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351Nous reprenons ici la présentation de l’article de Atimes.com de Chan Akya, que nous faisons ce 22 décembre 2010. Cet article présente divers éléments intéressants, dont certains peuvent ne pas emporter l’adhésion (qui peuvent d’ailleurs n’être que tactique). (Aux pays concernés, – Iran, Arabie, Australie, – nous aurions tendance à ajouter l’Inde, comme nous verrons plus loin…) Nous retenons trois éléments…
• L’Arabie Saoudite y est présentée comme le véritable danger (terrorisme, instabilité, etc.) au Moyen-Orient, non seulement à cause de son soutien aux groupes islamistes mais aussi à cause de la forme de son gouvernement.
• L’Iran, y compris l’Iran devenu puissance nucléaire, est décrit comme un facteur potentiellement stabilisateur dans la région, et nullement cet “Etat voyou” voué aux gémonies.
• Un câble diffusé par WikiLeaks révèle que l’Australie, pays proche des USA s’il en est, partage cette analyse selon laquelle l’Iran est un pays stabilisateur qu’il faut soutenir.
@PAYANT Est-ce une coïncidence si cette analyse en faveur de l’Iran suit de fort près une mise à jour d’un désaccord entre l’Inde, avec laquelle les USA voudraient absolument avoir des liens stratégiques forts, et ces mêmes USA, sur ce même sujet de l’Iran ? Les Indiens sont très proches de la position turque et donc en désaccord avec la politique anti-iranienne dure de Washington et du bloc américaniste-occidentaliste. (Est-ce une coïncidence, et si oui elle est bienheureuse, si le nom de l’auteur, Chan Akya, renvoie au “Machiavel” indien Chanakya ?) Le texte ajoute la mise en évidence de la position australienne détaillée dans un câble diffusé par WikiLeaks, qui est un puissant argument en faveur de la thèse détaillée par Chan Akya.
L’intérêt de la thèse, ou dans tous les cas son originalité paradoxale sans préjuger pour autant de sa vertu, est qu’elle défend l’Iran au nom des valeurs occidentales elles-mêmes. Cette habileté dialectique ou cette étrange perception idéologique est réalisée par simple antithèse, par rapport antagoniste avec l’Arabie qui est présentée non seulement comme le financier de l’islamisme “rétrograde” (du point de vue occidental) mais comme un régime lui-même “rétrograde” (du point de vue occidental) empêchant la modernisation du Moyen-Orient et suscitant le terrorisme chez des jeunes Saoudiens avides de s’occidentaliser… C’est une approche paradoxale qui mélange d’une façon contradictoire les thèses les plus anciennes des néo-conservateurs avec leur actuelle leur obsession anti-iranienne. A l’été 2002, les neocons estimaient que l’Arabie devait être l’objectif ultime et fondamental de la grande offensive de démocratisation des USA au Moyen-Orient, l’Iran n’occupant qu’une place assez annexe dans leurs préoccupations malgré les consignes implicites données dans le discours de janvier 2002 de GW Bush sur “l’axe du Mal”. A la suite de ces interventions neocons de l’été 2002, et par crainte effectivement qu’on parlât trop d’un antagonisme avec ce pays, l’Arabie disparaissait des écrans radar au nom du réalisme pétrolier des lobbies des grandes sociétés pétrolières US et autres, type-Halliburton, dont le vice-président Cheney était le principal relais à l’intérieur de l’administration GW Bush, tandis que l’Iran était installé à sa place privilégiée parmi les “méchants”. Les neocons avaient compris le message et l’Iran s’imposa dès lors comme une obsession majeure de leur pensée guerrière et conquérante, et également opportunément réaliste.
L’avalanche des câbles diplomatiques WikiLeaks a remis d’actualité certaines de ces contradictions piquantes. Désormais, l’Arabie est devenue la cible principale de Rush Limbaugh, l’animateur de radio qui est aussi l’un des inspirateurs principaux des conceptions idéologiques de la droite du parti républicain. La confirmation officielle du rôle de financier de l’Arabie pour les organisations terroristes islamistes a fait bien mauvais effet et, du coup, effectivement, le propos saoudien demandant qu’on “coupe la tête du serpent” iranien, qui avait été salué comme un signe de l’unanimisme des pays arabes contre l’Iran, peut aussi bien apparaître comme un complot du pays en question (l’Arabie) qui est le véritable soutien du terrorisme islamiste au Moyen-Orient. C’est à cette lumière que la thèse de Chan Akya en faveur de l’Iran prend toute sa valeur. L’Australie et l’Inde, notamment, qui ont des intérêts communs dans leurs zones respectives et craignent les efforts saoudiens de financement de certains mouvements islamistes ou la nucléarisation d’un pays comme l’Indonésie si un conflit éclatait au Moyen-Orient contre l’Iran à cause de son programme nucléaire, s’y retrouvent à l’aise. Ces visions sont par ailleurs très proches de celles de la Turquie et du Brésil. Du coup, le partage du monde entre l’Iran d’une part, et le reste du monde croulant sous la vertu américaniste d’autre part, a des difficultés à poursuivre sa route.
Cette sorte d’approche, qui rompt les schématisations manichéennes qui semblent être devenues le fondement de la pensée américaniste-occidentaliste sous l’empire du Système, est largement alimentée par l’apport fourni par Cablegate. Malgré les gémissements des diplomates, l’utilité de la chose est avérée. Ce qui compte en l’occurrence, ce n’est pas tant les nouvelles idées qui apparaissent que l’attaque qui est lancée contre l’emprisonnement de la pensée dans le carcan du Système.
Mis en ligne le 22 décembre 2010 à 11H15