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473[Natalia Narotchnitskaïa, Que reste-t-il de notre victoire ?. Edition des Syrtes. 2008.]
Toute conscience qui a perdu le lien avec la terre et la tradition, toute conscience irréligieuse, fût-elle ultramarxiste ou ultralibérale, donne naissance à un rapport utilitaire et pragmatique à l’Etat. Dans cette situation, l’idée de Patrie dépérit, alors qu’elle a nourri la conscience nationale au fil des siècles qui ont révélé au monde l’existence de grandes puissances et de grandes cultures.
La conscience chrétienne, orthodoxe notamment, génère une toute autre conception de l’Etat-nation, à savoir un sentiment d’appartenance à une Patrie sacrée qui ne s’identifie pas à l’Etat, institution politique avec toutes ses imperfections et ses carences. Une telle perception naît tout d’abord au sein d’un peuple profondément religieux, conscient du caractère sacré de l’existence individuelle et de celle de l’Etat-nation. Cette perception se transmet ensuite de génération en génération.
La conscience nationale orthodoxe est issue de la perception de la continuité historique. Il s’agit du sentiment aigu de l’appartenance à une période ou un régime donnés, à l’histoire séculaire de la Patrie et aussi à son avenir, au-delà de sa propre histoire culturelle. Dans ce sentiment il y a un dépassement de l’orgueil, donc de la finalité et de la matérialité de l’existence individuelle. Ainsi la perception individuelle de l’histoire échappe-t-elle au cadre d’une vie, manifestant dans la conscience nationale la nature immortelle de l’âme.
C’est justement pour cette raison que les Russes, fervents croyants et orthodoxes dans l’âme, écrivent (et pensent) le mot « Patrie » avec une majuscule, ce qui provoque les sourires méprisants des libéraux. (*)
Pour un croyant, la Patrie, c’est un don de Dieu. Les envols et les chutes inévitables de ce processus n’écarteront pas de la Patrie l’homme déçu par l’Etat. Jamais un tel homme ne pourra mépriser son pays ou tourner en dérision sa propre histoire. Nombreux sont encore, grâce à Dieu, ceux qui prononcent avec émotion le mot « Patrie », même si le sens de cet émoi n’est pas compris de tout le monde. Ce sont les paroles de l’Epitre de Paul aux Ephésiens : « […] je fléchis les genoux devant le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, duquel tire son nom toute patrie dans les cieux et sur la terre» (Eph. 3, 14-5). La perception de la Patrie est donc une dérivée de la perception du Père céleste.
Les traductions de ce verset dans les langues européennes donnent à patrie le terme de « terre ». Voilà pourquoi, les princes russes, bien avant que ne se constitue un Etat panrusse et, à plus forte raison une nation russe, ne prêtaient pas serment sur leurs trônes princiers, mais sur la terre russe! Dans cet espace émotionnel, la Patrie est une notion métaphysique, qui ne signifie pas un Etat concret sacralisé avec ses institutions. Mais les libéraux et les « citoyens du monde » ultra-rouges assimilent la patrie « ce pays barbare » au « maudit régime capitaliste ». Ne soyons pas étonnés, car, pour les premiers, « la patrie est là où il fait bon vivre » et pour les seconds, « les prolétaires n’ont pas de patrie » hormis le socialisme.
“Anonyme” (**)
(*) L’auteur utilise le terme « libéral » exclusivement au sens philosophique pour désigner un « partisan de l’autonomie absolue de l’individu, d’une orientation pro-occidentale de la Russie, un négateur de l’histoire russe ».
(**) Un de nos lecteurs, monsieur Marc Gébelin, nous fait parvenir ce texte dont il ne parvient pas à déterminer la provenance. Nous le mettons en ligne sous une forme ‘anonyme’, pour sa valeur propre qui nous paraît évidente.
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