La psychologie du complot et l’avancement de la crise

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La psychologie du complot et l’avancement de la crise

5 mai 2008 — Que nos lecteurs intéressés par la thèse, ou la vérité de 9/11-comme-complot, se rassurent, – ou remâchent leur déception, c’est selon. Il n’entre pas dans nos intentions de discuter du “complot” sur le fond de la chose, ce qui nous conduirait évidemment à parler de 9/11, “le père de tous les complots” sans aucun doute. Nous voulons parler de la psychologie du complot, de son évolution et de ce que cette évolution nous dit de l’évolution de la situation. Si, pour ce texte, le complot en lui-même, qui est l’objet d’exégèse sans fin et dont nous soupçonnons qu’il est parfois ou souvent un masque posé par la raison pour expliquer rationnellement l’inexplicable à cet égard, ne nous intéresse pas vraiment, la perception et la construction qu’en font les esprits enquêteurs nous intéressent par contre beaucoup. Il y a là comme un miroir involontaire, le plus fidèle par conséquent, de l’évolution du monde.

9/11-comme-complot, par exemple, représente (représentait) à notre sens la psychologie qui tient l’Amérique, ou plutôt la direction américaniste, comme une chose monstrueuse mais également monstrueusement machiavélique et, par conséquent, encore d’une puissance extraordinaire. Cette psychologie est dépassée parce qu’elle a évolué. Peu à peu s’est fait jour cette vérité, que nous tenons pour acquise depuis l’origine (voir la fragilité américaniste révélée par la crise de 1929-33, qui est en fait au cœur de cet artefact anti-historique que sont les USA), que la puissance américaniste n’est qu’un faux-semblant. Le poids énorme de l’Amérique n’implique pas nécessairement la puissance; il implique la puissance immense selon certaines circonstances historiques et, au contraire, la faiblesse extraordinaire selon d’autres. C’est ce que les crises de notre temps sont en train de nous montrer. C’est l’Histoire qui mène le bal aujourd’hui, pas nous.

Revenons au complot. Il y a ce texte d’un Polonais devenu Canadien, un ancien de Solidarnosc de 1981, Lech Biegalski; texte publié le 2 mai par ce même Lech Biegalski, sur OnLine Journal. Biegalski est l’éditeur du site Canada Watch. Contrairement à nombre de ses anciens compagnons, il ne s’agit pas d’un révolutionnaire anti-communiste recasé dans la nomenklatura d’influence américaniste qui a suivi l’écroulement du communisme. Biegalski est resté un “dissident”.

(Dans ce même article, comme sur son site, à la date du 30 avril, Biegalski annonce la fermeture de son site, simplement pour convenances personnelles: «Canada Watch will be on line for approximately one more month. I am retiring from politics. I have had it!»)

Biegalski fait un parallèle inattendu entre la situation qui conduisit à Solidarnosc puis qui conduisit Solidarnosc de l’activisme syndical à l’insurrection politique polonaise, et la situation actuelle aux USA, – à propos de la campagne de Barack Obama et de l’affaire du révérend Wright.

• Sur Solidanosc et son destin : «Yet, when the “Solidarity” movement was just starting, a great majority of its leaders, including Lech Walesa, were publicly declaring that we had nothing to do with politics, that we were just a “trade union.” We did not want to change the system, we wanted to fix it, to eliminate the corruption, the mistakes, and the abuse of power in order to rescue “pure communism,” a “communism with a human face.” Today, not too many former or current “Solidarity” leaders remember these declarations, as their privileges and benefits now depend on the loyalty to the new system – capitalism. It would not be politically correct to do so.

«“Solidarity” was a revolution. It actually began in 1976, when 11 people, mostly Jewish, started the KOR, a committee defending workers who were repressed by the communists in the aftermath of their protests in Radom and Lublin. The KOR activists were arrested and interrogated many times, but were always released unharmed. The system that had killed millions during its rise, suddenly became tolerant. When “Solidarity” was born in 1980, the KOR members became so-called experts, advisers to its Initiating Committee, and later, to the National Committee. Under the new capitalist system, many of them became senators and gained responsible positions in subsequent governments.»

• Concernant l’affaire Obama-Wright, Biegalski y voit une complaisance du système vis-à-vis du second, notamment par la publicité qui lui a été faite.

