La MDA (anti-missiles dont le BMDE) en rébellion soft mais ouverte

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Une autre indication de l’urgence qui entoure désormais le programme anti-missiles US, et son composant européen BMDE, c'est l’annonce par le général Obering de l’USAF, qui dirige la MDA (Missile Defense Agency dont dépend le BMDE) que les travaux en Pologne accélèrent, avec les premiers éléments en place dès 2009. Il s’agit d’une intervention tendant à tenter de bloquer toute tentative de l’administration Obama de freiner ou d'arrêter le programme, en tentant de la placer devant le fait accompli. Obering va prochainement se retirer et il met le paquet, puisqu’il a dans sa musette une promesse d’une sinécure bien rétribuée, soit chez Lockheed Martin directement, soit par un autre biais, pour après sa retraite. Le complexe militaro-industriel (CMI) n’est jamais mauvais bougre, jamais ingrat, pour ceux qui l’ont servi avec zèle et constance. Obering est une bonne trajectoire du système de corruption à ciel ouvert du CMI.

D’où ces précisions enflammées et pleines d’un zèle optimiste sur le développement de la chose, selon Defense News du 12 novembre:

«The outgoing director of the U.S. Missile Defense Agency, U.S. Air Force Lt. Gen. Trey Obering, said construction of 10 missile defense silos in Poland could begin as early as next year. He cited progress in the U.S.-NATO effort to establish a European-based missile defense system to counter potential Iranian missiles.

»“We just signed a framework agreement with the Czech Republic last month,” Obering said. “NATO has come on very strong. If we can move out on the program and have sufficient funding on the interceptor site, we can start construction next year. The radar can be operational by 2013 and everything can be completed by 2014. We will fly a two-stage version of the interceptor next year with two rocket motors. All of the tests will be done prior to placing the first interceptor in the ground in 2012 in Poland.”

»The plan calls for silos in Poland for Ground-Based Interceptor missiles and radar in the Czech Republic. The 2014 goal is intended to beat the estimated potential deployment of Iranian intercontinental missiles, Obering said. “If you ask the intelligence community: what is their estimate of when Iran could be able to strike us, while saying they cannot be exact, they believe that around the 2015 time frame,” Obering said. “Iran and North Korea both have aggressive missile defense program and have a propensity to proliferate these weapons. They are collaborating among themselves,” he said.

»Obering said he hopes the incoming Obama administration, which has expressed support for ballistic missile defense in Europe - provided the technology works - will continue support for effort. “We are standing by to answer questions from the transition team,” Obering said.»

Il faut ajouter un élément supplémentaire à cet aspect-là. On en trouve des indications dans un article de Laurent Zecchini du Monde, du 9 novembre. Le titre («Le Pentagone épingle l'agence chargée du système antimissile») n’est pas juste même s’il est plus attractif; ce n’est pas “le Pentagone” mais l'Institut of Defense Analysis (IDA) qui a rendu un rapport voulu par le Pentagone. L’IDA est présidée par l’ancien chef d’état-major de l’USAF (1990-93), le général Larry Welch, qui est un officier général retiré très proche d’Obama (le premier officier supérieur à s’être rallié à Obama). Si le rapport est divulgué par une voie officielle, c’est que le Pentagone y a été forcé par le fait que Welch l’aurait fait de son côté si le même Pentagone avait refusé. L’article du Monde est en accès payant mais son “abstract” nous suffit en disant ce qu’il nous faut savoir, – sauf les précisions sur le comportement du parti démocrate ces dernières années, qui relève des fantasmes des jugements français, particulièrement avec le vernis du centre-gauche peinturluré de progressisme, sur le monde politique US; le rapport n'est pas une “aubaine” mais , comme on doit le comprendre, une opération calculée de l'équipe Obama.

«Pour un Parti démocrate qui s'est efforcé ces dernières années de limiter drastiquement le financement de certains projets de l'agence américaine de défense antimissile (MDA), le rapport rédigé par l'Institut des analyses de défense (IDA) à la demande du Pentagone, récemment rendu public, est une aubaine. Ses conclusions tendent à brosser le portrait d'une MDA qui, année après année, est devenue, sinon un bateau ivre, du moins une agence fédérale qui s'est largement affranchie du contrôle du département de la défense. Cette étude a été rédigée sous la responsabilité du général Larry Welch, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air américaine, aujourd'hui président de l'IDA.»

