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5018La grande société aérospatiale Boeing, la première du monde par sa puissance, par sa surface financière, par ses activités tant civiles que militaires, par sa puissance à l’exportation (la première des USA), se trouve, comme l’écrit “The Moon of Alabama”(Texte ci-dessous, traduit par Le Sakerfrancophone), « au bord de la faillite ». L’impensable (“unthinkable”) peut désormais être écrit en toutes lettres. La chute de ce conglomérat qui est une des plus grandes réussites de l’industrie américaniste, et dont la production est toujours à la pointe des nécessités du marché, n’est donc pas une question de conjoncture, de circonstances de marchés. Elle doit tout à son comportement intérieur, à la perte complète de toutes les vertus qui ont justifié sa réussite :
• une gestion catastrophique, passée de l’ingénieurerie et de la conception des machines volantes à l’“art”-bidon de la finance, la pratique des magouilles et escroqueries, l’invasion de la société et de tout le domaine de transport aérien par l’esprit de Wall Street dans une perspective d’effondrement ;
• une corruption complète, tant de ses fournisseurs et de ses juges des capacités de ses produits, que de la société elle-même par elle-même ;
• une arrogance sans limites ni bornes raisonnables, un véritable hybris transformé en une certaine façon de se voir au-dessus de tous (tous ses concurrents, toutes les autorités, toute sa clientèle, toute sa production).
• En un mot, Boeing, de ce qu’il fut principalement jusqu’aux années 1980 au moment où commença sa dégradation du fait de l’arrivée d’Airbus comme prétendant à la concurrence au plus haut niveau, qui n’a cessé de chuter ensuite dans sa structure psychologique et morale, en est arrivé à une parfaite représentation de l’Amérique en cours d’effondrement pour l’industrie aérospatiale ; Boeing représentant sans aucun doute le principal des “bijoux de la famille”, fabriquant de produits finis d’une superbe puissance technologique, diamant éblouissant de la couronne d’hyperpuissance dont les USA avaient pris l’habitude de se ceindre.
C’est donc tout cela qui est parti sur le chemin de l’effondrement. Le texte de MoA nous donne l’occasion d’aborder la crise-Boeing en fournissant les dernières trouvailles catastrophiques des investigations sur la situation de Boeing, et notamment ses catastrophiques manœuvres financières. On, pourrait dire que Boeing est frappé d’une pandémie, puisque l’on parle tant de cela et que Boeing, par son inimaginable ampleur d’une puissance autant extérieure qu’intérieure, est véritablement globalisé. Sa pandémie est caractérisée par une véritable addiction à des pratiques catastrophiques, sans aucune capacité de mise en cause, d’autocritique. Depuis exactement un an où s’est produit le deuxième crash du 737Max, et où la crise a commencé, non seulement rien n’a changé dans l’esprit de la direction mais tout s’est aggravé et les méthodes corrompues et faussaires n’ont fait qu’être poursuivies sans la moindre correction, mais bien au contraire en les accentuant, – surpuissance-autodestruction, comme on s’en doute...
Il s’ensuit par conséquent que tout semble se mettre en place pour l’effondrement définitif de Boeing, ce qui constituerait un événement économique, technologique, commercial, financier, – et surtout un événement symbolique terrible et catastrophique.
Ce qui est remarquable avec le cas-Boeing, c’est,
d’une part sa similitude d’évolution presque à l’identique avec les Etats-Unis américanistes, dans les activités de la corruption, du simulacre, de l’hybris d’une sorte de certitude d’hyperpuissance renvoyant aux caractères psychologiques spécifiques de l’américanisme, de l’inculpabilité et de l’indéfectibilité, du technologisme poussé jusqu’à sa décadence catastrophique, de la financiarisation poussée à l’extrême catastrophique du pourrissement, etc. ;
d’autre part, le fait que la venue à maturité de cette crise, après avoir éclaté il y a un ans, avoir subi diverses tentatives d’obstruction, de dissimulation, se réalise au moment où la crise Covid-19 arrive à maturité dans les pays du bloc-BAO et déclenche d’autres crises considérables, dont particulièrement celle des transports aériens qui concerne par conséquent, particulièrement Boeing, et rend encore plus aléatoire un très improbable rétablissement en faisant là aussi de Boeing la référence d’une autre crise du type sectoriel.
