La négo-bouffe de Djeddah

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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La négo-bouffe de Djeddah

11 août 2023 (19H20) – Oui, sans nul doute, la réunion, dite peut-être “conférence de la paix”, réunie samedi-dimanche à Djeddah a été un événement baroque, une sorte de ballon gonflé à la fumée de Marie-Jeanne et dégonflé par la grâce douteuse d’une injection d’un vaccun Pfitzer, comme un simulacre qui prétendrait être un stratagème parlant de stratégie en semant partout des pièges pour culs de jatte aveugles, et qui se révéla être une balourdise inconséquente, une brioche d’une lourdeur incroyable. Les empires sur le déclin dégénéré, comme ça, deviennent d’une incroyable médiocrité, et d’une sottise surprenante. Il paraît que c’est une trouvaille-perso de Jack Sullivan : cela me donne plein d’espoir pour la campagne de réélection de Biden dont il a la charge.

Que s’est-il passé exactement ? Ecoutez nos deux compères faire leur doagnostic en rigolant intérieurement ou en s’exclamant emphatiquement. Christoforou, lui, y voir un “nothing-burger” dont il n’est rien sorti, aucun communiqué, aucune déclaration commune, même pas un souhait pour la paix...

Christoforou : ...« Ce fut un échec complet et absolu, parce qu’il n’y a rien, pas même un communiqué... Qu’est-ce que vous faites de cela, finalement ? »

Mercouris : « Oh, je suis absolument d’accord avec vous, vous avez absolument raison... Ce fut un véritable échec, je dirais même que ce fut une débacle... ! »

Est-il tellement nécessaire d’en dire plus ? Je veux dire, pour répondre à la question “Que s’est-il passé exactement ?” La conférence manqua tellement de substance, en réunissant tout le monde autour d’un plan (le “plan”en 10 points de Zelenski) auquel personne ne croit, – ni même Zelenski, ni Sullivan, – et en omettant de manière appuyée et comme si l’on faisait une géniale stratégie, d’inviter le deuxième adversaire sur le terrain, celui qui est en train d’écraser le premier avec son plan en 10 points ! Vous voyez le sérieux de la chose ?

D’autant plus drôle, – “drôle de négo” pour une “drôle de guerre”, –  que chacun avait son propre plan en poche, les Saoudiens, les Chinois, etc., et n’avait que faire de ces couillonnades de Mister Z qui n’intéressent personne. On avait l’impression que le gouvernement des Etats-Unis avait réuni cette conférence simplement pour pouvoir dire : “Vous voyez, vous voyez ! Moi aussi, je peux réunir des conférences !” Certains étaient même venus pour dire qu’ils ne viendraient pas à la prochaine édition si les Russes n’étaient pas invités, – les Brésiliens et les Chinois, et peut-être même les Indiens, ont annoncé ça, selon Mercouris.

Edward Korybko, qui parle par moment d’une plume très mesurée, a commenté à plusieurs reprises les négo-bouffe (exactement : “négociations-bouffe”) de Djeddah avec un calme imperturbable, comme si l’affaire était vraiment sérieuse. On peut le suivre ici ou là, ne serait-ce que pour avoir une idée de ce que les médias bien dans le rang, – les médas “honnêtes” et “francs” de la presseSystème, – ont dit de la confrence, CNN notamment qui ne sait plus très bien où il en est, tantôt presque antiSystème tantôt...  

« CNN a publié lundi un article déclarant de manière provocante que “la Chine fait l'éloge des pourparlers avec l'Ukraine en Arabie saoudite que la Russie a qualifiés de ‘voués à l'échec’”, qui visait à faire des pourparlers de Djeddah un problème dans les relations sino-russes en présentant faussement la participation de Pékin à ceux-ci. comme une légère contre Moscou. Les deux membres de l'Entente sino-russo, qui n'est pas une “alliance” mais plutôt un partenariat stratégique d'une proximité sans précédent visant à accélérer la multipolarité, savent qu'il ne faut pas tomber dans cette sorte de piège criant... [...]

» Loin de ce que les médias [de la presseSystème] et même certains membres de l’‘Alt-Media Community’ ont fait des pourparlers de Djeddah comme d’un problème  pour les liens des participants avec la Russie, ces pays neutres comme la Chine et l'Inde qui y ont participé ont en fait renforcé leurs liens. avec la Russie en conséquence. Ils ont montré à Moscou qu'ils tiendront non seulement fermement leurs positions sous une immense pression, mais qu'ils repousseront même l'Occident en partageant avec d'autres leurs propres solutions pragmatiques à ce conflit. »

Aussi Korybko, pour redresser ces commentaires malheureux des “francs” et “honnêtes” zélotes de la presseSystème, entend montrer que ce sommet, malgré son extraordinaire et quasi extra-terrestre inutilité, a tout de même servi à quelque chose, – disons, dans le champ des bonnes manières et des amabilités. Il note donc, contre les observations goguenardes et venimeuses des commentateurs de l’absence de Moscou :

« Dans le même temps, cependant, cela ne signifie pas que les pourparlers de Djeddah n'ont eu aucun aspect positif. Comme expliqué ici, ils se sont retournés contre Zelenski en offrant aux représentants chinois et indiens l'occasion de partager leurs fins de partie envisagées dans la guerre par procuration OTAN-Russie avec le plus grand nombre de décideurs jusqu'à présent. Les pays qui souhaitent sincèrement mettre fin au conflit le plus tôt possible préféreront naturellement leurs propositions de compromis aux exigences maximalistes irréalistes de Kiev.

