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19 août 2003 — Avant l’explosion du quartier-général de l’ONU à Bagdad, dans l’après-midi du 19 août, l’événement important de la situation en Irak était la mort du cameraman de Reuters Mazen Dana dans des conditions extrêmement délicates, que rapporte le Guardian, parlant des « US troops ‘crazy’ in killing of cameraman ». Les détails, notamment les témoignages, que rapporte le journal sont extrêmement significatifs.
« Journalists who were with a Reuters news cameraman shot dead by US troops while filming outside a Baghdad prison yesterday accused the soldiers of behaving in a “crazy” and negligent fashion. They claimed the Americans had spotted the Reuters crew outside the jail half an hour before Mazen Dana was killed and must have realised he was not a guerrilla carrying a rocket-propelled grenade launcher.
(...)
» Nael al-Shyoukhi, a Reuters soundman, said the soldiers “saw us and they knew about our identities and our mission. After we filmed we went into the car and prepared to go when a convoy led by a tank arrived and Mazen stepped out of the car to film. I followed him and Mazen walked three to four metres. We were noted and seen clearly.
» “A soldier on the tank shot at us. I lay on the ground. I heard Mazen and I saw him scream and touching his chest. I cried at the soldier, telling him ‘you killed a journalist’. They shouted at me and asked me to step back and I said ‘I will step back but please help, please help’.”
(...)
» Stephan Breitner, of France 2 television, added: “We were all there for at least half an hour. They knew we were journalists. After they shot Mazen, they aimed their guns at us. I don't think it was an accident. They are very tense. They are crazy.” »
Cet incident est effectivement très significatif de l’état d’esprit des forces américaines, et aussi de leur qualité intrinsèque dans leur rôle de lutte anti-guérilla et de rétablissement de la sécurité (cette activité prétentieusement baptisée dans le vocabulaire postmoderne et politically correct de nation-building). Les troupes américaines, entraînées pour évoluer dans une machinerie très coordonnée, très contrôlée et conformément “au manuel” (même si ce manuel prétend être révolutionnaire), sont totalement inadaptées à la situation. En fait, on pourrait avancer que les forces US sont aujourd’hui, par leur haute technicité et leurs automatismes interdisant toute capacité d’initiative, les moins qualifiées du monde pour une situation comme l’irakienne.
Le comportement des troupes US devrait largement contribuer à l’accélération du processus de dégradation de la situation en Irak, dans des conditions extrêmement déstabilisantes pour l’establishment militaire US. On ignore évidemment l’évolution de la situation en Irak, mais si l’aggravation se poursuit, le choc au niveau de cet establishment finira par se produire, avec une mise en question des conceptions et des structures des forces armées US, comme après le Viet-nâm. Cette perspective est d’autant plus probable que :
• Politiquement, les USA ne peuvent songer à passer la main d’une façon qui rendrait possible le remplacement d’une partie substantielle de leurs forces, cette possibilité étant liée à un transfert des responsabilités à une autorité non-US. Politiquement, par rapport à la situation aux USA, ce transfert est inenvisageable pour Bush.
• Opérationnellement, les conditions sur le terrain sont dures, et même semblent beaucoup plus dures qu’on ne le dit. Nous avons entendu hier soir, à 19H30, la correspondante de la RTBF belge à Bagdad affirmer qu’« on nous dit que les attaques contre les Américains sont beaucoup plus nombreuses que ce qu’il est officiellement affirmé. » La correspondante a rapporté que ces attaques étaient beaucoup plus nombreuses par rapport à la version officielle, « dans un rapport de un à dix ». (Ces indications rejoignent des estimations déjà publiées sur les pertes réelles des Américains. On sait que le Central Command indique qu’il y a eu 926 tués et blessés US en Irak depuis le début de la guerre, tandis que le lieutenant-colonel DeLane, chargé du transport des blessés d’Irak vers l’hôpital d’Andrews Air force base, aux USA, a indiqué à la National Public Radio que plus de 4.000 blessés ont déjà été évacués.)