La nécessaire lutte à mort avec l’Orque

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La nécessaire lutte à mort avec l’Orque

Nous avons eu, ces deux-trois dernières semaines, l’occasion de témoignages de première main, quoique recueillis indirectement mais de la part d’une source que nous connaissons bien, notamment pour ses capacités de compréhension des situations les plus complexes, et notamment pour ses capacités d’en faire rapport d’une façon extrêmement précises. Les sujets abordés sont les rapports entre la Russie et les pays européens, notamment d’Europe de l’Ouest (France, Belgique, etc.), dont la position vis-à-vis de la Russie n’est certainement pas celle d’un maximalisme hystérique comme ce qu’on retrouve chez les pays de l’ancienne Europe de l’Est. La situations décrites sont donc particulièrement significatives de l’aspect bureaucratique et systématique des mesures antirusses, puisqu’aucun de ces pays n’en rajoute de lui-même, ni même n’exerce, au niveau de ses corps intermédiaire dans les domaines concernés, – il s’agit du monde militaire et du monde universitaire, – de pressions particulières pour “renforcer de lui-même” les conditions concrètes et opérationnelles de la rupture.

• Le monde militaire, spécifiquement le monde militaire français. Une très haute source militaire française décrit ce qu’étaient les relations entre le monde militaire russe et le monde militaire français comme “faites d’une multitude de liens, d’échanges, de coopération, etc., qui formaient un tissu impressionnant de collaboration et établissaient une très grande proximité entre les deux pays”. On ne parle pas ici des “grands programmes”, des “manœuvres communes importantes”, etc., mais bien de ces “situations à des niveaux très modeste” qui ne font pas les choux-gras de la presse-Système, entre unités, entre écoles militaires, entre centres de réflexion, bénéficiant d’aucune publicité particulière mais animant et renforçant un flux de base extrêmement puissant et très fécond puisque touchant des individus et des organisations aux statuts très modestes ou peu connus. “Cela avait créé une véritable base commune, une sorte d’intégration des cultures, des façons de voir, etc., faisant de la relation franco-russe un phénomène remarquable de puissance dans la base même des deux établissements militaires”. Le constat de la situation actuelle est particulièrement consternant : “Tout, absolument tout, jusqu’à l’échelon le plus bas est suspendu, bloqué, arrêté, pour répondre aux directives de Bruxelles, c’est une véritable glaciation de ce tissu que nous avons mis des décennies à mettre en place”. Il ne semble pas, à entendre ce constat, et bien que la source citée soit restée discrète à cet égard dans la mesure où il s’agit de ses autorités civiles, que les autorités françaises aient fait quoi que ce soit pour “adoucir” ce traitement, nullement par antirussisme mais simplement parce qu’il est devenu aujourd’hui impensable d’aller en quelque manière que ce soit contre les directives de Bruxelles.

Même si cela n’a pas été dit, nous estimons que cette situation rend compte de la dégradation complète, jusqu’à la dissolution, et à une rapidité stupéfiante qui dépasse les seules capacités humaines (surtout lors qu’on mesure la puissance des sapiens-Système à l’œuvre, type-président-poire/Fabius, etc.) de tout ce qui ressemble de près ou de loin à la souveraineté nationale en France. Il nous paraît évident que jamais aucune direction politique, dans l’histoire de la France, n’a aussi complètement abdiqué sa souveraineté ; il ne s’agit même pas de “collaboration”, comme par exemple en 1942, dans le deuxième phase, la plus dure, de la collaboration de guerre, il s’agit d’une complète dissolution du fait de la souveraineté, comme si ces dirigeants ignoraient tout simplement la signification du mot qu’ils emploient par ailleurs bien plus qu’à leur tour pour le seul but de communication de ne pas trop mécontenter la population. Ce dernier point signifie au moins que ces autorités-là, en liquidant la souveraineté, ont une vague conscience de commettre un acte qui n’est pas réclamé ni apprécié en aucune façon par la population ; mais elles suivent à cet égard la philosophie énoncée sarcastiquement par Brecht à la suite de la répression par l’Armée Rouge du soulèvement de Berlin-Est en 1953, — «le Parti a prononcé la dissolution du peuple».

• Le monde universitaire, cette fois d’un point de vue moins national, mais concernant plusieurs pays effectivement d’Europe de l’Ouest, notamment la Belgique. Dans ce cas également, on constate la rupture complète de tous les liens jusqu’aux plus modestes, ceux qui constituent effectivement le tissu d’une coopération culturelle, psychologique et humaine. .. “Jusqu’aux plus simples ‘thésards’ qui avaient choisi un sujet impliquant la Russie, et nécessitant par conséquent des visites en Russie, qui voient ainsi leurs travaux bloqués”. Il y a un parallélisme remarquable entre cette situation et celle du monde militaire, et sans doute la retrouve-t-on dans d’autres sphères, comme la culture par exemple, suggérant et confirmant combien la puissance et l’hermétisme de la “formidable muraille antirusse” élevée par le Système (voir le 24 juillet 2015) sont massives et systématiques.

