La nomination de Blair et la fureur européenne

La plus récente clownerie américaniste, la nomination de Blair comme soliste du “quartette”, provoque des effets considérables. Des sources européennes mutines et bien placées rapportent que l’aimable Solana est dans une fureur hispanique d’une intensité à laquelle on trouve peu de précédent. «Tout s’est passé sans la moindre consultation, d’une façon vraiment jamais vue! Les Américains sont arrivés à la dernière réunion du “quartette” et ont dit : “Voilà, c’est comme ça…” Blair a téléphoné à Poutine pour lui expliquer la chose. Poutine a finalement dit, après avoir fait traîner les choses : “Après tout…” Et voilà, Blair est nommé…»

On ignore si Solana est furieux à cause de l’habileté bien connue de Blair dans les affaires avec les pays arabes, ou à cause du fait encore plus évident que l’Anglais empiète largement sur une place que lui-même, Solana, occupe de facto et n’entend guère céder. Disons, les deux ajoutés, pour être sympa. Mais il faut avouer que cette situation est irrésistiblement représentative des affaires du monde transatlantique, occidental et postmoderne en général. Nous sommes habitués à l’allégeance et il se trouve qu’elle nous attache aujourd’hui à un reste de faux empire hollywoodien à la dérive, totalement plongé dans le désordre, conduit par des irresponsables sans la moindre légitimité et notablement moins éclairés que la jument de l’Empereur, et ainsi de suite. La nomination de Blair répond à cette logique de notre allégeance mais elle déclenche pourtant la fureur générale dans tous les milieux européens possibles et imaginables parce qu’elle montre l’infamie de cette allégeance.

Le 27 juin, le Financial Times publiait un article rendant compte de confidences du ministre allemand des affaires étrangères à des journalistes, à propos de la nomination de Blair, — propos diplomatiques de la fureur européenne. Les propos sur les rôles respectifs de Blair et de Solana rendent compte de la fureur du second et des difficultés à prévoir dans la concurrence-coordination entre les deux.

«Frank-Walter Steinmeier, foreign minister of Germany, current holder of the EU presidency, criticised the way Mr Blair had been appointed and said the former prime minister would have little influence.

»Mr Steinmeier told journalists in Berlin that the Blair nomination had been proposed and discussed “outside the context of the Quartet, so it is natural that this does not appeal to the membership of the Quartet”.

»Rather than a high-profile negotiating role, Mr Blair would be “limited” to “institution building in, and political strengthening of, the Palestinian Authority”. This was because “the Quartet itself wants to keep control of the political task of helping shape the Middle East peace process”.

(…)

»Mr Steinmeier said Mr Blair’s nomination would not affect the role of Javier Solana, the EU’s foreign policy chief, who has long focused on the Arab-Israeli conflict.

»“Mr Solana is a member of the Quartet while Mr Blair will be working for the Quartet. The difference is clear,” he said.»

Mis en ligne le 28 juin 2007 à 12H18