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52923 juillet 2003 — La mort des deux fils de Saddam est-elle vraiment une bonne nouvelle ? Dans tous les cas, la question est posée pour ceux qui espèrent que la tendance, désormais identifiée, d’un rapprochement avec les USA au nom d’une évolution vers le multilatéralisme, conduira à une prise en charge plus internationale de l’Irak, avec motion de l’ONU à la clé. Ce courant était évident depuis deux ou trois semaines, au fur et à mesure de l’aggravation de la situation en Irak. Mais la mort des deux fils de Saddam peut changer tout cela. D’ores et déjà, “les analystes”, assis dans leurs bureaux de Washington, jugent que ces deux morts pourraient réduire les attaques contre les Américains, certains autres y voient même une importance symbolique fondamentale. On pense désormais à la chasse à Saddam Hussein lui-même et nul ne doute que sa capture ou sa mort mettrait un terme à la guérilla.
Cette prévision, comme celle qui accompagne la mort des fils, nous paraît complètement hors du propos, sans vrai rapport avec la réalité du monde, mais au contraire une réflexion d’une bureaucratie qui a décidé que la résistance anti-US ne peut venir que d’une machination de Saddam. Mais il est peu important, pour l’analyse que nous faisons ici, de savoir effectivement si cette prévision est ou non fondée. L’important est de constater qu’elle est en train de prendre du corps, donc qu’elle pèsera désormais sur le processus de décision US.
Selon cette approche, la mort des deux fils devrait provoquer un renouveau de confiance et un durcissement de la bureaucratie désormais de tendance extrémiste aux USA. Si le processus est effectivement engagé aux Nations-Unies pour obtenir un soutien de l’ONU, un partage du pouvoir et l’éventuel soutien actif (contingent de forces) des Allemands et des Français, il se pourrait bien que les uns et les autres (les interlocuteurs des Américains) aient des surprises, avec un durcissement US, des exigences renouvelées, un recul significatif sur les perspectives de partage du pouvoir en Irak et ainsi de suite.
Avant la mort des deux fils, l’excellent Jim Lobe nous avait tracé le tableau particulièrement sombre des perspectives de l’administration GW, et les raisons pour lesquelles il y avait effectivement une tentative vers l’ONU :
« And the almost daily announcement on the news that another US soldier has been killed in an attack in Iraq, bringing to 32, 33, 34, the number of troops killed since Bush declared an end to major hostilities in the war, recalls nothing so much as the daily reminders on the evening news 23 years ago that killed the presidency of Jimmy Carter: “Day 385 of the American hostage crisis in Iran.”
» Short of a miracle — such as the discovery of a cache of weapons of mass destruction in an Iraqi mountainside in circumstances that clearly indicate that it was under Saddam Hussein's control as of March 18, 2003, or the return of robust US economic growth that can quickly bring the unemployment rate down to five percent — there is probably only one way that Bush can save his presidency at this point.
» But the cost in personal pride and policy will be extremely high.
» To save his administration, Bush must now essentially abandon the aggressive unilateralism that has dominated his foreign policy since even before September 11, 2001; ask forgiveness from US allies who refused to join his “coalition of the willing” in Iraq; and return to the United Nations Security Council for a new resolution that will give the world body control over the occupation. »
Lobe décrivait ensuite les conditions où GW devrait évoluer pour s’assurer un soutien extérieur, via l’ONU. Il concluait : « “It's getting more and more obvious that the [Security] Council's leverage [vis-à-vis Washington] is increasing,” said one source who noted the growing sense in the US capital that the optimistic predictions of the hawks had put the president in serious peril. The question is, what will be the UN's price for bailing the administration out, and will Bush be willing to pay it? » Cette analyse est aujourd’hui mise en question par l’événement d’hier, qui doit permettre aux faucons de l’administration de s’affirmer à nouveau, selon l’argument que la campagne US finit par payer, qu’il est donc inutile de faire des concessions à l’ONU et aux alliés qui s’opposèrent à la guerre.
Effectivement, l’événement d’hier est, à cet égard, sans doute le plus malencontreux, si l’on juge objectivement et par rapport à la situation générale. Il est fort probablement insuffisant pour provoquer un bouleversement de la situation soit sur place, soit aux USA même, parce qu’il ne s’agit pas de Saddam lui-même ni d’armes de destruction massive qu’on aurait trouvées ; il est suffisamment important, ou considéré comme tel et présenté comme tel, pour éventuellement contrecarrer le courant en faveur de concessions qui s’affirme puissamment au sein de l’administration.
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