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1239Des officiels des “services de renseignement” des pays de l’OTAN, ou “Western military intelligence”, ou encore “a senior intelligence officer with NATO's International Security Assistance Force” (diverses indications passe-partout), ont donné des précisions sur la situation en Afghanistan et son évolution. Une appréciation particulièrement pessimiste. Plusieurs canaux d’information ont repris ces interventions, montrant par là que ces interventions avaient été organisées de façon délibérée, comme une séance d’information informelle destinée à une grande diffusion. AFP, le 27 décembre 2009, Reuters (repris le 27 décembre 2009 par le New York Times) ont notamment retransmis ces informations, le plus souvent dans des termes quasiment similaires. Cela montre que l’intervention a été particulièrement contrôlée quant aux termes employés, et donc aux intentions des intervenants.
En gros, ces interventions des services de renseignement disent que les forces de l’OTAN sont engagées dans une “course contre le montre”, que les talibans sont prêts à prendre le pouvoir, dans un an peut-être, si le rythme et le sens de la guerre ne sont pas renversés, qu’ils ont leurs équipes gouvernementales prêtes, etc. Vient ensuite une partie opérationnelle de moindre intérêt.
Nous avons choisi un extrait de la version AFP qui contient un paragraphe très intéressant de plus que la version Reuters éditée par le New York Times. Nous y ajoutons un paragraphe de la version Reuters, absent de la version AFP, également intéressant de son côté.
«The insurgency is organised, increasingly effective and growing more cohesive, said a senior intelligence officer with NATO's International Security Assistance Force (ISAF). “The insurgent strength is enabled by the weakness of the Afghan government,” the officer told reporters on condition of anonymity. The Taliban is funding its operations, which he estimated to cost between 100 million to 200 million dollars a year, through “Al-Qaeda, drugs and taxing the people.”
»Its ideology is based on “establishing Al-Qaeda as a global entity”, ridding the region of foreign forces and establishing a caliphate, or Islamic state, and the Taliban in Afghanistan and Pakistan work together to those ends.
»The United States and its allies “took our eye off the ball” for a number of years, allowing the movement to grow and strengthen, the officer said. Now, “where the (Afghan) government is weak, the enemy is strong”, able to exploit the corruption and unpopularity of President Hamid Karzai's administration.
»“In 33 out of 34 provinces, the Taliban has a shadow government,” the ISAF officer said, adding that its shadowy leader Mullah Mohammad Omar “has a government-in-waiting, with ministers chosen” for the day the government falls. “Time is running out. Taliban influence is expanding,” he said.»
L’idée qu’on trouve dans cette version AFP, dans ce passage le plus important, qui n’est pas dans Reuters/NYT, est résumée par ce paragraphe : «Its ideology is based on “establishing Al-Qaeda as a global entity”, ridding the region of foreign forces and establishing a caliphate, or Islamic state, and the Taliban in Afghanistan and Pakistan work together to those ends.»
Dans la version Reuters, un paragraphe intéressant, qu’on ne trouve pas dans la version AFP, est celui-ci: «“This is not meant to be a joke, but whoever is their logistics chief, you know, we oughta be taking lessons from them. Because that's pretty darn good ... for an enemy insurgent force to generate that kind of capability, the official said.»
@PAYANT 30.000 hommes? 45.000 hommes? Si l’on en devine un peu plus que les mots nous en disent, on en conclurait déjà que les renforts décidés par le président Obama, même ceux que demandaient le général McChrystal, sont d’ores et déjà insuffisants. Pardonnez-nous ces répétitions mais, vraiment, nous glisser que nous auront peut-être, sans doute, sans vraiment très peu de doute, dans un an à peu près, la possibilité d’un califat taliban ou al Qaïda (la chose est confuse) courant du Pakistan à l’Afghanistan et déjà préparant ses tentacules vers l’Ouest, sans doute en direction de Poitiers, où l’OTAN pourrait bien créer un Charles Martel Central Command (CMCC), tout cela est certainement fort effrayant.
L’intervention de Barack Obama commence bien… On ne peut soupçonner les interlocuteurs de l’AFP, de Reuters et d’autres, des agences de renseignement des pays de l’OTAN, de construire un scénario à partir de rien. Les services de renseignement occidentaux ont tout de même certaines responsabilités de crédit et les enseignements généraux qu’ils offrent ici confirment tous les rapports opérationnels. Il y a donc du vrai dans ces affirmations, il y a des évaluations courantes qui sont synthétisées et, sans doute, un peu dramatisées – mais à peine? Cela nous suggère une chose, selon laquelle cette sorte d’évaluation pourrait bien nous annoncer, assez rapidement, des demandes supplémentaires de forces – essentiellement US, certes, on connaît la musique. Les forces diverses qui constituent les relais d’influence en faveur de l’engagement en AfPak semblent engagés dans un forcing préparatoire, pour constituer un dossier à partir duquel il pourrait bien y avoir l’affirmation de la nécessité prochaine d’un renforcement supplémentaire aux 30.000 hommes prévus par Obama. On ne plaisante pas avec la constitution d’un califat nommé AfPak.
