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2297Nous présentons ici un texte typique d’un sentiment en cours d’affirmation que l’on nomme en général “révolte des élites”, – expression compréhensible renvoyant d’ailleurs à un livre du même titre, mais expression complètement faussaire car il s’agit des “élites-Systèmes”. Ce serait donc plutôt la “révolte des zombies-Système”, ou pour faire plus compliqué, plus glauque, plus boueux comme tout ce que nous propose le Système (mais l’expression ne durera que le temps de cet article, de son titre enfin..), – la “révolte des élites-zombies-Système”.
Le terme “élites” tel qu’il est employé en général dans les commentaires abordant actuellement ce thème est très fortement galvaudé jusqu’à l’inversion même. Le terme “élites” a d’habitude sa noblesse, sons sens de la responsabilité et de devoir, alors que ces “élites” constituent une “écume des poubelles” du Système (comme l’on dit “écume des jours”) ; ils tiennent effectivement le haut de l’ordure qu’on y entasse, la position la plus en vue, disons quasiment les privilégiés de la poubelle qui est en général le réceptacle où le Système loge les zombies qui sont à son service. (Mais on doit impérativement comprendre et accepter qu’on emploie le terme “élites” comme nous en faisons ici la critique, parce que ce terme tel qu’il est utilisé dit tout de même ce qu’il veut dire, parce que les choses telles qu’elles sont, notamment l’illégitimité et l’imposture de ces soi-disant “élites”, leur inculture, leur hébétude intellectuelle, sont largement connues et documentées jusqu’à l’obscénité.)
On pourra faire la différence que nous signalons avec quelques citations assez conséquentes. La première parle de ces “élites” qui, selon nous, n’en sont en rien, apparaît dans une oprésentation critique dans une interview de Jacques de Saint Victor, historien du droit et professeur des Universités (Paris XIII/CNAM). (Ses derniers ouvrages parus, Via Appia, Les Equateurs 2016, et Blasphème. Brève histoire d'un crime imaginaire, Gallimard et prix du livre d'histoire du Sénat, 2016.) Il est interrogé par Eléonore de Vulpillières, sur Figaro-Vox, le 28 juin. Il s’agit de la première question-réponse d’une interview intitulée : « Brexit : le splendide isolement des élites ».
Le Figaro : « A l'issue du référendum sur le Brexit, les partisans du camp du maintien ont réagi de diverses façons, allant de l'abattement à la combativité marquant leur attachement à l'Union européenne. Une pétition – comportant plusieurs centaines de fausses signatures – a atteint les 3 millions de signataires. Certains réclament l'indépendance de Londres membre de l'UE d'un Royaume-Uni hors UE. Comment analysez-vous ces réactions? »
Jacques de Saint Victor : « On peut penser dans un premier temps qu'il s'agit juste d'une réaction de mauvais perdants ou de désespoir d'une partie de l'élite urbaine, souvent jeune, qui se sent trahie par les campagnes, les vieux et les gens modestes. Il y a dans ce rejet de la démocratie une sorte d'illustration de ce que le grand penseur anglais, Christopher Lasch, appelait la “révolte des élites” (par opposition à la “révolte des masses” d'Ortega y Gasset). Dans ce livre très visionnaire, publié en 1995, Lasch notait que ce sont aujourd'hui les élites, et non plus les masses, qui vivent dans un splendide isolement, satisfaites d'elles-mêmes, rejetant tout ce qui échappe à leur bien-être personnel, coupées des réalités du monde commun qui les entoure. C'est la solidarité des surclasses globales qui, de Londres à Singapour ou Paris, sont indifférentes au sort de leurs voisins locaux. Elles ont développé une sorte d'irresponsabilité et d'immaturité qui les prive de toute forme de “sensibilité pour les grands devoirs historiques”, disait déjà Lasch. Lorsqu'elles sont confrontées à un retour brutal du réel, comme le résultat d'une consultation démocratique, elles n'hésitent pas à se déclarer contre la démocratie. Lasch soulignait d'ailleurs ce déclin du discours démocratique chez des “élites qui ne font que se parler à elles-mêmes”. »
Pour mieux faire ressentir la différence que nous signalons plus haut à propos du processus d’inversion qui s’est effectué avec le concept d’“élites”, et particulièrement aujourd’hui d’une façon criante sinon hurlante, nous mettons en évidence le phénomène, surtout en France, de véritables élites (les intellectuels), qui passent de plus en plus nettement du côté du peuple (“des masses”) contre les fausses élites. Ces vraies-élites avaient pourtant, depuis le déclin du communisme à partir des années 1960, de plus en plus nettement soutenu les pouvoirs social-démocrate et libéral en place, c’est-à-dire le Système. Cette situation est littéralement en train d’exploser.