«Rev. Wrights call for change was commented on by media mostly in context of his support, or lack of it, for the presidential candidate Barak Obama.

»But maybe there is a much broader agenda behind the enthusiastic publicity that Rev. Wright received from the corporate media, the same media that brought him to the public view by criticising him earlier.

»I don’t believe that the technically well prepared live broadcast, with commentators and guests already aligned, was a pure coincidence. CNN does not normally film services in the country’s churches or fund raising dinners of organizations like the NAACP. Hypocritically, the CNN commentators stressed that nobody expected such a radical speech by Rev Wright. If this is true, then what were the CNN cameras doing there?

»Rev. Wright's one-hour speech was run “live” and re-run in its entirety by CNN a few times, afterwards. Well prepared comments and discussions during and immediately after the speech, euphoric tone of the hosts and “guests,” . . . am I wrong in assuming that this looked like a precisely prepared and deliberately orchestrated “coincidence”?

»The discussions, that followed, focused on one topic – how badly Rev. Wright damaged Barak Obama’s campaign. Nobody noticed that this kind of “threat” will actually mobilize the African American community even more.

»What does it mean? Is Rev. Wright radicalising the African-American community? Is Barak Obama being supported for the same reason? Is someone, who controls CNN, trying to use these people as a vehicle to ignite a “controlled revolution?” If a trade union and workers could be used as a hat and body, why not churches and visible minorities?»

• C’est dans ce cadre et disposant de ces éléments que Biegalski envisage une machination. Il émet l’hypothèse qu’un mouvement de protestation du public pourrait être effectivement lancé, à la fois par une dynamique qui lui serait propre, à la fois par des conditions d’une forte publicité qui lui seraient ménagées. Le but serait une révolution, mais une “révolution” contrôlée ouvrant les conditions qui permettraient l’installation d’un “Gouvernement Mondial”.

«Now, who and why would want a “revolution”?

»The most obvious answer is, “The world’s financial elites and their stooges.” A controlled revolution would make several of their reported goals easier to achieve.

»Firstly, the One World Government. We already have the European Union, the North American Union and African Union are in the making. The next logical step is the World Government. International consolidation of political and military power would lead the elites to a full and unrestricted control of the world’s markets, as well as its natural and human resources. Those who are opposed to globalization face military aggression, assassination, a coup d'état, or starvation.

»The level of public awareness and opposition to this idea would make forcing it upon various nations very difficult. Revolutions bring new order, why not the New World Order? The leader will emerge, when the people are ready.»

• Bieganski termine par quelques considérations personnelles qu’il mêle à l’hypothèse qu’il a présentée. Il s’agit d’une rapide réflexion mêlant son destin personnel, son activité même et les événements qu’il commente ou envisage de prévoir.

«Canada Watch was my baby during the last few years. I will miss it dearly, but I can no longer do it. Rev. Jeremiah Wright’s speech has, one more time, turned a red light in my head.

»Are the elites creating conditions for a global revolution in order to implement the One World Government?

»Am I unconsciously helping them in achieving this goal?

»I have witnessed the script that was implemented in Eastern Europe at the end of the 20th century. Today, I see the same script being played on a larger scale.

Evolution de la psychologie du complot

Encore une fois mais en précisant notre propos pour mieux introduire notre commentaire, nous ne discutons pas de l’hypothèse elle-même de Biegalski. S’il le fallait, nous dirions qu’elle a des aspects fort peu convaincants (la puissance communautaire et discipliné du système alors que le système nous montre de plus en plus qu’il est un désordre) et d’autres qui le sont plus (la publicité involontaire d’activités profondément déstabilisantes, – celles de Wright en l’occurrence, mais aussi celles d’Obama). Mais notre approche postule que le caractère incontrôlable de la société, notamment à cause de la puissance de la communication et de l’usage universel qui en est fait, en même temps que la disparition des références officielles à cet égard, rend extrêmement difficile, voire impossible de prévoir le déroulement des événements. Par contre, nous pensons qu’une réflexion intéressante peut être faite à propos de l’évolution de la psychologie, qui est évidemment touchée et influencée massivement par la communication, et dans tous les sens.

