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1312Il y a un sommet USA-AfPak en cours à Washington, soit BHO avec les deux chef d’Etat de l’Afghanistan et du Pakistan. Les premiers échos sont ceux d’une enthousiaste langue de bois. Lire comme titre d’une dépêche Reuters du 6 mai 2009, après la première rencontre des trois, que «Obama wins Afghan, Pakistan vows to fight al Qaeda» a quelque chose de profondément affligeant dans le registre de la banalité nécessairement médiocre. De même prendra-t-on avec un profond scepticisme les paroles laudatives d’Obama pour les deux autres chefs d’Etat; il paraît, nous dit-on en toute simplicité et huit ans plus tard (l’attaque US en Afghanistan a commencé à l’automne 2001), qu’ils comprennent désormais complètement “le sérieux de la menace posée par Al Qaïda et de ses alliés”. Nous voilà rassurés, sinon assurés que le sommet est déjà, comme dit Hillary, «in some ways a breakthrough», et que nous avons, comme dit Holbrooke, “franchi une étape décisive” («We turned a corner… […] We gave physical reality to the strategic plan.»). Passons, – et passons aux choses sérieuses.
L’important dans cette rencontre, c’est d’abord la rencontre BHO-Karzaï, d’ailleurs sur le fond cruel et piteux de l’énorme “bavure” de l’USAF en Afghanistan, éclairant d’un jour sinistre la constance presque surhumaine des erreurs et de l’impuissance américanistes. En attendant, c’est BHO qui fait la leçon à Karzaï, comme de juste. Mais “la marionnette” en rit peut-être intérieurement et à gorge déployée.
L’excellent commentateur et ancien diplomate indien M K Bhadrakumar nous assure qu’en fait de “marionnette”, c’est même tout le contraire (dans un commentaire pour Atimes.com le 6 mai 2009). Si Karzaï gagne les élections présidentielles d’août prochain, comme c’est désormais très probable, il aura complètement atteint le statut des “marionnettes” qui arrivent en position de manipuler leurs tireurs de ficelles, comme l’Irakien Maliki: «Conceivably, unlike in 2001 when Karzai was first foisted upon Afghanistan as the US's choice, or in 2004 when the US choreographed and then stage-managed an election to catapult him into the presidential palace as a "democratically elected" leader of the Afghan people, this time around, if he indeed manages to win a mandate in the August 20 election purely through his own efforts, he will enjoy a degree of legitimacy in Afghan perceptions that Obama could never dream of winning for him. Arguably, he graduates to the league of Iraq's Prime Minister Nuri al-Maliki.»
M K Bhadrakumar nous conte les manœuvres diverses de Karzaï pour retrouver une situation compromise, notamment comment il a retourné à son avantage le “candidat démocratique” lancé par Washington pour l’éliminer, et dont il a fait un allié. Ses autres adversaires, dont l’ancien ambassadeur US à Kaboul reconverti en Afghan pur sucre, ne font guère le poids, selon M K Bhadrakumar. En fait, l’avantage de Karzaï, c’est ce que Washington estime être son handicap mortel et son vice définitif institués par la nouvelle orientation de la politique US, – son lâchage par la subtile pensée stratégique américaniste. Ce lâchage s’est fait par diverses rebuffades, incorrections, relayée d’ailleurs par les marionnettes européennes, – les vraies celles-là, qui ont la servilité chevillée à l’âme, ou qui leur tient lieu d’âme, et qui réagissent à mesure, – comme le secrétaire général de l’OTAN sortant mais toujours aligné, cité avec une indignation contenue par M K Bhadrakumar.
Le résultat est de réintégrer Karzaï dans le cadre d’une nation, avec la légitimité qui va avec, tant le soutien US est jugé par les populations nationales comme la marque de l'infamie et la preuve de l'indignité. L’appréciation d'un Karzaï trouvant le cadre national est logique tant, bien sûr, nul ne peut douter de l’évidence que le cadre national, fondamentalement structurant, est le seul qui puisse donner un soutien structurel puissant à une telle évolution de la “marionnette” Karzaï. (Nous parlons bien de la vertu structurante du cadre de la nation et nullement d'une vertu selon nos piètres conceptions moralistes et médiatiques qui mènent notre barque; une nation n'est pas un signe de vertu selon nos caprices et nos passions, et nos complexes divers, mais une vertu en soi puisqu'il s'avère qu'elle est une structure s'opposant à l'attaque déstructurante.)
