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193018 octobre 2014 – Jeudi après-midi (vendredi matin en Europe), le département d’État présentait un briefing conjoint de la porte-parole Jennifer Psaki (département d’État) et du porte-parole John Kirby, contre-amiral (département de la défense). Ce joint meeting semble être une première historique pour ces puissantes institutions jalouses de leurs prérogatives de communication, comme l’a signalé Psaki, et un “signe des temps”, selon la sollicitation d’un interrupteur-commentateur. (A notre sens : un signe d’un temps d’une extrême militarisation de la diplomatie US, jusqu’à réduire cette diplomatie au seul fait militaire enrobé de communication pompeuse et déclamatoire, alors que les activités militaires deviennent à la fois productrices d’un hyper-désordre et souvent diplomatiquement incontrôlables.) On peut lire une transcription de cette réunion sur le site officiel du département d’État, ce 16 octobre 2014, et voir le passage expliquant cette décision, sur C-Span le 16 octobre 2014. Rapide explication de Psaki :
Ms. Psaki: «Yes. Before – and some of you have asked why we’re doing this jointly today, so I thought I would touch on that first. We actually had a conversation about doing a joint briefing...»
Question: «Sign of the times.»
Ms. Psaki: «It’s a sign of the times, Said. Thank you. We had a conversation about doing a joint briefing a couple of months ago. We work together on so many issues, whether it’s ISIL or Ebola, through the interagency, but we also work very closely together, and there was a great deal of overlap, so we also actually thought it would be pretty useful to you guys, and if it’s helpful and if you treat him well, maybe he’ll come back. We’ll see.»
Russia Today a pris l’habitude de suivre avec attention les pérégrinations des porte-paroles les plus importants de Washington, surtout ceux (celles) du département d’État. Il a signalé ce joint briefing, le présentant comme archétypique de la pensée caractéristique de l’administration Obama, des bureaucraties qui la servent (ou la manipulent, ou la contraignent c’est selon), – donc comme archétypique selon notre point de vue de la pensée-Système. Le texte de RT est du 17 octobre 2014. La présentation conjointe avait sans aucun doute comme cause principale le discours du 15 octobre 2014 du secrétaire à la défense Hagel déjà dénoncé par le porte-parole de Poutine (voir notre texte du 17 octobre 2014, intertitre «Hagel et la sagesse de l’OTAN») et très fortement condamné par le ministre de la défense russe Shoigu (voir RT, le 17 octobre 2014).
Shoigu dénonce les propos de Hagel annonçant, en fonction de la situation sur la frontière ukrainienne, que l’US Army doit planifier un possible affrontement avec l’armée russe parce qu’une “Russie révisionniste” déploie ses forces “à la porte de l’OTAN” («...must deal with a revisionist Russia – with its modern and capable army - on NATO's doorstep»). Shoigu a exprimé sa surprise d’une telle annonce, venant d’un Hagel unanimement présenté comme modéré et mesuré : «I know US Defense Secretary Chuck Hagel personally. That is why his speech at the US Army annual meeting in which he called Russia the main enemy surprised all of us, to put it mildly...» Cette affaire a été l’un des morceaux de choix, – non, le morceau de choix de la joint session Kirby-Psaki et bien sûr sans nul doute la cause fondamentale cette joint session. La réaction du porte-parole de Poutine, les déclarations de Shoigu après le discours de Hagel ont constitué un sévère incident diplomatique et une forte montée de la tension entièrement occasionnée par ce même discours de Hagel.
Nous pensons que nous tenons ici une exceptionnelle démonstration de la transformation des esprits et des jugements sous l’action des psychologies complètement infectées par les narrative en cours, elles-mêmes renforcées par ces mêmes psychologies, dans les directions-Système du bloc BAO. Pour cette raison, nous citons intégralement le passage de la joint session qui constitue la cause de cette initiative et où est débattu ce sujet du discours de Hagel et des réactions. Il s’agit du contre-amiral Kirby face aux questions de l’empêcheur de tourner en rond au rythme des narrative des porte-parole du département d’État, Matt Lee de Associated Press. Toutes les questions et interventions non identifiées de ce passage sont de lui.
