La Maison-Blanche certes, mais nous avions oublié Disneyland...

Il faut revenir sur les projets de “reconstruction” de Bagdad en une sorte de métropole américaniste transplantée dans le désert, d’abord au travers d’un projet de complexe hôtelier dans la “Green Zone”, comme nous l’avons rapporté le 5 mai. Dans notre très grande déraison, nous avions oublié la partie Disneyland du projet. Le Progress Report du Center for American Progress Fund publie le 6 mai un excellent rapport sur la chose, sous le titre de «Mickey Mouse Operation», où l’on trouvera une multitude de liens utiles sur cette affaire. Une courte citation du texte pour apprendre que l’opération pourrait être effectivement désignée “Opération BZEE” (Baghdad Zoo and Entertainment Experience).

«With the help of the Defense Department, the Los Angeles-based company C3 is “developing the Baghdad Zoo and Entertainment Experience, a massive American-style amusement park that will feature a skateboard park, rides, a concert theatre and a museum” and “is being designed by the firm that developed Disneyland.”»

Il s’agit d’un pas de plus, dans les conditions monstrueuses et rocambolesques de cette guerre irakienne, dans le développement du CMI (Complexe militaro-industriel) avec la dimension nouvelle de l’“Entertainment”, ou encore la communication au sens le plus large du mot allant de la relation publique au spectacle et à la “distraction”, – bref, tout ce qui est capable de rapprocher tout et n’importe quoi d’une réalité virtualiste américanisée la plus éloignée possible de la réalité. L’extraordinaire inculture et la stupéfiante absence de goût consistant à envisager l’installation d’un Disneyland à Bagdad dans les conditions actuelles, tout cela ne pouvant être qualifié que par le mot “obscénité”, mesurent l’évolution américaniste vis-à-vis de l’Irak.

Au plus le désastre s’amplifie, s’élargit, se confirme, au plus l’américanisme appuie son effort d’américanisation qui est, dans tous ses effets, la cause fondamentale du désastre. Il n’est même plus question de savoir si l’américanisme est capable de se nourrir de l’expérience de la réalité; au plus il est confronté à cette réalité, au plus il la hait, la condamne et oeuvre pour la détruire; son “expérience” du monde ne cesse de l’éloigner de ce monde, non pas en s’en retirant physiquement, mais en cherchant à le transformer radicalement, par bombes et Disneyland interposés. Il y a là, bien entendu, une évidence de l’hystérie de la perception du monde qui confirme que l’américanisme arrivé à son degré ultime est une pathologie. Cela dit, pas vraiment de surprise.

Bien entendu, comme l’écrit le “Progress Report”, «Gen. David Petraeus is reportedly a “big supporter” of the project». Le texte du Times du 24 avril, qui mentionnait la chose (“Opération BZEE”), et que nous avions raté pour notre malheur, était suivi de réactions de lecteurs. Nous en retenons une, d’un lecteur autrichien du quotidien britannique:

«I know many Americans tend to be ignorant about other foreign cultures. But i never would have thought that anyone could be THIS ignorant. Sure the iraqis will love it. Hundreds of thousands killed. Daily bombings in their city, no fresh water but a Disney park build by Americans to make money.» (Wolfgang R, Graz, Austria)

“La Maison-Blanche certes, mais nous avions oublié Disneyland...”? Finalement, c’est la même chose.

Mis en ligne le 7 mai 2008 à 08H49