Le président afghan, qui se succédera sans doute à lui-même, est donc en train d’acquérir une stature et une légitimité nationales, et, peut-être, avec la possibilité de donner un souffle à l’idée d’une “nation afghane”, si cette chose pouvait exister malgré l’incroyable diversité de ce pays. Dans ce cas, ce serait évidemment l’action totalement déstructurante des divers américanistes et occidentalistes qui seraient parvenu à un tel résultat, par antinomie agressive, par effet repoussoir évident. L'hypothétique “nation” se ferait contre eux, ce qui vaut bien d'autres références négatives, sinon toutes les autres.
Lisez ce passage en introduction de l’analyse de M K Bhadrakumar, il nous dit tout sur notre indignité et notre grossièreté occidentales. Aujourd’hui, nos “marionnettes” nous donnent des leçons de dignité; si Karzaï n’est pas, sans le moindre doute, un personnage hautement recommandable, il le deviendrait par la grâce étrange de notre comportement. Qui sont les barbares dans cette affaire?
«In retrospect, United States President Barack Obama did a great favor to Afghan President Hamid Karzai by excluding him from his charmed circle of movers and shakers who would wield clout with the new administration in Washington. Obama was uncharacteristically rude to Karzai by not even conversing with him by telephone for weeks after he was sworn in, even though Afghanistan was the number one foreign policy priority of his presidency.
»Vice President Joseph Biden traveled to Kabul to let it be known to Karzai that he was a fallen angel and unless Karzai mended his ways and did that soon enough, the US would rather be rid of him once and for all. Biden made it brutally plain that as as urrogate the US had installed in power, it could as easily banish him from grace.
»The shrewd man that he is, with an eye and an ear trained constantly on Washington, secretary general of the North Atlantic Treaty Organization Jaap de Hoop Schaffer promptly pitched in and harshly chastised Karzai in an Op-Ed in the Washington Post, as if the Afghan leader was a mere vassal of the Western alliance. It was an appalling breach of protocol as Schaffer, a one-time foreign minister himself, should have known.
»But Karzai has had the last laugh as he travels to Washington from Kabul for an “intense” trilateral summit meeting with Obama and Pakistani President Asif Ali Zardari on Thursday. Schaffer, Biden and Obama - indeed, they all have something bitter to swallow this week. Karzai will be around for another five years. The word coming out of Kabul is that Karzai is as of now all but certain to win the Afghan presidential election on August 20.
»The supreme irony is that what is probably helping Karzai more than anything else to wrap up his re-election is that Western politicians like Schaffer and Biden rubbished him and distanced themselves ostentatiously from him. Without the opprobrium of their company, Karzai's political fortunes began looking up. At once he began gaining a new credibility – even respectability – in Afghan eyes. It reads like a morality play.»
Dans ce cas, le Washington du “brillant” président BHO retrouve tous les comportements les plus détestables qu’on puisse imaginer. (Ne parlons pas des petites mains type machin-Schaffer, aucun intérêt.) Brutalité, ingérence grossière et irrespect de la souveraineté, petitesse de la pensée réduite aux invectives et aux incorrections, assurance arrogante de comprendre les choses et les êtres qui vous sont totalement étrangers, poids de la force et du fric, aveuglement et irresponsabilité, tout y est. Cela vaut du Bush sans l’excuse du handicap bien connu du faible esprit.
Cela marque aussi dans quelle faiblesse se trouve la politique américaniste et occidentaliste, – car, à cet égard, ils se valent tous, les complices européens de l’OTAN et quelques autres comparses, suivant complètement la valse washingtonienne. La politique et la diplomatie occidentales, y compris sous l’inspiration de BHO, sont dans ce cas à peu près l’équivalent du niveau militaire, et des opérations d’une précision chirurgicale de massacre des population civiles afghanes par la très moderne USAF. Après l’Irak, non sans que l’Irak promette de nous réserver encore quelques surprises intéressantes, l’Afghanistan est en train d’acquérir pompeusement la position d’archétype de l’échec complet d’une civilisation et de son système dans leur prétention à conduire et à régenter le monde. Nous prions avec intensité pour que Karzaï remporte, au mois d’août prochain, une belle et grande victoire démocratique. Toutes nos piètres chancelleries seront obligées de faire leur devoir de repentance, en saluant la victoire de la démocratie, des droits de l’homme et de la femme afghane libérée en prime.
Mis en ligne le 7 mai 2009 à 09H42