Cette transcription de ce très long échange permet d’être témoin de la bataille des psychologies, – celle de la vérité de la situation (Matt Lee) et celle de la narrative (Kirby), – et d’en décortiquer tous les aspects grâce à l’intensité du dialogue. Matt Lee a l’habileté et la fermeté de caractère de prendre comme référence principale, en y revenant constamment, le fait de l’expansion vers l’Est de l’OTAN jusqu’aux frontières russes. Cet acte fondamental et totalement illégal dans son esprit de l’expansion de l’OTAN se fit contre la fameuse et solennelle promesse du secrétaire d’État James Baker parlant explicitement au nom des USA, faite à Gorbatchev en 1991, que l’acceptation par l’URSS de l’intégration de l’ex-Allemagne de l’Est dans l’OTAN à cause de la réunification allemande serait absolument équilibrée par l’engagement solennel des USA que l’OTAN ne s’étendrait pas d’“un seul mètre” (“of one feet”) à l’Est, vers la Russie, de cette nouvelle configuration.
La séquence se termine par une piteuse retraite des deux porte-parole, Psaki intervenant pour interrompre le dialogue par un sophisme ultime. (“D’autres pays que l’Ukraine se sentent menacés par la Russie”, – implicitement, des pays de l’OTAN comme la Pologne et les pays baltes, — alors que cette référence à d’“autres pays de l’OTAN” est la preuve finale et indiscutable que l’Ouest, – le bloc BAO, – a trahi l’engagements fondamental de 1991 qui prétendait établir la sécurité de l’Europe à la seule frontière de l’Allemagne réunifiée ; et cela est dit alors que, durant tout le dialogue, Kirby a constamment transmuté le terme “OTAN” vers le terme “sécurité”, – point fondamental pour nous.) Après ce sophisme ultime de Psaki, on passe d’autorité à un autre sujet (l’Inde).
Voici donc la transcription intégrale. C’est long, mais, nous le pensons, instructif à lire dans les détails dialectiques du dialogue, pour bien mesurer l’affrontement (courtois certes, mais tendu) et l’incommunicabilité de deux modes de pensées qui ont des références renvoyant à deux univers différents dont l’un (celui de la narrative-Système) est hermétiquement clos. Matt Lee, ce n’est pas la première fois, a l’honneur souvent inconfortable d’être le représentant, conscient ou non qu’importe, des vérités de situation au cœur de l’univers des narrative-Système du bloc BAO que constituent ces réunions de presse ; il a aussi l’alacrité et l’entêtement, sans crainte de la parole officielle, que conservent quelques très rares journalistes américanistes de la presse-Système, du temps où ils pouvaient prétendre être américains plutôt qu’américanistes par la façon dont ils mettaient en cause cette même parole officielle.
(Dans cette transcription, nous avons souligné de gras une affirmation de Kirby donnant l’idée qui soutient essentiellement notre commentaire.)
Question: «Can I ask you what he meant by calling it “revisionist Russia”?»
Kirby: «“Revisionist Russia”?»
Question: «Yeah. What does that mean?»
Kirby: «Well – the Secretary?»
Question: «Yeah, Secretary Hagel.»
Kirby: «I think what he’s referring to there is that there appears to be in their intentions and their motives a calling back to the glory days of the Soviet Union.»
Question: «All right. He also used the phrase “its army,” meaning Russia’s army, “on NATO’s doorstep.” Why is that? Is it not logical to look at this and say the reason that the Russian army is on NATO – the Russian army is at NATO’s doorstep is because NATO has expanded rather than the Russians expanding? That in other words, NATO has moved closer to Russia rather than Russia moving closer to NATO? Is that not an accurate way to look at this?»
Kirby: «I think that’s the way President Putin probably looks at it. It’s certainly not the way that we look at it.»
Question: «But you don’t think that NATO has expanded eastward toward Russia?»
Kirby: «NATO has expanded...»
Question: «Okay.»
Kirby: «... and the expansion has been a good thing for...»
Question: «So the reason that the Russian army is at NATO’s doorstep is not the fault of the Russian – or not the – it’s not the Russian army that’s done it. It’s – NATO has moved closer to – moved east.»
Kirby: «I’m pretty sure it wasn’t NATO who was ordering upwards of 15 battalion tactical groups to within 10 kilometers of the border with Ukraine, and I’m pretty sure it wasn’t NATO who put little green men inside Ukraine to destabilize eastern cities.»
Question: «Okay. Well, I’m pretty sure that Ukraine is not a member of NATO, so unless that’s changed...»
Kirby: «It’s not changed...»
Question: «Okay. So...»
Kirby: «...but I’m pretty sure the movement by Russia is Russia’s decision.»
Question: «Has NATO – if NATO has moved east, the reason that the Russian army is closer or on NATO’s doorstep is because NATO moved, not because...»
Kirby: «NATO is not an anti-Russia alliance. NATO is a security alliance.»
Question: «For 50 years, it was an anti-Soviet alliance. So do you not understand that...»
Kirby: «Where’s the Soviet Union now?»
