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1555Nous nous attachons à un aspect particulier du discours du 21 avril du secrétaire à la défense US Robert Gates, dont nous parlons par ailleurs
Boyd est le réformiste par excellence, un réformiste radical, ennemi de la bureaucratie et dont la carrière fut compromise par ses engagements réformistes. Boyd est cité neuf fois dans le discours, comme «[the] maverick thinker», avec un éloge appuyé et constant: «For the kinds of challenges America will face, the Armed Forces will need principled, creative, reform-minded leaders – men and women who, as Boyd put it, want to do something, not be somebody. An unconventional era of warfare requires unconventional thinkers.»
(On trouve sur le site Defense & The National Interest de nombreuses références à Boyd. D&NI est un site placé sous le patronage de Boyd, par certains de ses “compagnons de route” et certains de ses légataires. Un article de ce site, du 21 avril, s’attache au discours de Gates.)
Il est effectivement étonnant d’entendre un secrétaire à la défense se référer de façon aussi insistante à John Boyd, parce que Boyd, comme tous “les réformateurs” des années 1970-1980 qu’il inspira, fut en général détesté et mis à l’index au Pentagone. (Mais il est vrai que Boyd eut aussi droit aux honneurs militaires lors de ses funérailles, en 1996: les “réformistes” un tantinet révolutionnaires sont, une fois morts, applaudis à tout rompre par la bureaucratie. Histoire de s’assurer qu’ils sont bien morts.) De ce point de vue, par l’esprit du discours dont on pourrait penser qu’il se veut réformiste révolutionnaire, on pourrait rapprocher cette intervention de Gates de celle de Rumsfeld, le 10 septembre 2001. L’on constate donc qu’entre temps (entre 2001 et 2008) rien n’a changé. D’ailleurs, Robert McNamara en 1964 ou en 1965 aurait pu faire un discours de cette sorte, citant Boyd avant même qu’on le connaisse, et nous commenterions également: “L’on constate donc qu’entre temps rien n’a changé.”
Boyd fut l’homme dont les conceptions inspirèrent la création des avions (relativement) bon marché de la génération qui arrive à son terme de l’USAF, les F-16 et les A-10. Il était contre la sophistication, contre la confiance aveugle aux technologies nouvelles, contre les gros systèmes aux coûts exorbitants. (L’hommage de Gates est ainsi bien ambigu: s’il retrouve Boyd dans sa dénonciation des systèmes coûteux et inefficaces, il est moins sûr que son appel à l’emploi des technologies nouvelles, pour les UCAV et les UAV, lui corresponde quoi qu'il soit présenté sous les couleurs de l'audace novatrice et réformiste.)
Cette référence à Boyd est significative de l’état d’esprit d’urgence et de crise que nous tentons de décrire dans notre “F&C”. La référence à des personnages connus pour leurs conceptions maximalistes et quasiment révolutionnaires, quand elle vient d’un pouvoir constitué, est toujours l’indice d’un grand désarroi.
Mis en ligne le 23 avril 2008 à 13H05