La mise en pièces des prévisions de vente du JSF

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Lockheed Martin et, sans doute (qui sait?), le Pentagone continuent à psalmodier les perspectives paradisiaques de vente du JSF, entre 4.500 et 6.000 pour commencer. A l’époque où ces estimations déjà partout chuchotées avaient été officiellement affirmées (voir le 12 juillet 2002), nous avions noté combien la méthodologie usait d’une technique prospective s’apparentant à la fois de la comptabilité de la firme Enron et de la philosophie des Marx brothers.

Notre ami Johan Boeder, qui tient depuis plusieurs années le site hollandais JSFNieuws (avec traduction Google en français notamment) attaché à suivre le développement du JSF, a réalisé un rapport pour la commission de défense du parlement hollandais, sur les perspectives générales et globales de vente du JSF. Ce rapport a été livré aux parlementaires en septembre. On peut y accéder directement depuis le 6 octobre. Il a été présenté et commenté notamment par defense-aerospace.com, le même 6 octobre 2009. Ce rapport a été remarquablement diffusé, au-delà du réseau Internet, notamment dans la grande presse spécialisée US, par un très long article de Defense News le 19 octobre 2009.

Le rapport, qui est présenté notamment dans son summary sous la forme suivante, conclut que les estimations de 4.500-6.000 exemplaires promis à la vente sont totalement dépassées et qu’il faut aujourd’hui se baser plutôt, dans des conditions “normales” où le programme serait réalisé selon les conditions et la chronologie officielles (hypothèse optimiste), sur tout au plus 2.500 exemplaires, avec les conséquences qu’on imagine sur l’avion lui-même, notamment d’augmentation des coûts par exemplaire.

«This 136 page report examines in detail the various figures provided by Lockheed Martin and the JSF Program Office to prospective JSF partners, including the Netherlands, to support the JSF’s business case in these countries. It demonstrates that, while Lockheed and JSF Program Office are still using figures based on the state of the fighter market in the late 1990s, these are no longer credible.

»The report describes what will potentially cause lower numbers in the US Forces and several other Air Forces and what clear indications we have already about the increasing F-35 number to be procured.»

L’intérêt de l’intervention de Defense News est que son article, en plus de détailler le travail de Boeder, présente des interventions d’un expert US, allant dans le sens du rapport, et une réaction qu’on peut tenir pour officielle de Lockheed Martin – repoussant évidemment les conclusions du rapport. Le fait remarquable est cette réaction à une analyse non-US portant sur un programme US d’une importance fondamentale. Certes, les Hollandais sont impliqués dans le programme, mais l’establishment et l’industrie US n’ont pas l’habitude d’accorder quelque importance que ce soit à des observations et des analyses, même de pays alliés comptabilisés comme de futurs utilisateurs, sur un de leurs programmes stratégiques fondamentaux. L’habitude unilatérale de la toute-puissance, aux USA, implique le désintérêt pour le Rest Of the World et pour ce qu’il pense. Il faut donc conclure que cette habitude se heurte désormais à une très forte préoccupation quant à la validité de cette toute-puissance, à une inquiétude évidente, qui reflètent autant l’état catastrophique du programme JSF que le déclin accéléré de la puissance US en général.

Voici un extrait de l’article de Defense News sur cet aspect précis des réactions US au rapport de Boeder…

«Lockheed dismisses Boeder’s forecast, saying that the company anticipates no drop in demand for F-35s. “F-35 quantities have held steady for most of the decade,” Lockheed spokesman Chris Geisel said. “Year after year, the program has received strong political and budgetary support.” Geisel said that “if F-35 numbers change, it is more likely that they will increase” than decrease. That’s because hundreds of current fighters are approaching retirement age, and nations beyond the nine countries that are F 35 partners are expressing interest in buying the aircraft, he said.

»But U.S. defense analyst Barry Watts agreed that ultimately, it is likely that only half of the planned F-35s will be built. Watts, of the Washington-based Center for Strategic and Budgetary Assessments, said history is against the F-35. In the four stealthy aircraft programs that preceded the F-35, the U.S. military declared a need for 2,378 planes, but ultimately bought only 267. Those programs were the F-117, A-12, B-2 and F-22.

»Current plans are for the U.S. military to buy 2,443 F-35s, “but if history is any guide, I would not hold my breath waiting” for that many purchases to be completed. “I think the number is going to be about half of that,” said Watts, who is a retired Air Force combat pilot and former chief of the Pentagon’s Office of Program Analysis and Evaluation. Such a sharp decrease in the number of F 35s built would mean that “huge” research and development costs “will be spread across fewer planes,” increasing the cost of each, he said.

»Watts said he expects the U.S. Air Force to buy 800 to 1,000 F-35s instead of the 1,763 in current service plans. The Air Force can get by with fewer F-35s because it has decided to keep A-10s and F-15Es in service. And the U.S. Navy is likely to reconsider F 35 buys because the plane does not have adequate range to permit U.S. aircraft carriers to operate outside the range of area denial weapons being developed by China and other nations, Watts said.»


Mis en ligne le 27 octobre 2009 à 07H29