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16 juin 2002 — Dans l'émission du Grand Journal (sur Canal +) de ce jour, Karl Zéro recevait le philosophe humanitariste Bernard-Henri Lévy, dit BHL. Au cours de cet interview, il fut question de la Corée du Sud et du mouvement anti-américain qui s'y manifestait. Des manifestations anti-américaines, quand elles ont lieu, sont sévèrement réprimées par la police. Karl Zéro s'en émut. BHL convint que les actions policières de cette sorte sont condamnables, cela dit rapidement car il laissa voir aussitôt qu'une âme convenable devait mettre aussitôt un bémol à ce jugement.
BHL confia qu'il se trouvait qu'il connaissait assez bien ces mouvements anti-américains, qu'il identifia notamment comme des ''mouvements de gauche''. Il nota aussitôt, avec la plus grande préoccupation semble-t-il, que ces mouvements s'appuyaient également sur une référence identitaire (coréenne, cela va de soi), voire sur une référence aux traditions coréennes, et que cela devait être perçu comme des tendances « peu sympathiques ». Pire encore, BHL avança le mot de ''xénophobie'', semble-t-il toujours à propos de ces mouvements anti-américains. Il lui semble, nous a-t-il semblé, que cette poussée anti-américaine manifestait un dangereux refus de l'autre, ou quelque chose de ce genre. C'est une logique originale, sinon exemplaire.
Connaissant la situation en Corée du Sud, le philosophe humanitariste n'ignore pas ce que tout le monde sait, savoir que l'actuelle poussée anti-américaine se nourrit notamment, et même massivement, des péripéties qui accompagnèrent le choix d'un nouvel avion de combat dans le cadre du programme FX, où finalement les Américains imposèrent le choix de leur avion de combat F-15K. Le climat de corruption qui a accompagné ce marché a constitué un événement remarquable, tout comme les réactions des concurrents russe et français, dénonçant publiquement ce climat (le Français Dassault annonçant récemment qu'il ne soumissionnerait plus désormais en Corée du Sud, dans la situation politique actuelle, dans la mesure où le choix pro-américain est connu d'avance).
Un tel climat explique aisément l'anti-américanisme, qui s'alimente d'une façon plus profonde à la perception d'une partie importante de la population que les Américains sont plus des occupants que des protecteurs dans ce pays. La conduite des forces américaines dans le pays, les heurts constants des militaires US avec la population, les décisions américaines d'acquérir des bâtiments en pleine ville de Séoul pour leur infrastructure militaire, tout cela renforce la perception de la présence d'une armée d'occupation. Les récentes manoeuvres diplomatiques US pour empêcher tout rapprochement des deux Corées qui rendrait caduque la présence militaire US dans le pays confirment cette interprétation.
On est conduit à conclure que ce sont bien ces sentiments anti-américains appuyés sur la perception que les Américains sont des occupants qui sont également, selon la logique du philosophe humanitariste, des manifestations de xénophobie. Portée à la mesure de l'histoire, cette logique doit nous pousser à conclure que la résistance française, — de Gaulle à partir du 18 juin 1940, nombre de Français nationalistes et de la gauche non-communiste en France à partir de cette date, les communistes à partir de l'attaque allemande contre l'URSS le 21 juin 1941, — que cette résistance française, en résistant et en montrant par conséquent des sentiments anti-allemands, a fait preuve de xénophobie. C'est, au regard des philosophes humanitaristes aujourd'hui, un travers détestable. Il convient de le détester.