D’autre par la “course contre la montre” (“Time is running out”) peut-elle être encore gagnée alors que les 30.000 hommes d’Obama ne seront pas tous à l’œuvre avant novembre 2010, à cause d’une organisation logistique absolument cauchemardesque? (Certains experts, comme par exemple Melvin A. Goodman, dans le Baltimore Sun le 8 décembre 2009, jugent que la question de la logistique fait de la tentative de renforcement, le “surge”, un échec dans le fait même du déploiement, un échec par impossibilité de mise en place.) Cette idée rejoint ce qui paraît une “plaisanterie” dans le chef des sources citées, selon laquelle les talibans sont notablement meilleurs dans l’organisation de la guerre que ne le sont les forces US et de l’OTAN. La “plaisanterie” ne fait rire personne tant elle correspond à la réalité.
Ces informations sont diffusées avec l’intention d’offrir un backgroud délibérément alarmiste quoique nullement infondé, basé parfois sur des affirmations étonnantes (dire que l’Ouest s’est désintéressé de l’Afghanistan jusqu’à aujourd’hui, alors qu’une “deuxième guerre” a été lancé en 2005-2006, avec mobilisation générale de l’OTAN). Ces évaluations ont leur crédit et elles auront à notre sens deux effets.
• Un effet d’aggravation de la situation politique occidentale intérieure à cet égard, notamment à Washington. Les pressions dont nous parlions plus haut, pour d’éventuels renforts supplémentaires en plus des 30.000 hommes d’Obama vont s’accentuer, alors qu’elles sont inutiles à cause des délais de déploiement, voire même, à l’extrême, d’une sorte d’impossibilité de déploiement à cause du cauchemar logistique. (Et nous ne parlons même pas de la disponibilité de telles forces d’une part, de leur efficacité d’autre part, dans l’hypothèse extrême où elles pourraient être rassemblées et déployées.) Il faut s’attendre à une poussée belliciste partisane à Washington très grande en 2010 (année électorale), qui aura pour effet immédiat de mettre l’administration Obama en très grand danger. On rejoint des hypothèses évoquées dans notre F&C du 28 décembre 2009 d’une menace précise contre Obama. L’évolution des événements à Washington à cet égard peut être très rapide si les événements en Afghanistan rendent compte d’une détérioration grave.
• Un aspect incontestable d’une évaluation réelle. Quoi qu’il en soit de la situation en Afghanistan, l’évaluation occidentale en est bien à cette vision catastrophique de la possibilité sérieuse d’une défaite dans l’année 2010, de l’établissement d’un gouvernement taliban avec des accents apocalyptiques (le mot “califat” impliquant dans la dialectique des experts cet accent apocalyptique). L’évaluation sonne comme si le plan McChrystal était lui-même dépassé et le soupçon qu’il s’agit d’une action de communication pour obtenir des troupes supplémentaires est aussitôt nuancé par la reconnaissance implicite, presque évidente entre toutes les lignes en fonction de tous les facteurs mentionnés, qu’il est déjà presque trop tard. Il faut admettre l’hypothèse qu’il y a réellement la conviction dans certains services occidentaux qu’on en est là, et cette conviction nourrit une spirale de pessimisme qui devrait jouer un rôle démoralisateur puissant, aggravant encore la situation.
La création du monstre est sur le point d’être achevé. Ce qui était un conflit marginal, puis un conflit contenu mais sans issue visible à court terme à cause de l’impuissance de la puissance occidentale dans ces guerres, est en train de se transformer, dans ces évaluations, en un conflit crucial à l’issue catastrophique possible très rapproché. Quoi qu’il en soit de la réalité, si cette évaluation est effectivement celle des services de renseignement de l’OTAN, la perception psychologique occidentale de l’Afghanistan, quelle que soit la situation sur le terrain, est en train d’évoluer vers l’idée d’une défaite catastrophique très rapide. Insistons sur l’importance des effets intérieurs en Occident d’une telle possibilité, jusqu’à la mise en cause de la stabilité de nos establishments occidentaux.
Mis en ligne le 29 décembre 2009 à 07H10
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