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1271Depuis le 1er octobre 2008, il existe une unité militaire décrite comme une “rapide-response force”, forte de 4.700 personnes (personnel combattant et personnel de soutien) affectée à des opérations internes aux Etats-Unis. Il s’agit de la première unité d’un ensemble de trois, chacune étant constituée autour d’une brigade de l’U.S. Army. L'ensemble devrait être opérationnel en 2011 sous l’autorité de Northern Command. (Ce commandement a été mis en place et activé le 1er octobre 2002.) D’autres unités mineures, de la Garde Nationale, complèteront le dispositif. Tout cela dépend évidemment de l'inévitable et omniprésent Pentagone.
Le Washington Post présente ce dispositif dans son édition du 1er décembre. Il détaille également l’historique de cette initiative, décrite par l’adjoint au secrétaire à la défense pour la défense territoriale comme quelque chose qui aurait été jugée “extraordinaire au point d’être incroyable” avant le 11 septembre 2001.
«Before the terrorist attacks of Sept. 11, 2001, dedicating 20,000 troops to domestic response – a nearly sevenfold increase in five years – “would have been extraordinary to the point of unbelievable,” Paul McHale, assistant defense secretary for homeland defense, said in remarks last month at the Center for Strategic and International Studies. But the realization that civilian authorities may be overwhelmed in a catastrophe prompted “a fundamental change in military culture,” he said.
»The Pentagon's plan calls for three rapid-reaction forces to be ready for emergency response by September 2011. The first 4,700-person unit, built around an active-duty combat brigade based at Fort Stewart, Ga., was available as of Oct. 1, said Gen. Victor E. Renuart Jr., commander of the U.S. Northern Command.
»If funding continues, two additional teams will join nearly 80 smaller National Guard and reserve units made up of about 6,000 troops in supporting local and state officials nationwide. All would be trained to respond to a domestic chemical, biological, radiological, nuclear, or high-yield explosive attack, or CBRNE event, as the military calls it.
»Military preparations for a domestic weapon-of-mass-destruction attack have been underway since at least 1996, when the Marine Corps activated a 350-member chemical and biological incident response force and later based it in Indian Head, Md., a Washington suburb. Such efforts accelerated after the Sept. 11 attacks, and at the time Iraq was invaded in 2003, a Pentagon joint task force drew on 3,000 civil support personnel across the United States.
»In 2005, a new Pentagon homeland defense strategy emphasized “preparing for multiple, simultaneous mass casualty incidents.” National security threats were not limited to adversaries who seek to grind down U.S. combat forces abroad, McHale said, but also include those who “want to inflict such brutality on our society that we give up the fight,” such as by detonating a nuclear bomb in a U.S. city.
»In late 2007, Deputy Defense Secretary Gordon England signed a directive approving more than $556 million over five years to set up the three response teams, known as CBRNE Consequence Management Response Forces. Planners assume an incident could lead to thousands of casualties, more than 1 million evacuees and contamination of as many as 3,000 square miles, about the scope of damage Hurricane Katrina caused in 2005.»
Ces informations décrivent un mouvement constant depuis le 11 septembre 2001 de militarisation du territoire national des USA. Ce mouvement est fortement critiqué par divers milieux, comme violant le Posse Comitatus Act de 1878, une loi fédérale restreignant l’activité militaire sur le territoire national. L’argument initial de l’initiative (lutter contre des attaques terroristes) s’est largement étendu à d’autres domaines de sécurité interne, notamment à l’occasion des conséquences catastrophiques du cyclone Katrina (28 août 2005) qui a détruit La Nouvelle Orléans et suscité l’intervention de plusieurs unités militaires de la Garde Nationale. Il est manifeste que les forces militaires de Northern Command sont aujourd’hui affectées à toutes sortes de tâches, y compris le maintien de l’ordre en cas de troubles civils. Cette possibilité de troubles civils est aujourd’hui très sérieuse, dans les circonstances troublées que connaissent les USA. Elle fut évoquée encore récemment, dans le Guardian du 5 novembre, par Martin Kettle. Le 10 novembre, WSWS.org reprenait l’allusion de Kettle pour la commenter.
