La présidence Macron et la génération Descoings

Les Carnets de Nicolas Bonnal

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La présidence Macron et la génération Descoings

La présidence Macron est caractérisée par une brutalité festive et un besoin d’adoration déçu qui fait redoubler le régime en férocité. Tout cela se passe bien sûr avec l’assentiment des bourgeois qui reconnaissent en cet enfant terribleun des leurs.

Mais la présidence Macron est en fait une métastase de la révolution Descoings, l’illustre énergumène qui à sciences-po imposa les minorités sans examen d’entrée, les études à douze/vingt mille euros par an, les salaires à un demi-million et une américanisation à outrance, le tout couronné par un culte de la personnalité à nul autre pareil. 

Il est important de revenir sur ce personnage à l’heure où, entouré de ministres et députés trentenaires tous diplômés d’un sciences-po très payant et très seyant, le résident de l’Elysée néglige la vieille ENA et surtout nous enfonce dans ce néofascisme festif caractéristique de cet occident de la fin, de ce côté obscur de la farce.C’est Pétrone à la une, et sur tous les fronts encore. Je recommande encore et toujours les opus de Sophie Coignard sur cette épineuse observation : notre oligarchie est bien incapable…mais culottée. 

Le livre de mon ancienne condisciple Raphaëlle Bacqué (nous étions à sciences-po au milieu des années 80, qui étaient les années du syndicat étudiant déjanté des aristocrates libertaires) dévoile une partie de la fesse cachée de ce fantastique iceberg qui a fini par fondre/déteindre sur la France tout entière. De Sarkozy à Macron on voit la même dérive maligne, autoritaire et libérale, la même volonté de s’en mettre plein les poches, la même gestion démente du pays et le même je-m’en-foutisme provocateur et malappris. L’euro, l’OTAN et la mondialisation auront déchaîné des élites jusque-là ankylosées par la tartuferie bourgeoise.

On n’est pas au bout de nos peines, vu que les élites libérales-libertaires-autoritaires ont compris qu’elles peuvent tout se permettre.

Bacqué écrit au début de son livre « Richie » que le père Richard avait un pressentiment de sa mort et qu’il voulait : « Mozart à tue-tête, Plug n’Play au premier rang. Pas d’argent pour le cancer, tout pour les fleurs. »

Les funérailles eurent lieu à Saint-Sulpice, haut lieu Illuminati et du da Vinci code. Raphaëlle ajoute : « Au premier rang s’installa le plus complet assortiment de la nomenklatura française. »

Et d’ajouter interloquée : « Les mains levées comme pour une prière ; je ne crois pas avoir vu une telle foule sentimentale. » Notre journaliste observe gênée ce « charisme de rock star » et rappelle qu’elle était « désarçonnée par la courtoisie appliquée avec laquelle il exposait ses projets révolutionnaires… »

Enfin, trop vieille école décidément, elle écrit : « Je trouvais ridicule de se laisser aduler comme un Jim Morrison tout en dirigeant l’école du pouvoir. »

Toujours dans les premières pages, peut-être les meilleures, parce que comme dans Lawrence d’Arabie on commence par les funérailles : « il meurt entouré des étudiants catholiques… ». Et Raphaëlle de rappeler une citation osée et ambigüe sur cette idole des jeunes : « Daemon est deus inversus. »

Une formule ? Descoings aurait été un Don Juan visionnaire… Ma foi. Je laisse de côté les pages sur la débauche sexuelle. Au pays de Félix et d’Edgar Faure…Voyez le Sexus politicus publié jadis par Albin Michel qui était plus drôle que scandaleux au final ; au lys de nos rois aura succédé le lisier des cochons, comme dirait mon maître Gilles Chatelet.

Puis on en apprend d’autres sur les délices de cette société ouverte. Sur DSK, vrai siamois de Sarkozy :

« Dominique plaide en faveur de cette économie de la connaissance… Libéral et libertaire, progressiste et ouvert sur le monde. »

Et sur Descoings et les réseaux : « Il a plus de 4000 « amis » sur Facebook. Il confie ses humeurs, flirte, dévoile sa vie privée. Spontanéité et narcissisme. »

Comme chez Macron il y a ce besoin festif d’être adoré ; sauf que là ça marchait !

« Des dizaines de jeunes gens s’agenouillent en hurlant « Richie hou akbar ! » en attendant qu’il apparaisse à sa fenêtre.

L’adulation se prolonge : « Les années passant, l’adulation dont il fait l’objet a encore grandi. Des étudiants plus persifleurs l’ont représenté sous les traits du dictateur nord-coréen… »

Comme quoi les jeunes bourgeois ne lui ont pas reproché de facturer de sélectifs frais d’inscription vingt fois plus chers qu’à mon époque. Ils voulaient devenir festifs, américanisés, privatisés, ils ont été servis.

Raphaëlle rappelle le contrôle de la Cour des comptes en septembre 2011. Tout un tas de scandales dignes de la gestion postmoderne dont celui-ci :

« Les enquêteurs sont en passe de découvrir que la rémunération actuelle brute du directeur est passée de 315 311 euros en 2005 à 537 247 euros en 2010, soit une augmentation de 70%. »

Comme la presse un tout petit moins contrôlée qu’aujourd’hui se penche sur le problème, « les PDG s’inquiètent pour leur réputation et… Jean-Luc Jouyet. »

Jouyet c’est celui qui, comme on sait, aurait lancé, avec Attali, Macron sur le marché. Mais allez savoir avec ces diables d’hommes… Descoings doit en tout cas une fière chandelle à la droite néoconne, Chirac y compris (je crois qu’il fut le premier néocon celui-là). Sarkozy l’adorait. On adore le fric, on promeut les minorités raciales et on envoie promener les Français « profonds ».

Il est vrai qu’ils aiment ça.

Bacqué évoque un bref moment de crise, sur fond de scandale :

« On le prenait pour le Wunderkind de l’époque et voilà que tout craque… Le symbole de l’ouverture des élites suscite désormais la méfiance…Sa volonté de supprimer l’épreuve de culture générale provoque une levée de boucliers (Onfray, Todd, Debray, Sollers, d’Ormesson). Il était à la mode, il est devenu bling-bling. »

Cela n’empêchera pas la nomenklatura, comme disent les journalistes, de se ruer à ses funérailles.

Y a-t-il un mystère Descoings ? Oui, celui-là :

« Chaque nuit, il cherche sur internet les commentaires que l’on fait de lui… »

Guy Debord écrivait avec autorité il y a déjà un demi-siècle :

« Les gens admirables en qui le système se personnifie sont bien connus pour n’être pas ce qu’ils sont ; ils sont devenus grands hommes en descendant au-dessous de la réalité de la moindre vie individuelle, et chacun le sait. »

Et il en est de même de notre peuple, remarquez…

 

Sources 

Raphaëlle Bacqué, Richie, Le Livre de Poche.

Nicolas Bonnal – Mal à droite, éditions Michel de Maule

Guy Debord – La Société du Spectacle, § 61