Question: «So – well, do you not understand how, or can you not even see how the Russians would perceive it as a threat, and the fact that it keeps getting closer to their border while their troops – I mean, the places where their troops are – you say their troops are, and they may have been in Ukraine and Georgia – are not NATO members?»
Kirby: «I don’t have – I’m not going to pretend to know what goes in President Putin’s mind or Russian military commanders.»
Question: «Okay.»
Kirby: «I mean, I barely got a history degree at the University of South Florida.»
Question: «All right.» (Laughter.)
Kirby: «What I can tell you is that NATO is a defensive alliance. It remains a defensive alliance.»
Question: «Fair enough, but it has moved east, correct? I mean, that’s just a fact.»
Kirby: «It has expanded, absolutely.»
Question: «Right, exactly, and so the reason...»
Kirby: «But there’s no reason for anybody to think the expansion is a hostile or threatening move, and we’ve been saying that throughout the last 15 years, Matt.»
Question: «But no – this is like getting – you’re moving closer to Russia, yet you’re blaming the Russians for being close to NATO.»
Kirby: «No, no, no, no.»
Question: «That’s exactly what Hagel said.»
Kirby: «What we’re blaming the Russians for are violating the territorial integrity of Ukraine...»
Question: «Of Ukraine...»
Kirby: «... and destabilizing the security situation inside Europe.»
Question: «Okay, which is not a NATO member – which is not a NATO member.»
Kirby: «I cede to you on that point.»
Psaki: «Other countries feel threatened...»
Nous laissons de côté dans notre commentaire toutes les contre-vérités, les affirmations factuelles grotesques, etc., pour nous en tenir à la centralité du débat : l’OTAN transportée aux frontières de la Russie, contre la promesse fondamentale de 1991, et accusant, par la parole de Hagel, la Russie de la menacer sur sa frontière. (Nous laissons même de côté le débat sur “l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN”, qui peut être effectivement contrebattu par l’argument sophistique que d’autres pays de l’OTAN ceux-là, sont au contact de la Russie et “se sentent menacés” également, comme l’Ukraine, parce que cet argument juste est en fait sophistique en utilisant la logique sophistique fondamentale qu’on va détailler. Seul ce sophisme-là nous intéresse parce que fondamental et absolu, et factuellement impossible à réfuter.)
Il y a un mouvement de la pensée certes orwellien, mais qui est beaucoup plus sophistiqué que un “la paix c’est la guerre”, un “le mensonge c’est la vérité”, etc. Matt Lee dit : le fait fondamental, qui règle toute la polémique, c’est que l’OTAN s’est étendue jusqu’à la frontière russe, violant l’engagement solennel de Baker et des USA, et cette expansion pouvant donc, sinon devant être justement appréciée par la Russie comme un acte offensif, sinon agressif et menaçant dans certaines circonstances. Le contre-amiral Kirby dit : ce n’est pas l’OTAN qui s’est étendue à l’Est, c’est la sécurité, introduisant ainsi une variante du sophisme fameux en trois propositions : “L’OTAN s’étend vers l'Est jusqu'à la Russie. L’OTAN c’est la sécurité. Donc la sécurité s'étend vers l'Est jusqu'à la Russie.”
Ce sophisme, qui dépasse largement la technique décrite par Orwell, est fondamental dans la pensée-narrative. Il suppose une transmutation radicale des références de la pensée et du jugement, qui deviennent ainsi pensée-Système et jugement-Système. Certes, l’affirmation “Mais l’OTAN c’est la sécurité” peut être aisément mise en question, mais c’est déjà une seconde polémique qui suppose un autre sujet, une autre interprétation historique, une autre sorte d’arguments, et ce second débat nécessaire contribue à déplacer pensée et jugement dans un flou qui éloigne de l’affirmation fondamentale (“l’OTAN s’étend à l’Est”) et conduit à d’autres débats secondaires de ce débat déjà secondaire, qui vont encore accentuer cet éloignement. Un esprit faible à cause d’une psychologie contrainte par le Système accepte très vite la conclusion sophiste extrêmement confortable et vertueuse de “La sécurité s’étend à l’Est” et s’y fixe complètement, parce qu’elle rencontre le confort fabriqué et la vertu faussaire des références auxquelles il est contraint et que nourrit sa psychologie. On comprend alors que la crise ukrainienne, dans ce contexte référentiel, devient pour ces directions-Système du bloc BAO une aberration si elle n’est pas interprétée comme une pression agressive d’une Russie agressive (“une Russie révisionniste”) ; par conséquent, cela nécessite absolument le développement de la narrative que le bloc BAO présente à propos de l’Ukraine.
