La marmite JSF bouillonne

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Hier 6 janvier 2011, le secrétaire à la défense Robert Gates a présenté les “réductions” de dépense du Pentagone que la presse avaient annoncées, lors d’une conférence de presse ce 6 janvier 2011. Le total porte sur $78 milliards sur 5 ans, notablement moins que les $100 milliards annoncés. La valeur de ces “réductions”, leur caractère réel de “réduction” effective de dépense, etc., sont largement mises en question. (De même a-t-on mis en question, pour toutes les meilleures raisons du monde, une annonce précédente, l’année dernière, d’une réduction de $100 milliards.)

Dans ces diverses mesures annoncées, c’est le sort du JSF qui nous intéresse particulièrement. Gates a commencé sa déclaration en donnant les grandes lignes des “réductions”, avec trois points principaux dont le troisième, qui concerne le JSF : «Third, $4 billion of savings to the Joint Strike Fighter program to reflect re-pricing and a more realistic production schedule given recent development delays.”»

Furieusement, E.L. Palmer dénonce, sur son site le 7 janvier 2011, une “réduction” qui n’en est pas une. Il se réfère à une lettre interne du DoD, obtenue par Bloomberg.News le 6 janvier 2011, annonçant que le programme JSF reçoit $4,6 milliards de plus pour le développement, tandis que la production du nouvel avion est effectivement sévèrement réduite (de 449 à 325 d’ici 2016)… $4 milliards supprimés d'un côté, $4,6 milliards d'augmentation de l'autre, cela donne certes une curieuse conception d'une mesure générale de réduction du budget du programme. Bloomberg.News écrit :

«The U.S. Defense Department is adding $4.6 billion for development of the F-35 fighter jet and slowing down the purchase of the new aircraft. The information was contained in a letter to the U.S. House and Senate.

»The development phase of the program will extend into 2016, about a one-year delay. At the same time, the Pentagon is reducing the number of aircraft it will purchase through 2016 to 325, a decrease of 124 jets, according to the three-page document.

»The Pentagon plans to request 32 aircraft next year, down from a planned 45; 42 in fiscal 2013 from a planned 71; and 62 in fiscal 2014 from a planned 90, according to the document.

»The delays are needed because “the final assembly process” at Lockheed Martin Corp.’s Fort Worth, Texas, facility is “still maturing,” the document said. Second, slowing production reduces the overlap between development and assembly while testing is extended into 2016 from mid-2015, it said.»

D’une façon générale, Gates estime que le développement des versions F-35A (USAF) et F-35C (Navy) est “satisfaisant”. C’est un jugement risqué au vu de ce qu’il reste encore “à développer” dans cette catastrophe ambulante. Le rajout de $4,6 milliards pour cette phase de développement n’est pas un signe très encourageant à cet égard, et la réduction de la production une indication très nette que le JSF progresse en terra incognita. (Cette simple remarque du Guardian le 5 janvier 2010, dans un commentaire sur la publicité faite autour de l’avion chinois “furtif” J-20, souligne avec une singulière ironie, à la lumière des mesures décidées par Gates, la différence entre les observations théoriques qui prennent la puissance US comme une donnée acquise et la réalité de plus en plus contraignante de cette puissance en cours d'effondrement : «The photographs of the J20 jet are also likely to prompt calls for accelerated production of F35s - the US's next generation stealth fighter - to ensure air superiority.»)

Enfin, il reste le cas de la version F-35B à décollage vertical destinée au Corps des Marines. De nombreuses sources ont réclamé et annoncé son abandon, y compris la commission nommée par le président Obama pour réduire les dépenses publiques. Gates, selon une politique qu’il semble décidée désormais à suivre jusqu’à son très prochain départ, et qui s’apparente à l’esprit de Ponce Pilate, reconnaît toutes les difficultés du F-35B, annonce qu’on continue pendant au moins deux ans pour voir si cela s’améliore et décrète qu’on abandonnera la version si cela ne s’améliore pas. Cela nous conduit en 2013 ; Gates ne sera plus au Pentagone depuis longtemps.

«[T]he Marine Corps’ short take-off and vertical landing variant is experiencing significant testing problems. As a result, I am placing the STOVL variant on the equivalent of a two-year probation. If we cannot fix this variant during this time frame and get it back on track in terms of performance, cost and schedule, then I believe it should be cancelled.»

L’ensemble de ces “nouvelles”, qui ne manquent pas de se contredire avec un bel ensemble, donne une impression générale de désordre qui est parfaitement à l’image, autant du JSF que du Pentagone, que du gouvernement US en général. On trouve également la confirmation de toutes les nouvelles officieuses qui ont circulé ces derniers mois : la situation catastrophique de la version F-35B, la très mauvaise situation du programme en général, avec le retard du développement qui continue à rencontrer des difficultés (d’où cette augmentation de $4,6 milliards annulant étrangement, et même au-delà, la réduction générale sur le programme annoncée par ailleurs, qui se ramène d’ailleurs à la simple réduction des commandes d’avion de production). Par conséquent, le programme JSF coûte toujours aussi cher, il ne cesse de ralentir dans sa production, de rencontrer des obstacles supplémentaires dans le développement et de faire passer son budget des dépenses productives (production) vers les dépenses improductives (développement)…

L’impression de fond reste la même, et sort même renforcée : le programme JSF va très mal et on cherche à dissimuler cet état avec des artifices budgétaires ou des changements de programmation divers. Gates semble avoir définitivement capitulé et poursuit donc une politique type “‘je m’en lave les mains”, en espérant que ses diverses mesures contradictoires et conservatoires de la situation en l’état, ainsi que son attentisme incantatoire mais menaçant pour une mesure éventuelle qu’il ne sera plus là pour prendre (cas du F-35B), laisseront de lui une image acceptable. Son successeur n’aura pas le temps de chômer…


Mis en ligne le 7 janvier 2011 à 07H31