De cette façon, la crise de Boeing, sa possible disparition désormais envisageable, se place dans un contexte catastrophique extraordinaire et peut désormais être considérée à la fois comme un symbole et comme une référence dans le cadre de ce que nous jugeons être la Grande Crise d’Effondrement du Système (GCES), donc symbole et référence de la CGES elle-même.
(Il faut ajouter pour disposer d’un dossier plus complet mais sanbs réelle surprise, que les performances de Boeing en matière militaire sont également très problématiques. Les aventures du nouveau ravitailleur en vol Boeing KC-46A Pegasus [quatre ans de retard depuis sa sélection en 2011] sont tout simplement surréalistes en raison du laisser-aller et de l’amateurisme dans la fabrication de l’avion qu’elles impliquent, comme ont pu le constater les équipes de l’USAF à la réception récente des deux premiers exemplaires.)
La question qui se pose aujourd’hui, désormais d’une façon très rationnelle, est donc bien celle de la survie de Boeing, dont il est de plus en plus probable qu’elle ne pourrait se faire qu’au travers de l’intervention du gouvernement fédéral, dans des conditions très complexes pour les USA où l’idée même de nationalisation est absolument inenvisageable. C’est dire si nous pouvons reprendre ce que nous écrivions le 23 janvier 2020 en aggravant encore la conclusion en fonction de l’extrême gravité, non seulement de la situation de Boeing, mais de la situation des USA et de la situation du Système :
« Cette “solitude de Boeing”, qui répond à sa responsabilité dans la situation où ses pratiques irresponsables l’ont mise, se mesure essentiellement au risque que la crise fait courir à l’économie de l’américanisme. Comme nous l’avons déjà rappelé, le facteur psychologique est essentiel, dans ce cas par un effet d’entraînement catastrophique ; non seulement la masse brute en crise du géant industriel qu’est Boeing interfère sur cette situation économique et bien entendu sur les exportations, mais également la dynamique et l’effet catastrophique d’entraînement en cas d’aggravation de la situation. Dans notre citation de ce rappel que nous faisions en mars 2019, il y avait l’évocation d’un précédent que l’histoire officielle ignore généralement :
» “Or, il ne s’agit pas que de Boeing, il s’agit de bien plus que de Boeing…
» “Un rappel d’abord, selon cet axiome qui nous gouverne, selon lequel il faut tenir compte de tous les facteurs, y compris et même d’abord, avant tous les autres, du facteur psychologique. Dans un des textes de la rubrique ‘Glossaire.dde’ sur le moment historique fondamental selon nous du ‘Trou noir du XXème siècle’ (1945-1948), nous avons rapporté comment en 1946-1948, l’industrie aéronautique US avait failli s’effondrer, comment elle avait été sauvée de justesse par le gouvernement US et ses commandes militaires après l’interprétation-simulacre par l’américanisme, par Forrestal (Pentagone) et par Marshall (département d’Etat) du “coup de Prague” du 27 février 1948. L’intervention gouvernementale, bien entendu complètement en opposition aux pratiques capitalistes, – What else ? –fut accomplie pour la raison essentielle que cet effondrement imminent de l'industrie aéronautique risquait d’entraîner les USA dans une nouvelle Grande Dépression essentiellement par l’effet psychologique. L’enjeu est considérable et de cet ordre, aujourd’hui avec Boeing, – beaucoup plus psychologique, presque magique si l’on évoque la puissance et l’écho du nom de Boeing, que par les simples calculettes et graphiques des comptables-économistes.”
» Aujourd’hui, la situation est bien entendu complètement différente (l’industrie aérospatiale s’est intégrée en un très petit nombre d’entités, dont les deux géants Boeing et Lockheed-Martin). Il n’est pas dit que la puissance publique pourrait intervenir de la même façon, ni qu’elle le pourrait par ses moyens propres, ni qu’elle y parviendrait dans l’imbroglio ainsi créé : si le programme 737 Max est réellement pourri, rien ne pourra le sauver au stade de développement où il en est, et si le programme 737 Max s’effondre il sera très difficile de sauver Boeing... Au reste et d’ici là, selon ce scénario-catastrophe, la situation catastrophique sera passée de Boeing seul à l’ensemble de l’industrie, c’est-à-dire de l’économie du système de l’américanisme. »
Ci-dessous, le constat fait par The Moon of Alabama (traduction du Sakerfrancophone) de la situation actuelle de Boeing...
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En plus des dommages que la politique de « valeur actionnariale », cupide et irresponsable, a causé chez Boeing, viennent désormais s’ajouter les effets d’une pandémie, – le mot est de circonstance, – sans précédent.