Ce phénomène que nous avons résumé et synthétisé sous l’expression de “la formidable muraille antirusse du Système” constitue donc une entreprise complètement spécifique, à finalité d’un hermétisme complet, d’un genre très particulier dans la volonté d’absolu et de totalitarisme qui la caractérise. On peut avancer sans aucune hésitation que cette “construction” n’a strictement aucun rapport avec le “rideau de fer” de la Guerre froide, qui n’a jamais complètement prétendu à ce côté absolutiste et totalitaire, qui était marqué (ou “troué” dirions-nous d’une façon imagée) de nombreuses échappée plus ou moins organisées et plus ou moins officielles permettant une continuité plus ou moins épisodique de certains liens. Il s’agissait même dans une certaine mesure d’un aspect d’une politique générale qui recommandait, quelles que fussent les conditions de tension et d’antagonisme stratégique et idéologique, que le maintien de certains liens et courants d’échanges, notamment culturels et professionnels, permît la poursuite de la connaissance de l’“adversaire” par simple nécessité politique et autre. La chose fut établie et maintenue, après la mort de Staline (mars 1953) qui marqua le véritable début des conditions de la Guerre froide, même durant les périodes de très grande tension, comme par exemple durant la période 1983-1985 (à partir de la destruction du vol KAL007 par la chasse soviétique le 31 août 1983, avec le déploiement des “euromissiles” US en novembre 1983, jusqu’à la désignation de Gorbatchev comme Premier Secrétaire du PC de l’URSS, le 9 mars 1985). En un sens, durant la Guerre froide, l’URSS existait encore pour l’Ouest (et vice-versa, évidemment), quel que fût le sentiment qu’on éprouvait à son égard. Dans le cas de la Russie aujourd’hui, du point de vue de l’Europe-Système (les institutions européennes), c’est-à-dire de ce que nous avons baptisé “Orque” manifestant sa posture et jusqu’à son essence-subvertie tyrannique et totalitaire dont on a découvert soudainement et spectaculairement la réalité installée avec le cas de la crise grecque, en un sens il est devenu, instantanément et irrémédiablement depuis novembre 2013/février 2014, absolument nécessaire que “la Russie n’existât plus”.

Cela rejoint le jugement fameux souvent rapporté sur ce site de l’ancien chef du renseignement russe, Leonid Chebarchine, selon lequel «l’Ouest ne veut qu’une seule chose de la Russie : que la Russie n’existe plus.» D’une façon très surprenante par rapport à ce qu’on sait ou croit savoir des deux partenaires du bloc BAO, il nous semble que cette idée est encore plus forte chez celui qui se dit le plus “civilisé” des deux et le plus intéressé par des liens avec la Russie, dans le chef de l’Europe institutionnalisée plus que dans le chef des USA. Il y a là, de la part de l’Orque ou Europe-Système, c’est-à-dire du Système directement et sans aucune nécessité d’influence des USA, mais simplement par production (de la part du Système) de sa nécessité totalitaire, un acte qui nous paraît relever du fondamental et témoignant de la transmutation extraordinairement rapide de l’Europe institutionnelle en un égrégore lui-même nécessairement totalitaire, et totalement constitué de la barbarie postmoderne, c’est-à-dire cette barbarie intérieure, furieuse et omniprésente, à vocation d’éradication totalitaire par entropisation. Ainsi la Russie doit-elle être réduite à l’état d’entropisation. On ne peut alors se contenter de chercher selon l’habitude des chipoteries politiques et polémiques, de type géopolitique, sociétal et idéologique, voire dans certaines constantes historiques remontant au Grand Schisme du Moyen Âge de l’Église, les responsabilités diverses et bien entendu humaines,dans le chef de telles personnalités, de telles équipes, de tels départements, etc. Ces responsabilités existent mais elles sont de l’ordre du secondaire et surtout de plus en plus de la forme de l’ambiguïté. Comme nous le signalions dans notre texte du 24 juillet 2015, comme dans nombre d’autres textes, il existe de plus en plus de signes et d’exemples, soigneusement dissimulés et hors de toute publicité, de malaises et de doutes parmi les hommes et femmes qui peuplent la bureaucratie et les hiérarchies proliférantes de l’égrégore européen, qui subissent autant qu’ils servent cette monstruosité, qui ressentent également le poids formidable de ses exigences totalitaires, tyranniques et absolues. (Même la “Secte” n’est pas sûre aux yeux de l’Orque, et il est assuré qu’elle sera liquidée dans une sorte de “Nuit des Longs Couteaux“ une fois qu’elle aura accompli les consignes.) Nous sommes bien devant un cas relevant de forces et de mouvements extrahumaines, du domaine de la métahistoire.