» Tout comme “l’Inde a montré sa neutralité lors des pourparlers de paix centrés sur l'ouest du week-end dernier sur l'Ukraine”, la Chine l'a fait aussi. Selon le ministère chinois des Affaires étrangères, leur représentant “a eu de nombreux contacts et échanges avec les parties participantes, a clarifié la position et les propositions de la Chine, a écouté les opinions et les conseils de diverses parties et a travaillé pour une compréhension plus commune du règlement politique de la crise ukrainienne”. Le rôle positif de la Chine dans la promotion des pourparlers de paix a été pleinement reconnu. »

Le commentaire rend curieusement compte, dans cette partie constructive, d’une espèce d’atmosphère bon-enfant entre les amis de Moscou. On a l’impression qu’ils discutent entre eux de leurs visions réciproques, qu’ils sont si proches les uns des autres qu’elles pourraient faire l’affaire de Moscou. Peut-être se sont-ils entretenus, pendant que l’horripilant Mister Z égrenait ses dix points, du prochain sommet des BRICS, également avec les Sud-Africains, évidemment présents (les USA s’y entendent pour faire des plans de table avec pour but de subvertir les amis de Moscou).

Peut-être même l’un ou l’autre, l’Indien ou le Brésilien, at-il passé un coup de fil à Poutine pendant une suspension de  séance, pour le rassurer sur l’avancement des travaux. Ils ont échangé sur les dernières nouvelles : « L’Ouest ne peut pas vaincre la Russie », dit le président serbe Vucic ; « Biden est devenu fou », dit Trump. Ou bien encore, dans un coup de téléphone à Poutine toujours entre deux séances, l’annonce de la formidable idée de mademoiselle (madame, plutôt) Jessica Berlin, du CEPA (‘Center for European Policy Analysis’), de faire de l’OTAN une alliance mondiale de toutes les démocraties contre toutes les menaces contre toutes les démocraties, – “une alliance sans limites ni frontières”, – comme il y avait ‘Jeux sans frontières’, ce serait l’OTAN sans frontières’ :

« La situation des menaces au XXIe siècle exige une alliance mondiale capable de se défendre mutuellement. L’OTAN a peut-être des défauts, mais elle reste l'alliance défensive la plus efficace dont dispose le monde démocratique. Nous devons renforcer ses fondations existantes et nous préparer à ouvrir ses portes. Dans la tradition de la logique fondatrice de l'OTAN, mais évoluant pour faire face à un nouveau paysage géopolitique, la Nouvelle Organisation du Traité d’Alliance protégerait le monde libre en empêchant les anciens ennemis d'entrer, en gardant les alliés, nouveaux et anciens, à l'intérieur, et en réduisant les nouvelles menaces. »

”Quel rapport avec les négos-bouffe de Djeddah ?” demande Poutine à son interlocuteur d’occasion.

”Aucun”, lui répond-on, “mais il faut bien s’occuper, ne trouvez-vous pas ? De toutes les façons, tout le monde est d’accord pour ne parvenir à aucun acord”.

... Ainsi se termina la négo-bouffe de Djeddah, en attendant la prochaine fiesta. Puis-je introduire ici un souvenir de vieil emmerdeur bougon et râleur ? N’ayez crainte, ce souvenir n’apportera rien à personne.

Je fais mon travail de voltigeur du commentaire depuis près de soixante ans. A mes débuts, déjà dans les affaires internationales et diplomatiques, je me rappelle, il y avait toujours des incidents, plus ou moins importants ; une crise, une tension, une déclaration furieuse, bref l’une ou l’autre agitation dans les rangs. Alors, il y avait toujours quelqu’un pour appeler à une conférence et tout le monde applaudissait. On se rencontrait, on se parlait, on se disait ses quatre vérités très poliment, on restait très amis, on n’arrivait pas vraiment à résoudre le problème mais on comprenait qu’on pouvait vivre avec et l’on sortait bras-dessus bras-dessous en annonçant que tout était résolu et les affaires du monde continuant dans la concorde retrouvée.

Aujourd’hui, on annonce cette conférence en marmonnant “nous sommes fous”. On y va en se disant “C’est inutile, elle ne sert strictement à rien”. On y entre en disant : “C’est une impasse qui mène à une voie sans issue”. On en sort en marmonnant et en haussant les épaules, avec certains qui font des cabrioles, un entonnoir sur la tête, en parlant de rien et de rien. Et l’on dit : “C’est une voie sans issue qui mène à une impasse”. On est des Modernes et il n’y a pas un seul mensonge dans tout cela