Précisons encore qu'entre les deux options avancées, la MDA n’est pas un “bateau ivre” mais une Agence, ou plutôt un groupe de pression doté d’une montagne de fric du contribuable, complètement et bien sûr illégalement autonome, qui fait sa propre politique, avec ses réseaux de pression (en général des organismes privés, des neocons, le soutien de l’un ou l’autre milliardaire), qui a corrompu une large partie de l’establishment de l’Europe de l’Est, qui est directement soutenue et également alimentée par l’industrie d’armement (Lockheed Martin en tête, avec son quasi représentant officiel Jackson). Il est inutile, pour ce genre de truc, de prendre la moindre précaution oratoire, si l’on considère la vulgarité voyante de cette machine à corrompre, bureaucratique et nihiliste. La MDA vit sa vie autonome, selon le schéma de l’éclatement maximal du pouvoir à Washington.

L’arrivée d’Obama lui pose un énorme problème de survie, largement documentée sur le front européen direct du BMDE, où l’on s’active déjà avec zèle. L’alerte est au rouge sang et l’affrontement risque effectivement d’être sanglant. L'analyse de la MDA est que l’administration Obama est maintenant inclinée à mettre en question le le système BMDE, jusqu'à vouloir sa peau, et à ébranler méchamment toute l’architecture de technologies, d’influence et de fric du réseau anti-missiles. (Inutile de considérer une seule seconde l’aspect stratégique et l’aspect opérationnel, – pas de temps à perdre.)

Nous irions même jusqu’à avancer que cette affaire, qui prend chaque jour mauvaise tournure, pourrait mettre le feu aux poudres de l’affrontement potentiel entre la future administration Obama et le Pentagone/le CMI. Obama voudrait éviter cela mais l’affaire fait s’interroger de savoir s’il pourra y parvenir. L’attitude du CMI, de la MDA, des correspondants est-européens, etc., représente une radicalisation de la polémique pour forcer Obama à poursuivre le programme BMDE, qui est difficile à contrôler. C’est l’autorité de sa future administration qui est en jeu. Obama ne peut se permettre le luxe de capituler devant une force (le CMI) qui représente la force subversive principale du système de l’américanisme, alors qu’il préférerait bien entendu que les choses se passent à l’amiable. C’est tout le crédit de son mandat qui pourrait être en jeu. L'on comprend alors comment un affrontement avec la MDA à propos du BMDE pourrait effectivement mettre le feu aux poudres de l’affrontement général avec le Pentagone, avec la crise du Pentagone. Plus que jamais, les événements tendent à imposer à Obama sa politique, et ils pourraient bien, dans ce cas, le forcer à ce qu’il ne veut sans doute pas, qui est une radicalisation de son administration face aux forces qui résistent sans prendre la peine de dissimuler. L’affaire BMDE est une excellente polémique pour suivre l’orientation que va prendre l’administration Obama.

On notera que cette affaire tend largement, en passant, à discréditer l’OTAN aux yeux de cette nouvelle administration Obama. « NATO has come on very strong» sur le soutien du BMDE, note Obering. Dans le climat actuel, cela fait de l’OTAN un instrument de la MDA et du CMI, ce qui n’est pas faux au demeurant. L’OTAN va devenir de plus en plus l’objet de toutes les suspicions de l’administration Obama, non pas instrument de Washington mais instrument du CMI alors que les intérêts de Washington (la Maison-Blanche) et ceux du CMI ne coïncideraient plus tout à fait. L’OTAN, qui a dans cette affaire une cervelle de moineau, devrait considérer qu’elle n’a pas nécessairement choisi le bon cheval en risquant de soulever la question de ses rapports avec la nouvelle administration. Mais autant demander à une cigale abrutie par la chaleur de ne pas chanter tout l’été. La décadence de la finesse politique de l’OTAN depuis les années de Guerre froide, transformée en grossièreté du jugement dans ses rapports avec Washington, représente une indication convaincante de son enfermement dans un autisme particulièrement dévastateur. Dont acte, sans une larme de trop sur la chose.


Mis en ligne le 13 novembre 2008 à 09H18