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1252On connaît désormais l’existence d’un puissant parti de “négationnistes” de la thèse de l’Iran comme instigateur d’un nouvel Holocauste des juifs (d’Israël) au travers de son projet supposé, et nullement prouvé, de production d’une arme nucléaire comme moyen de cet Holocauste. Dans ce “parti des négationnistes”, on trouve nombre de chefs récemment à la retraite de divers services de sécurité nationale en Israël. L’incontestable meneur en est Meir Dagan, ancien chef du Mossad jusqu’à septembre dernier. Demain dimanche, la chaîne de télévision CBS recevra Dagan comme invité de son émission 60 Minutes. Des extraits de cette interview ont déjà été publiés par CBS.News, le 8 mars 2012.
«The former head of Israel's intelligence service believes the Iranian regime is a rational one and even its president, Mahmoud Ahmadinejad - who has called for Israel to be annihilated - acts in a somewhat rational way when it comes to Iran's nuclear ambitions. While the possibility of a nuclear-armed Iran becomes an election year issue, ex-Mossad Chief Meir Dagan sits down with Lesley Stahl to discuss the Iranian nuclear program and stress that now is not the time to attack it. The 60 Minutes interview will be broadcast Sunday, March 11 at 7 p.m. ET/PT.
»“The regime in Iran is a very rational one,” says the former top Israeli spymaster. And President Ahmadinejad? “The answer is yes,” he replies, but “not exactly our rational, but I think he is rational,” Dagan tells Stahl. It's a different kind of rational says Dagan, not rational in the Western-thinking sense. “But no doubt, they are considering all the implications of their actions ... They will have to pay dearly ... and I think the Iranians at this point in time are ... very careful on the project,” says Dagan. “They are not running.”»
Dagan aborde dans ces extraits de son interview un des aspects fondamentaux du débat sans fin, – qui est une crise en soi, finalement, – à propos de l’opportunité d’une attaque contre l’Iran. Il s’agit d’un aspect psychologique, qui concerne la “rationalité” de la direction iranienne. On a récemment développé cet aspect, à la suite d’une remarque du général Dempsey, président du Joint Chief of Staff US (voir le 23 février 2012) et, il y a beaucoup plus longtemps, à propos d’une remarque du général Abizaid (voir le 19 septembre 2007). On a déjà mis en évidence l’importance de cette question de la “rationalité” de la direction iranienne, dans la mesure où la réponse négative (“irrationalité” de cette direction) sous-tend l’argument émotionnel, ou plutôt la narrative hyper-émotionnelle des jusqu’auboutistes type-Netanyahou qui veulent la destruction du nucléaire iranien selon l’argument que l’Iran, irrationnel certes en plus d’être le Mal incarné, – mais ceci allant avec cela dans un rapport de cause à effet, évidemment, – veut fabriquer la Bombe pour anéantir Israël dans un Holocauste-2. Là-dessus s’enchaîne l’habituel processus de terrorisme psychologique du bloc BAO concernant la “mémoire” du premier Holocauste. L’argument de Netanyahou sur l’irrationalité iranienne doit d’autant plus être pris au sérieux qu’il vient d’un homme dont on peut justement soupçonner que sa démarche intellectuelle répond elle-même à une complète irrationalité, d’origine religieuse. Pour compléter le dossier dans le même sens, on sait que cette narrative est notamment construite sur des traductions faussaires d’au moins une déclaration du président iranien Ahmadinejad à qui l’on a fait dire ce qu’il n’a pas dit (“rayer Israël de la carte”).
On fera trois observations fondamentales à propos de cet interview de Dagan sur la chaîne CBS, où il apparaît effectivement qu’il avance cet argument de la rationalité de la direction iranienne.
• Le fait que Dagan aborde, d’une façon si spectaculaire, la question de la nécessité d’une attaque au moins immédiate contre l’Iran pour la démentir au nom de ce qu’il juge être la rationalité des dirigeants iraniens, est, bien entendu, en soi, un point fondamental, presque le pivot de la réflexion fondamentale de la crise. Il ne faut pas se dissimuler qu’il s’agit d’un argument décisif également dans ses implications générales, parce qu’il signifie qu’on peut “parler” avec les Iraniens d’une façon générale, et donc qu’on peut “parler” bien au delà de négociations portant sur leur propre et seul nucléaire. Cette idée qui n’implique aucune restriction peut conduire aussi bien à l’acceptation d’un Iran nucléaire ou à l’idée d’une zone dénucléarisée, où Israël devrait abandonner son propre nucléaire, car ces deux démarches sont le fait évident de la rationalité appliquée au phénomène nucléaire, aux concepts de dissuasion et de dénucléarisation, lesquels excluent tout parti pris pour admettre que le problème nucléaire doit être apprécié en tant que tel, justement par la seule raison, en dehors de toute idéologie. Dans ce cas, rien n’interdit plus de s’entendre avec les Iraniens, de toutes les façons possibles.
• Le lieu, les circonstances de cette intervention de Dagan sont extrêmement importants. L’émission 60 Minutes de CBS est très largement suivie, au niveau national aux USA. Cela signifie que Dagan s’adresse à une audience maximale aux USA même, et à Washington par conséquent, pour tous les représentants de l’establishment. Il intervient en contradiction directe du fondement émotionnel et psychologique de tous les arguments et pressions de l’AIPAC (The Lobby, ou lobby israélien et likoudiste à Washington), notamment au Congrès ; il démolit toute la narrative sur laquelle est construite l’action de l’AIPAC, et sur laquelle repose l’influence extraordinairement puissante de L’AIPAC sur le Congrès. D’autre part, sa position d’ancien dirigeant du Mossad, dont la réputation est bien connue, met Dagan à l’abri de tout soupçon de complaisance pour l’Iran, de trahison de la cause israélienne. Son intervention représente alors un événement majeur par rapport au soutien aveugle de l’establishment washingtonien, et surtout du Congrès, aux thèses extrémistes de Netanyahou. Accessoirement, puisque effectivement l’opinion publique compte assez peu dans ce débat, aux USA, son intervention va tout de même contribuer notablement à renforcer la tendance hostile à une attaque contre l’Iran. On peut envisager que l’administration Obama et le Pentagone, qui n’ont guère de goût pour une guerre de cette importance, ont favorisé l’apparition de Dagan dans le programme de la CBS, et qu’à l’inverse l’AIPAC a du se battre de toutes ses forces pour l’empêcher.
• Dans le reste de son interview, ou des extraits déjà publiés, Dagan insiste sur un autre aspect du problème envisagé, savoir que le problème du nucléaire iranien n’est pas un problème pour Israël mais un problème pour la communauté internationale. D’où son argument qu’il n’y a aucune raison qu’Israël se charge de l’attaque, si attaque il doit y avoir ; que dans ce cas, il préfèrerait, lui, Dagan, que ce soit les USA qui s’en chargent, ce qui ne va pas nécessairement enchanter le Pentagone, ni d’autres centres de pression, ni le public US… Selon cette logique, par ailleurs, Dagan implique que c’est à la communauté internationale de juger de la nécessité d’une attaque, et nullement au premier ministre israélien. Cela contribue à encore plus à isoler Netanyahou, et à ouvrir encore plus les perspectives évoquées ci-dessus de ce qu’on peut faire avec une direction iranienne, au contraire de l’argumentation permanente de la direction Netanyahou, – dont on jugerait alors que c’est elle, et non la direction iranienne, qui est “irrationnelle”
Mis en ligne le 10 mars 2012 à 11H31
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