La psychologie-Système en mode turbo du bloc BAO face à Poutine

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 4 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 905

Bon, d’accord, Poutine est élu. Le bloc BAO veut bien admettre la chose, un peu comme on fait une concession majeure au caprice d’un enfant turbulent (le peuple russe, en l’occurrence, pas encore vraiment sorti de l’“âge sombre” d’avant la postmodernité). Dans un article de Luke Harding qui devra retenir notre attention, dans le Guardian du 6 mars 2012, il nous est précisé notamment :

«Inside Russia, the middle-class-led, Moscow-centric uprising against Putin is likely to continue. But the calculation inside EU foreign ministries is that Putin will tough out the protests and complete his new term in office until 2018. For better or for worse, then, it is Putin who will call the shots on Russia's foreign policy and prove strategically co-operative – or not – on the western Balkans, Syria, Iran and other international problems.»

…Imaginez la Russie (et la Chine, puisqu’on parle des garnements) dire, après l’élection du président français en mai et celle du président US en novembre : “Bien, la quasi-insurrection de la classe moyenne (française, US) continuera sans doute, mais d’après nos calculs, il est probable que le président (français, US) restera en fonction jusqu’au terme de son mandat (2017, 2016)”. Car c’est bien cela que nous ont dit les ministres de l’UE, selon Harding, qu’ils n’espéraient pas vraiment un “regime change” en Russie, dans tous les cas durant le premier mandat de Poutine (sous-entendu : “bien que nous ferons notre possible pour y contribuer puisque, comme c’est bien connu, ‘la classe moyenne’ qui s’est “insurgée” dans son entièreté, par dizaines de millions, ne manquera pas de recevoir notre aide, on sait comment”). Cela s’appelle, en langage BAO, une déclaration de bon accueil (de la vertueuse et démocratique UE), respectant la souveraineté de la Russie et le choix souverain du peuple de son nouveau président.

Quoi qu’il en soit, et puisque le bloc BAO a fait cette concession majeure et témoignant de son extrême sagesse de ne pas chercher à renverser Poutine dans l’immédiat et malgré l’“insurrection” de la classe moyenne, on va coopérer avec Poutine. C’est-à-dire qu’on va lui communiquer sa feuille de route de coopération avec le bloc BAO, c’est-à-dire l’alignement sur la politique du bloc BAO ; à commencer par la Syrie, certes, comme l’ont laissé entendre les brillants ministres Juppé et Clinton, chacun de leur côté. Un peu d’agacement notable et fort vif à Moscou, et ce communiqué du ministère des affaires étrangères, communiqué qui représente en l’occurrence l’opinion de Lavrov, Medevdev et Poutine-élu (Poutine-2), ô combien… Le communiqué est charmant et, lui aussi, semble s’adresser au caprice d’un enfant, turbulent certes mais en plus très imaginatif, du type “qui prend ses désirs pour des réalités”… (RIA Novosti, le 6 mars 2012.) L’expression, plutôt ironique que diplomatique, est employée : «Nous avons accordé notre attention aux affirmations de certains responsables américains et européens selon lesquels la position de la Russie sur la Syrie serait due à la campagne électorale dans notre pays et estimant que maintenant, la présidentielle terminée, Moscou pourrait reconsidérer son approche. À cet égard, nous voudrions appeler nos partenaires européens et américains à ne pas prendre leurs désirs pour des réalités. La position russe à l'égard de la Syrie n'a jamais été influencée par la conjoncture ni par les cycles électoraux.»

A cet égard des désirs-réalités, les plus “réalistes”, les plus “sérieux” dans le bloc BAO, ce sont les Britanniques, avec leur brillante diplomatie. D’abord, on vous précise bien que le coup de fil de Cameron à Poutine lundi soir n’était pas pour le féliciter mais pour lui dire : “Bon, puisque vous êtes là, on va devoir travailler ensemble, c’est-à-dire faire marcher le boutique pour aider un peu le royaume” (et aussi obtenir des changements sur la Syrie, bla bla bla). Encore cette position est-elle appréciée comme trop optimiste, et les milieux qui comptent à Londres, et qui réfléchissent, préparent déjà une autre tactique. La chose est détaillée dans l’article de Harding et n’est pas piquée des vers.