«Acknowledging that Obama's was “an immense and historic victory”, Kettle went on to explain that “if he had not won the 2008 presidential election and had not won it in some style, it would have been the most shocking political event in modern American political history.”’
»The election had been “the Democrats’ to lose,” he continued. “For Obama to have lost the election when the incumbent party had presided over an economic collapse of epochal immensity and over two unsuccessful and unpopular wars, with three quarters of Americans believing their country was heading in the wrong direction and against an opponent who had been nominated by a divided party and who then himself selected a manifestly unqualified and divisive running-mate would have constituted the biggest electoral missed opportunity in generations.”
»Had this occurred, Kettle then warns, “It might have persuaded an entire generation that there was absolutely no validity whatever in electoral politics. Millions might have concluded that the only way to get the Republicans out of the White House was by some form of armed insurrection.” Later he adds, “if Obama had not won well, that too would have been a shattering blow to the Democratic cause at such a time.”
»There is a degree of hyperbole in Kettle invoking the danger of armed insurrection. Nevertheless there is a serious content to the warning he directs towards the political elite. He made his remarks in the knowledge that, ever since George W. Bush came to power in 2000 thanks to electoral fraud and the disenfranchisement of many voters, confidence in the US electoral system has been at rock bottom. Under conditions of acute social tensions made worse by the onset of recession, the situation in the US is indeed explosive.»
Ces commentaires montrent que l’idée de troubles intérieurs est désormais commune, et dans l’esprit des commentateurs, et dans l’esprit des autorités. On n’implique nullement pour autant une intention ponctuelle quelconque dans la mise en place d'une structure militaire interne, ni que l’institution structurelles de forces militaires d’intervention sur le territoire national implique un programme précis tel qu’un coup d’Etat par exemple. Il existe d’autres formes d’intervention possible pour cette sorte de projet, s’il devait jamais y en avoir, ne serait-ce que parce que les unités de l’U.S. Army ont leurs “bases-arrières” sur le territoire national et s’y trouvent cantonnées régulièrement, entre des déploiements extérieurs.
L’institution de la chose, et l’affectation d’unités à des tâches intérieures spécifiques montrent effectivement que s’est développée une perception de la situation interne des USA marquée par l’instabilité et la fragilité. Cette perception n’est pas seulement due à l’attaque du 11 septembre puisqu’elle implique désormais un événement comme Katrina, qui était évidemment possible avant le 11 septembre et dans toutes les occasions possibles. Le changement de la perception est bien que la société US est devenue plus fragile et plus instable dans le cas d’un événement comme Katrina également, parce que l’instabilité et la fragilité sont désormais jugés comme des caractères structurels de cette société. Le même événement a d’autre part renforcé la perception complémentaire que les forces publiques étaient mal organisées et mal équipées pour réagir aux désordres, renforçant par conséquent la dynamique de la militarisation.
Bien évidemment, si la démarche est compréhensible, il est également compréhensible que ses effets ont fort peu de chances d’améliorer la situation. La structure militaire US a déjà montré son incapacité absolument ontologique à s’adapter à des situations contrastées de troubles divers et civils, quelle qu’en soit la cause, et au contraire sa capacité à aggraver systématiquement de telles situation par son intervention. D’autre part, il est évident que ces mesures, loin d’apaiser la situation générale, ne font et ne feront qu’aggraver la tension en alimentant tous les soupçons à l’encontre des autorités centrales, et en aggravant par avance les effets de tout foyer potentiel de trouble par la simple “militarisation” de ce foyer dans l’intervention contre lui.
On voit dans tous les cas une confirmation de plus que le système américaniste est incapable d’une autre réponse que la militarisation face aux événements qui ne cessent d’aggraver la crise structurelle et systémique de l’ensemble US. Cette militarisation devrait se poursuivre aussi vite qu’il est possible, à mesure de la perception de l’aggravation de la crise générale. Elle porte en soi un facteur d’aggravation des situations qu’elle prétend traiter, contribuant notablement à l’entretien du cercle vicieux destructeur caractérisant le système américaniste aujourd’hui. Au point d’usure et de sclérose où il se trouve, il est inutile d’attendre autre chose d’un système aussi aveugle qu’il est énorme et très puissant prédateur de sa propre puissance.
Mis en ligne le 2 décembre 2008 à 09H30