Ensemble, ils pourraient bien marquer la fin d’une entreprise autrefois d’une formidable puissance.
Le 10 mars 2019, le vol 302 d’Ethiopian Airlines s’est écrasé peu de temps après son décollage à Addis-Abeba. Les 157 personnes à bord sont décédées. Il s’agissait du deuxième accident d’un Boeing737 MAX six mois après que le vol 610 de Lion Airs’était écrasé et avait tué les 189 personnes à bord.
Il y a exactement un an, Moon of Alabama a publié son premier article sur le MAX. À cette époque, tous les MAX étaient immobilisés, sauf aux États-Unis. Nous avons décrit la mauvaise mise en œuvre par Boeingdu système d’augmentation des caractéristiques de manœuvre de l’avion (MCAS) en concluant :
« Aujourd’hui, le cours de l'action de Boeinga chuté de 7,5%. Je doute que cela soit suffisant pour refléter les problèmes de responsabilité à résoudre. Chaque compagnie aérienne qui doit maintenant immobiliser ses avions demandera une compensation. Plus de 330 personnes sont mortes et leurs familles méritent réparation. Les commandes de 737 MAX seront annulées car les passagers éviteront ce type d'appareil.
» Boeingrésoudra le problème MCAS en utilisant plus de capteurs ou en changeant autrement les procédures. Mais le plus gros problème pour l'industrie aéronautique américaine pourrait être les dommages causés à la réputation de l’organisme de certification FAA. Si la FAA est considérée à l’échelle internationale comme une agence de lobbying pour l’industrie aéronautique américaine, elle ne sera plus digne de confiance et l’industrie en souffrira. Il faudra exécuter les futurs processus de certification à travers une jungle d’agences étrangères hostiles à Boeing.
» Le Congrès devrait aborder la question de la FAA et demander pourquoi elle a échoué. »
Le MAX a été développé et construit le moins cher possible, et pas le plus sûr possible. Sa direction n’avait qu’une seule idée en tête : le cours de l’action de Boeinget sa soi-disant valeur actionnariale.
Tous les avions MAX, les 400 qui existaient à l’époque et les 400 construits depuis sont toujours au sol. Les rapports d’enquête sur les accidents pour le vol Lion Airet le jet éthiopien (pdf) indiquent clairement que la mise en œuvre du MCAS de Boeing, pas cher mais grossièrement inepte, était la cause première des deux accidents.
Un correctif raisonnable pour le MCAS, qui avait été promis pour la première fois en avril 2019, ne fonctionne toujours pas. Une recertification du type est repoussée pour des mois. Après la pression du régulateur européen, l’AESA, des correctifs supplémentaires devront être appliqués aux faisceaux de câbles sous le cockpit qui, en cas de court-circuit, pourraient provoquer un nouvel accident fatal.
Il y a encore des dizaines de procès ouverts et d’enquêtes criminelles contre Boeing, qui devra payer encore plus de milliards de dollars pour les compensations.
Au cours des deux premiers mois de cette année, le total des commandes nettes d’avions commerciaux Boeinga été négatif. Il y a eu 25 annulations de plus, ou conversions de plusieurs commandes MAX en un nombre inférieur de B787, que le total des nouvelles commandes ne compense pas. Dans le même temps, son concurrent Airbus a remporté des commandes nettes pour 274 avions commerciaux.
Depuis un an, le cours de l’action de Boeingest passé de $440 en février 2019 à $160 au cours d’ouverture d’aujourd’hui. L’entreprise a un grave problème de trésorerie. Elle utilise désormais toutes ses lignes de crédit auprès de ses banques [un peu plus de $13 milliards]. Elle réduit toutes les dépenses non critiques, a institué un gel des embauches et limité les heures supplémentaires.
Le transport aérien commercial n’est pas la seule partie de Boeingqui soit en grande difficulté. Ses programmes militaires et spatiaux ont des problèmes similaires.
La cause profonde de tout cela est l’obsession de la valeur actionnariale chez Boeing :
« Cette folle ruée vers l'argent et l’envie existentielle de “conserver la trésorerie dans les périodes difficiles”surviennent après que le maître de l'ingénierie financière, – plutôt que de l’ingénierie aéronautique, — a ventilé, gaspillé et incinéré 43,4 milliards de dollars en rachetant ses propres actions, de juin 2013 jusqu'au moment où les conséquences financières des deux crashs du 737 MAX ont finalement contraint l'entreprise à mettre fin à la pratique. Ces 43,3 milliards de dollars seraient très utiles en ce moment.