«Relations between London and Moscow have been tricky for nearly a decade. They were made worse by the 2006 polonium assassination of Alexander Litvinenko. Cameron has attempted a mini “reset” of ties, including a visit last year to Moscow with William Hague. But while his emphasis is on British business interests, Hague can't afford to ignore Russia's abysmal human rights record. Plus, there is the outstanding extradition request – rejected by Putin – for Andrei Lugovoi, Litvinenko's alleged murderer.

»“All foreign policy and diplomatic relations are a mixture of realpolitik and moralpolitik,” said Denis MacShane, Labour's former Europe minister. He believes the “big foreign ministries of the world” need to get together to work out how to deal with Putin over the next five to 10 years, while also reaching out to Russia's growing opposition. They need to bear in mind that Putin won't last for ever, he said: “We should learn from lying back and having our tummy tickled by Gaddafi and Assad.”

»Over the past decade, nobody had managed to come up with a successful Putinpolitik, or policy towards Russia, MacShane added. “The Germans refuse to criticise him. Mrs Clinton announced a great reset after the George Bush era. Blair rushed to embrace him. Cameron, to be fair, has been more cautious and distant. But none of this has worked.” MacShane and other MPs will call for 60 Russian officials involved in the killing of the lawyer Sergei Magnitsky to be named and shamed – and to be denied entry to the UK…»

Cette tactique stupéfiante de subtilité, qui conduit à équivaloir la position de Poutine et le statut de la Russie à celles de Kadhafi et de d’Assad, et à celui de la Libye ou de la Syrie, – la Russie, son nouveau président et son “âme russe” apprécieront, – est même explicitée par la proposition massue, paraît-il examinée également par l’avisé Congrès US, d’interdire les territoires anglo-saxons et même “globaux” (c’est la même chose) aux diplomates russes, déclenchant chez eux une vague suicidaire, ou une vague de défection “à l’Ouest”, ou une capitulation sans conditions (plus de veto à l’ONU et compagnie) puisqu’il ne pourront plus faire “shopping in swinging’ London”. C’est du quasi texto

«The backbench debate has attracted heavyweight support from three former foreign secretaries and Tory and Labour MPs. A similar bill in the US is making progress towards Senate approval. Foreign Office officials hint there is some government will for a travel ban for corrupt officials – but it would have to be applied globally. For the moment the emphasis with Russia is on business matters – Russia is Britain's third biggest trading partner.

»According to David Clark, a former adviser to Robin Cook and chair of the Russia Foundation, visa bans and asset freezes are one of the few levers Britain has in its dealings with Moscow. "They make Russian officials extremely angry,” Clark said. “They are scared by the idea because they love to go shopping in London. It isn't like old Soviet times, with everyone penned into an insular state and not able to travel. Kremlin bureaucrats are global now. And while they proclaim Russian nationalism, they regard themselves as global citizens.” Russian officials enjoyed “hobnobbing” in Britain, Clark said – which was also a place where Russia's elite offshores its money. He conceded, however, that there were obstacles towards taking a tougher line on Moscow, principally European disunity and dependency on Russian oil and gas. Clark singled out German and Italy, and to a lesser extent France, for their accommodating attitude towards Moscow, which saw “unilateralist commercial interests” placed above human rights. “You have to identify the point of vulnerability in Putin's system. There is a disconnect between this greater Russia chauvinism and Russian officials jetting around the place.”»

On-en-res-te-pan-tois…

Les diplomates russes, “pris de panique” à l’idée de ne plus faire “shopping in swinging’ London”, terrorisés à l’idée de perdre leur passeport universel de Global Citizen dispensé par le département d’État et le Foreign Office ! Extraordinaire tactique élaborée dans ses moindres détails, jusqu’aux magasins londoniens concernés, subtile stratégie de force fort bien pensée, dans ses nuances les plus grotesques ! C’est rarissime, cette rencontre d’une si pompeuse affirmation concernant l’élaboration concertée d’une politique du plus haut niveau, affichant l’intention d’une pression directe indécente et accouchant, pour ce faire, de la possibilité de mesures d’une telle grotesque dérision, presque enfantine et infantile c’est selon, montrant un tel mépris arrogant et aveugle pour la puissance qu’elle concerne en étalant la débilité remarquable et presque élégante, très british en un sens, de la psychologie concernée (the “big foreign ministries of the world” se réunissant, à Downing Street de préférence, pour interdire à la direction russe de faire “shopping in swinging’ London”). Ce n’est plus acheter un veto russe à l’ONU au prix soldé de $5 milliards mais au prix des soldes chez Harrod’s, pour acheter son Burberry saisonnier.