Il ne faut donc pas s’y tromper. On ne se trouve pas dans un de ces combats classiques, y compris jusqu’aux plus extrêmes (nationalistes-patriotes et souverainistes contre fédéralistes-maximalistes et intégrationnistes de la globalisation, bataille autour de la confiscation de la souveraineté des nations au profit de l’entité supranationale) ; il s’agit d’une lutte à mort monstrueuse où l’intention de l’égrégore est la destruction pure et simple par dissolution et entropisation de tout ce qui constitue au sein de l’Europe (comme du reste lorsqu'on parle du Système) des situations structurelles, c’est-à-dire la destruction des nations comme la destruction des principes à la façon de la “paix carthaginoise” que Rome imposa à Carthage de la destruction jusqu’aux fondations même de la ville. (L’exemple n’est qu’un exemple symbolique et technique, Rome ne pouvant en aucun cas être seulement rapproché de ce qu’est le Système, puisque figurant même d’une certaine façon ce qu’on pourrait désigner comme un phénomène historique antiSystème avant l’heure, – cela contredisant décisivement et ridiculisant l’analogie gonflée comme une outre vide de l’hybris postmoderne entre l’Empire de Rome et le machin actuel, qu’il se nomme USA ou bloc BAO, ou ce qu’on veut du genre.) Toute idée de compromis, de réforme, de refonte de l’Orque, ditto du Système, ne peut que susciter un rire amer de dérision, tant l’évidence de cette puissance maléfique, et positivement identifiée selon tous les attributs de ce qui est “maléfique”, est d’une force absolument irrésistible.

On notera avec une certaine satisfaction, – on la trouve où l’on peut, non sans regretter qu’elle soit si lente et si pusillanime, – par exemple qu’un Mélenchon, par rapport à sa position au plus fort du dernier paroxysme en date de la crise grecque (voir le 14 juillet 2015), ait quelque peu évolué (le 22 juillet 2015 sur sa page Facebook) : «...Et pour cela il faut sans détour tirer la leçon numéro un de la reddition de Tsipras. Le plus important tient à ceci : toute tentative de changer l’Europe de l’intérieur est vouée à l’impuissance si ce[ux] qui l’entreprennent ne sont pas prêts à tirer instantanément et totalement la leçon d’un échec, en rompant le cadre. Autrement dit aucun plan A n’a de chance sans plan B. Et quand vient l’heure du plan B il ne faut pas avoir la main qui tremble.». L’observation que lui adresse Sapir (le 24 juillet 2015) à partir de cette citation est, elle, parfaitement, justifiée : «Si ce texte à l’intérêt de monter la détermination en cas d’échec d’appliquer une politique de rupture, ce qui est un progrès par rapport à l’émission de juillet 2012 que nous avions faites Mélenchon et moi et où il n’évoquait le fameux “plan B” que comme un moyen de réaliser le “plan A”, il montre que Mélenchon n’a pas encore tiré TOUTES les leçons du Diktat imposé à la Grèce. En réalité, aucun changement de l’UE de l’intérieur n’est possible.» C’est-à-dire que le “plan B” doit devenir le “plan A” et même le seul “plan” possible, assorti d’une dénonciation furieuse dont le thème est simplement, puisque nous sommes dans les vaticinations carthaginoises, Delenda est Europa, comme l’on dit Delenda est Systema... On ne négocie pas sur le sort de l’Orque, on frappe, on frappe, on frappe et on frappe encore... Et cette activité passe notamment par une volonté d’insurrection qui doit s’exercer de toutes les façons possibles, par une mise en cause radicale de tout ce qui représente l’autorité, notamment nationale, qui a perdu absolument toute légitimité. (D’où notre satisfaction de voir des parlementaires en prendre complètement et justement à leur aise en bafouant et en en conchiant ouvertement, en Russie même dont la Crimée fait partie, une “politique officielle” qui n’est rien de moins qu’une “trahison permanente” encore plus qu’un “coup d’État permanent” sans plus aucune signification par simple disparition du sujet, – l’État qui n’existe plus.)

Nous sommes dans des temps métahistoriques où le mythe et le symbole ont autant de force, dans le flux puissant du système de la communication, et notre réflexion doit tenir compte du fait. C’est pourquoi nous avons cité l’Orque et parlé métaphoriquement de “son Mordor” apparu sur Charon, la plus grande “Lune” de la planète Pluton, du nom du dieu des royaumes de l’ombre, des enfers, des forces souterraines et telluriques d’où jaillissent les orques de Tolkien. Mordor, ce black material comme disent les braves ingénieurs de la NASA en parlant de Charon/Pluton, – lesquels braves ingénieurs songent à trouver pour d’autres découvertes d’autres noms, un peu plus sympas pour le moral des troupes, comme “le Petit Prince” de Saint-Ex, – Mordor est bien là, sous nos yeux, autour de nous, désormais sans la moindre dissimulation nous pressant et ne cessant de clamer son but qui est notre destruction totale, jusqu’à l’entropisation de nous-mêmes. Retour de vacances, il faudra commencer à s’en aviser...

 

Mis en ligne le 26 juillet 2015 à 05H22