» Le seul objectif des rachats d'actions est de gonfler le cours de l'action car ils font de l'entreprise elle-même le plus gros acheteur de ses propres actions. Mais ces 43 milliards de dollars de rachats d'actions ont été payés cash par l'entreprise. Maintenant, ces rachats ont cessé parce que Boeinga besoin de chaque centime de cash pour rester vivant en disposant de liquidités, et les actionnaires, qui aimaient tant ces rachats d’actions, sont maintenant catastrophés par les dommages que ceux-ci ont causé à la situation financière de Boeing. »
Le nouveau PDG de Boeing, David Calhoun, qui faisait partie du conseil d’administration de Boeing depuis dix ans avant de prendre ses fonctions, ne comprend toujours pas. Lors d’un appel aux médias en janvier, il n’a manifesté aucun changement d’opinion :
« Calhoun a déclaré que rien ne clochait chez Boeing. C'est juste que les pilotes étrangers sont incompétents, que les employés de Boeing manquent de pratique et que ses clients n'ont aucune idée de quoi ils parlent. La sécurité, dit-il, n'est qu'une condition préalable à la valeur actionnariale, et non une valeur en soi. Les dividendes doivent continuer à couler, même lorsque cela nécessite que l'entreprise s'endette davantage. Boeingn'a pas à développer de nouveaux avions car l'adaptation de ses anciens appareils permet d'affronter la concurrence. Calhoun souhaite également rester dans sa nouvelle fonction aussi longtemps que possible, même s’il n’a pas la compétence pour la remplir.
» En bref, – Calhoun a dit toutes les âneries à sa disposition, sans en omettre aucune. »
Dans une récente interview avec le New York Times, Calhoun a accusé son prédécesseur pour les problèmes de Boeing :
« Dans une longue interview cette semaine, M. Calhoun a critiqué son prédécesseur en termes sévères et a déclaré qu'il se concentrait maintenant sur la transformation de la culture interne de l'entreprise enlisée dans la crise après que deux accidents ont tué 346 personnes...
» Avant de devenir directeur général, il avait vigoureusement défendu M. Muilenburg, son prédécesseur, affirmant lors d'une apparition à CNBC en novembre que M. Muilenburg “avait tout fait correctement” et ne devait pas démissionner. Un mois plus tard, le conseil d'administration a évincé M. Muilenburg et a annoncé que M. Calhoun était son remplaçant. »
Calhoun a été contraint de s’excuser après son attaque contre son prédécesseur. Il doit encore s’excuser d’avoir blâmé à nouveau les pilotes étrangers pour avoir écrasé les avions mal conçus de Boeing :
« Lors de la conception du MAX, la société a commis une “erreur fatale”en supposant que les pilotes compenseraient immédiatement la défaillance d'un nouveau logiciel dans l'avion qui a joué un rôle dans les accidents de Lion Airetd’Ethiopian Airlines. Mais il a laissé entendre que les pilotes d'Indonésie et d'Éthiopie “là où les pilotes n'ont pas l'expérience qu'ils ont ici aux Etats-Unis”, faisaient également partie du problème.
» Lorsqu'on lui a demandé s'il pensait que les pilotes américains auraient été en mesure de gérer un dysfonctionnement du logiciel, M. Calhoun a demandé à répondre en dehors de l'interview. Le New York Timesa refusé de le faire.
» “Oubliez ça”, a ensuite déclaré M. Calhoun. “Vous pouvez deviner la réponse.” »
L’arrêt du transport aérien en raison de la pandémie de coronavirus entraînera la faillite de nombreuses compagnies aériennes. De nombreuses commandes de Boeinget d’Airbus seront annulées. Les voyages aériens mondiaux et les commandes de nouveaux avions prendront plusieurs années pour revenir au niveau d’avant la pandémie. Cinq travailleurs de la chaîne de production de gros porteurs de Boeingà Everett sont atteints de la maladie du coronavirus et la production devra peut-être être arrêtée.
La gestion cupide des années précédentes chez Boeinga amené l’entreprise, autrefois leader, au bord de la ruine. Suite à la pandémie, et à la dépression mondiale qu’elle provoquera, Boeingdevra demander un gigantesque plan de sauvetage du gouvernement ou faire faillite.