Ce qu’il faut admettre, c’est que, ces dernières années, ces références qui impliquent l’absorption des “sophismes sophistiqués” étouffant la simplicité et l’évidence de la formule orwellienne contre laquelle un esprit moyennement critique peut s’élever avec succès, ont perverti à très grande vitesse toutes les psychologies particulièrement faibles des directions-Système renouvelées. Elles ont infecté complètement leurs esprits particulièrement incultes, cloisonnés, réduits à des spécialisations réductrices et des observations conformistes, et soumis par conséquent pour les choses essentielles à la seule communication-Système qui supprime le passé pour s’en tenir au “grand Now” (voir le 29 janvier 2014). Nous nous trouvons alors devant une situation intellectuelle non pas de duplicité et de tromperie du côté du bloc BAO, mais d’une réelle bonne foi, d’une sincérité du jugement mises au service de références impératives complètement faussaires et faussaires de cette façon sophistiquée, non-orwellienne ou “sur-orwellienne”, qui noie la possibilité que de si faibles esprits deviennent esprits critiques. De là, leur facilité qui devient absolument compréhensible d’accepter, sinon d’aider à élaborer les narrative, et leur rejet furieux et indigné des affirmations russes et de ceux qui les partagent.
(Cela n’empêche pas certains de ces esprits absolument contaminés d’avoir parfois des instants de doute, – et même de plus en plus souvent ces derniers temps devant l’accumulation effectivement catastrophique des catastrophes qu’engendrent leurs actions, et dont les échos finissent parfois par les toucher. Ces esprits sont également fragiles et vulnérables, à cause de ces doutes et des catastrophes qui les entourent, et aussi bien à cause de leurs psychologies affaiblies qui ont fait en sorte qu’ils sont devenus ce qu’ils sont. Ainsi, notre conviction est que leur attitude de plus en plus furieuse, de plus en plus impérative pour affirmer la narrative générale n’est en rien un reflet de leur force, mais un signal indirect de leur désespoir secret, – la peur et l’angoisse cachées mais puissantes de leur déroute intellectuelle si leurs doutes s’avéraient fondés. [De ce point de vue, leur schéma psychologique et intellectuel renvoie potentiellement à l’équation surpuissance-autodestruction...] La mécanique de subversion et d’inversion sophistiquée, malgré toute sa formidable surpuissance, n’est pas absolument parfaite devant la diversité de l’esprit et n’empêche pas d’autres influences, contraires et structurantes, de facto antiSystème, de s’exercer par intuition de l’évidence ; cette mécanique peine de plus en plus, malgré [ou à cause de... ?] sa surpuissance à maintenir hermétique son emprise totalitaire sur les psychologies qu’elle infecte et les esprits qu’elle subvertit. C’est un élément de notre appréciation que la surpuissance du Système engendre l’autodestruction, et que la crise générale est aussi “crise d’effondrement du Système” [voir plus loin].)
Naturellement, nous ne pensons pas une seconde, au nom de l’évidence des processus, de l’observation de la complexité extrême de ces processus, de la rapidité avec laquelle ces processus se développent et ne laissent aucun répit aux psychologies et aux esprits ciblés, au nom du bon sens lui-même enfin, que cette gigantesque opération de transmutation de la perception ait été l’œuvre d’une manœuvre humaine ou de quelque “complot” que ce soit. Seule une formidable et puissante influence extrahumaine a pu réussir à imposer une telle évolution.
Bien entendu, le Système est désigné comme le diabolus ex machina de la chose, et alors se pose plus que jamais la question fondamentale de savoir ce qu’est le Système précisément... (...Et nous avons souvent avancé notre réponse en forme d’hypothèse que nous cessons de renforcer, d’une force extrahumaine relevant du domaine de la métaphysique de l’Histoire, ou métahistoire et utilisant le Système issue d’elle-même pour l’opérationnaliser). C’est donc, selon cette analyse, le Système, opérationnalisant cette force extrahumaine, qui détermine la crise générale que nous connaissons ; et nous l’espérons et l’affirmons, crise fondamentale qui est en fait la crise d’effondrement du Système... En effet, une telle rupture avec la vérité du monde, systématiquement et exponentiellement amplifiée par la rapidité et la vigueur des crises qui ne cessent de s’enchaîner et de se déchaîner, est absolument génératrice d’erreurs impossibles à rectifier, de décisions catastrophiques considérées comme vertueuses et devant être appliquées jusqu’au bout, d’actes à finalité d’autodestruction appréciées comme justes et devant par conséquent être poussés à leur terme final... Et, pendant ce temps, les psychologies subverties, dont on a vu la fragilité et la vulnérabilité, sont de plus en plus confrontées à la pression déstructurante (dans le bon sens) pour elles-mêmes du terrible doute.
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