Le constat que nous faisons est que nous sommes passés d’une psychologie du complot à une autre psychologie du complot. Celle qui accompagnait 9/11 était une psychologie de perception du poids de l’américanisme en tant que producteur de puissance. Qu’implique la thèse autour du complot-9/11? Que la direction américaniste voulait machiner un événement qui constituerait un choc psychologique mobilisateur, soutenant activement une entreprise d’hégémonie mondiale, par tous les moyens, spécialement les plus brutaux. Cette vision est “optimiste” par rapport au poids de l’américanisme. Elle implique un esprit de conquête et de volonté de puissance; elle implique que la psychologie américaniste est en plein essor, que les citoyens suivront. Cela reflétait ce qu’on percevait de l’état d’esprit du public aux USA, essentiellement depuis 1996, un état d’esprit exubérant, arrogant, de certitude de puissance.

L’hypothèse de Biegalski nous dit absolument autre chose. Biegalski a raison lorsqu’il dit que la publicité faite à Wright est un grand risque politique pour le système. Les diatribes enflammées de Wright peuvent avoir, ont déjà un effet “collatéral” qui peut devenir central (souligné en gras par nous)… «The discussions, that followed, focused on one topic – how badly Rev. Wright damaged Barak Obama’s campaign. Nobody noticed that this kind of “threat” will actually mobilize the African American community even more.» L’effet de l’évolution de la campagne, aujourd’hui, est une attitude de plus en plus tranchée des Noirs, de refus de vote si Obama est écarté. C’est un signe de cette mobilisation dont parle Biegalski.

Son hypothèse du complot rend compte alors d’un climat diamétralement opposé à celui qui précédait 9/11. La psychologie du complot est complètement différente, même si le récit qu’en fait Biegalski nous décrit comme objectif un Nouvel Ordre Mondial, un Gouvernement Mondial machiné par les forces financières et oligarchiques. (Au reste, cette description transforme un peu vite des théories en pratique. Faire passer l’Union Européenne comme une marche vers un Gouvernement Mondial décrit une situation inexistante, qui plaira peut-être à nombre de Français mais qui n’a rien à voir avec la réalité. Après plus d’un demi-siècle, les résultats de l’UE en tant que “gouvernement” digne de ce nom sont extraordinairement faibles et ne cessent de régresser depuis le référendum de mai 2005.)

Ce qui nous importe en réalité, c’est que cette psychologie du complot s’appuie désormais sur une situation d’affaiblissement considérable du système au cœur de lui-même (aux USA). (Il y a eu une période intermédiaire : entre la psychologie du complot autour de la puissance du système, avec 9/11, et celle de Biegalski, il y a eu la psychologie du complot autour de l’échec en Irak : prise en compte de cet échec mais non pas en tant que tel mais en tant que machination d’une volonté d’instaurer le désordre, autre mot pour désigner l’“échec”, pour soi-disant fixer l’adversaire dans ce désordre; le plus “fixé” des deux, tout de même, lorsqu’on entend les craintes de l’amiral Mullen, n’est pas celui qu’on dit.) La proposition de Biegalski est que le système va utiliser à son avantage, en l’accentuant, la colère populaire; nous sommes donc bien d’accord sur au moins ce fait que la colère populaire, ou au moins la potentialité forte de la colère populaire existe désormais au cœur du centre l’empire. C’est une situation de faiblesse caractérisée, la plus dangereuse possible pour le système.

Plus encore : la référence naturelle de Biegalski (l’aventure de Solidarnosc en Pologne) nous ramène à nos hypothèses sur le caractère “gorbatchévien” de notre époque (à laquelle correspondît la “révolution” de Solidarnosc en Pologne, précédant ou accompagnant la situation en URSS, mais avec les mêmes caractères sauf bien sûr que Gorbatchev venait d’en haut). Biegalski en fait un argument pour sa thèse. Ce qui nous importe est qu’il voit une correspondance entre les deux systèmes, effectivement au stade ultime.

Il nous semble intéressant de signaler l’évolution. La psychologie du complot est par nature méfiante et interprétative. Dans le cas de Biegalski, qui a manifestement cette psychologie (son passé de clandestin en Pologne l’explique aisément), il est intéressant d’observer qu’il accepte sans guère d’hésitation l’idée d’une évolution d’affaiblissement peut-être décisive en cours aux USA. Cette acceptation implique effectivement l’affaiblissement dramatique du système, obligé d’accepter les réalités populaires. On comprend, dans ce cas, la sensibilité extrême de ce système, y compris d’Hillary, au “Bittergate” d’Obama.