…Non, ce n’est pas rarissime, c’est absolument inédit dans l’essence même de la psychologie du bloc BAO, par la position que ce phénomène occupe dans la psychologie, pour influencer toute la psychologie, et donc jugement, décision et action engendrés par la “raison” (ou ce qu’il en reste, c’est-à-dire une raison subvertie à 150% et, par conséquent, invertie à 200%). On n’arrête pas le Progrès. L’élection de Poutine, malgré son interdiction votée à l’unanimité par le bloc BAO, a certainement provoqué un “saut quantitatif” tel qu’il en devient “qualitatif” négativement, vers le bas, vers la dissolution décisive de tout élément qualitatif. La psychologie américaniste est devenue effectivement celle du bloc BAO, et s’impose comme une psychologie-Système caractérisée par ses deux piliers : l’inculpabilité, ou la certitude dans tous les cas concevables, et quels que soient les jugements émis, les actes posés, les sentiments affichés, d’avoir raison et de représenter la conception indiscutablement et inéluctablement “juste”, dans les deux sens du mot (politiquement et moralement) ; l’indéfectibilité, comme complément du précédent, c’est-à-dire la certitude de toujours l’emporter, de toujours obtenir la victoire, de tenir comme inconcevable la défaite même lorsque défaite il y a, de transformer la défaite en victoire lorsque défaite il y a eu… Et ces deux caractères fondamentaux, ancrés dans la psychologie (de façon inconsciente), et même devenus la seule substance de la psychologie jusqu’à en être l’essence, et orientant systématiquement la raison et son jugement pour décider et agir dans ce sens, et donc devenant essence de toute pensée. (Essence catastrophique si l'idée est concevable, cela va sans dire, puisque décisions et actes sont posés dans le cadre d'une réalité qui n'existe pas, dans un dernier et colossal vestige d'un virtualisme agonisant, emprisonnant totalement la psychologie des seules directions politiques du bloc BAO.)

Après la victoire décisive de Poutine interprétée d’une façon surréaliste comme la preuve que ses manigances et ses jugements (du bloc BAO) sur la Russie et Poutine sont justifiés et confirmés décisivement, le bloc BAO attend de la Russie un alignement décisif sur sa politique. Les Russes et Poutine n’en reviendront pas, n’en reviennent pas déjà, et se frottent les yeux, se demandant s’ils ne rêvent pas. “Nous voudrions appeler nos partenaires européens et américains à ne pas prendre leurs désirs pour des réalités” ; peine perdue, certes ; et la rupture totale entre les deux planètes (on ne peut qualifier cette soupe de difficulté de communication, lorsqu’on parle à une schizophrénie-turbo de cette sorte) va se confirmer, se creuser. L’idée que le bloc BAO cherche un “régime change” en Russie, comme une agression permanente, est désormais en voie d’être acceptée à Moscou comme un jugement évident, une donnée “objective” fondamentale. (Panarine : «This has become especially apparent since the Libya affair, when NATO allies established a very dangerous precedent for intervening in sovereign nations and sowing chaos. Today, we are seeing the same scenario played out in Syria. Where should we expect it next – in China, India or Russia?»)… La politique russe se poursuivra, s’accentuera, se renforcera terriblement, très vite, et le bloc BAO va découvrir, horrifié, très vite, dans les semaines à venir, une Russie de Poutine-2 selon ses pires cauchemars, ceux qu’on ne parvient même pas à en faire tant ils semblent incongrus. L’affrontement est en très bonne voie, et sur sa voie-express. Comme Obama dit à propos de la chute d’Assad, et très à propos en vérité, – ce n’est pas une question de “si” mais une question de “quand”. “A très vite”, comme l'on dit dans nos temps présents...


Mis en ligne le 7 mars 2012 à 06H16