 23 avril par le Washington Post est un concentré saisissant de la situation psychologique des planificateurs américains.

Que s’est-il passé ? Comme d’habitude, — l’arrogance et l’aveuglement, l’ignorance absolue, systématique, de tout ce qui n’est pas américain, dans tous les cas American-style, toutes ces attitudes constituant le comportement habituellement et typiquement washingtonien. L’impréparation US devant ce qui se passe est due à l’erreur d’appréciation systématique, à la croyance aux déclarations de quelques émigrés grassement rétribués, à la fraude systématique ou à la suppression pure et simple des informations diffusées par les services de renseignement américains (CIA principalement), etc. Il s’agit d’un monde virtuel, virtualisme oblige, que Washington a construit autour du projet d’attaque de l’Irak.

Pour comprendre en une seule formule la trame de cette aventure, il suffit de rappeler une phrase de l’amiral Stansfield Turner en avril 1979. Directeur de la CIA, Turner voulait expliquer à des étudiants d’une université US pourquoi les Américains avaient laissé faire la révolution khomeniste en Iran sans comprendre ce qui se passait, en donnant les mauvais conseils au Shah, etc : « Nous n’avons jamais pensé qu’un vieillard de 80 ans (l’ayatollah Khomeini) pourrait provoquer de tels événements. » C’est une resucée à l’américaine du fameux « Le pape, combien de divisions ? », de Staline.

Pour le reste, pour l’avenir, on peut être assuré de ceci : aucune leçon utile ne sera tirée de ce qui se passe en Iran, l’analyse continuant à se faire au Pentagone et à la Maison-Blanche, en fonction d’éléments émanant de ces seuls organismes.

Voici quelques extraits de l’article, illustrant les conditions psychologiques générales qui, du côté US, présidèrent à la préparation de cette invasion de l’Irak, et à son investissement. On a peu d’exemples d’un tel état d’impréparation, non par manque de moyens, non par refus de se préparer, mais par une sorte d’assurance irrationnelle qu’il n’y a aucune nécessité de se préparer, qu’il suffira aux Américains de se présenter pour que les choses entrent dans l’ordre, — simplement parce qu’ils sont Américains.

• Sur l’état d’esprit présidant à la préparation, avec l’accent obsessionnel mis sur le renversement de Saddam, —


« As the administration plotted to overthrow Hussein's government, U.S. officials said this week, it failed to fully appreciate the force of Shiite aspirations and is now concerned that those sentiments could coalesce into a fundamentalist government. Some administration officials were dazzled by Ahmed Chalabi, the prominent Iraqi exile who is a Shiite and an advocate of a secular democracy. Others were more focused on the overriding goal of defeating Hussein and paid little attention to the dynamics of religion and politics in the region.

» “It is a complex equation, and the U.S. government is ill-equipped to figure out how this is going to shake out,” a State Department official said. “I don't think anyone took a step backward and asked, ‘What are we looking for?’ The focus was on the overthrow of Saddam Hussein.”

» Complicating matters is that the United States has virtually no diplomatic relationship with Iran, leaving U.S. officials in the dark about the goals and intentions of the government in Tehran. The Iranian government is the patron of the Supreme Council for the Islamic Revolution in Iraq, the leading Iraqi Shiite group. »


• Sur ce qu’on attend de l’évolution de la situation en Irak, dans la logique de la “préparation” américaine, —


« U.S. intelligence reports reaching top officials throughout the government this week said the Shiites appear to be much more organized than was thought. On Monday, one meeting of generals and admirals at the Pentagon evolved into a spontaneous teach-in on Iraq's Shiites and the U.S. strategy for containing Islamic fundamentalism in Iraq.

» The administration hopes the U.S.-led war in Iraq will lead to a crescent of democracies in Iraq, Iran, Syria, Lebanon, the Israeli-occupied territories and Saudi Arabia. But it could just as easily spark a renewed fervor for Islamic rule in the crescent, officials said.

» “This is a 25-year project,” one three-star general officer said. “Everyone agreed it was a huge risk, and the outcome was not at all clear.” »


• La situation a évolué de façon telle, — en quelques jours, — qu’on en vient déjà à regretter Saddam Hussein ou, dans tous les cas, son système, —


« U.S. officials are hoping to combat fundamentalism by helping the Iraqis build a secular education system. Before 1991, Iraq had what was regarded as one of the finest education systems in the region, but years of economic sanctions have devastated it.

» “The most radical aspects of Islam are in places with no education at all but the Koran,” an official said. “There is no math, no culture. You counter that [fundamentalism] by doing something with the education system.” »


• Enfin, pour tout dire, voici ce qui s’est passé : les Américains ont fait un formidable montage pour emporter la “bataille” menant à la décision d’attaquer, ils ont accepté des inventions, des constructions, des prévisions heureuses, — et, au bout du compte, ils y ont cru eux-mêmes, dur comme fer... —


« “They expected a much warmer reception, and as a result it would be unnecessary for them to deal with some of these issues,” said Kenneth M. Pollack, a Brookings Institution scholar, who was one of President Bill Clinton's top Iraq specialists. “That flawed assumption is at the heart of some of the reasons they are scrambling now.” »


... Le problème est certes : « scrambling » pour quoi ? Puisqu’ils font les mêmes erreurs depuis qu’ils s’intéressent à l’extérieur, puisqu’ils n’apprennent rien, il n’existe aucune raison au monde pour que cela change. L’Irak sera un désastre américain de plus.

En attendant, l’Amérique washingtonienne a décidé de se lancer dans sa politique habituelle : elle avertit l’Iran (menace implicite d’usage de la force) et elle annonce qu’il n’y aura pas de gouvernement de tendance islamiste, rendant ainsi furieux les chiites d’Irak.