Thibaut Isabel écrit dans Éléments n°160 de mai-juin 2016, dans un article consacré à Marcel Gauchet et à son dernier livre, Comprendre le malheur français : « Il se passe quelque chose d’historique dans la vie intellectuelle française, dont atteste le dernier livre de Marcel Gauchet. Le rédacteur en chef du Débat compte parmi les personnalités les plus influentes de la sphère éditoriale. Pilier de la maison Gallimard, directeur d’études à l’l’EHESS, il a ses entrées dans tous les médias, auprès de tous les politiques. Anarchiste dans sa jeunesse, il s’est vite rangé à une gauche réformiste, libérale et antiautoritaire. On le présente comme un “soutien critique” du parti socialiste. Seulement voilà, ce “gendre idéal” de la gauche, qui fête tout de même ses 70 ans, manifeste ouvertement son ras-le-bol contre le système politico-médiatique ! Déjà accusé en 2002 de faire partie des “néoréactionnaires”, il s’et retrouvé en 2014 au centre d’une polémique lors des “Rendez-vous de l »histoire“ de Blois, sous prétexte qu’il devait y proposer a leçon inaugurale sur le thèmes des “rebelles”. ‘Libération’ avait bien sûr largement relayé cette vaste opération de lynchage. [...]
» L’opinion est en train de changer. Les langues de délient. La rupture ne réside plus seulement entre le peuple et les élites, mais aussi entre les intellectuels et les médias. Le peuple et les intellectuels sont passés dans le même camp... »
Nous-mêmes enfin, le 10 mai 2016, indirectement dans le Journal dde.crisis de PhG, avions signalé cette évolution : « ...Disons que je me tiens au courant, et picore de-ci de-là ; notamment avec, sur la chaîne ‘Histoire’, l’émission ‘Historiquement Show’ : pas de polémique style-talk-show, pas de BHL mais un bon suivi de l’actualité, histoire et histoire des idées... Et voilà qu’une petite musique a sonné à mes oreilles.
» Pour faire court, cette impression de crise profonde arrivant à son point de basculement, fin d’un règne intellectuel qui a débouché sur les pires productions sociétales de la postmodernité, et dégradé le caractère français vers les culs de basse-fosse. (La grande intelligence française mise au service de la canaille de salon, pire production de l’asservissement au Système.) Ce commentaire de Jean-Pierre Le Goff, à propos de son livre ‘Malaise dans la démocratie’ : “On est à la fin de ce cycle historique... On voit très bien que les fractures sont là, qu’on ne peut plus continuer sur cette espèce d’hégémonisme de ce que j’ai appelé le gauchisme culturel qui est battu en brèche.. On ne voit pas forcément sur quoi tout cela va déboucher...” Dans cette émission si classique, qui paraît si apaisée et donc s’inscrirait selon le sens commun dans l’architecture du Système, le second invité, Jean-François Colosimo, présent dans l’émission sur Le Goff, a eu cette remarque venue comme naturellement : “Il y a Paul Yonnet, qui paiera quasiment de sa vie, il faut le dire, le fit d’avoir été le premier à dénoncer l’imposture de ‘SOS Racisme’ puisqu’il subira l’ostracisme de la gauche, le premier dans les années 1990. Il paye pour avoir dit la vérité...” A la question de savoir s’il existe en France une “police de la pensée”, tout le monde acquiesça. Tout cela est si inhabituel dans le fait de venir si naturellement, sans calcul ni arrière-pensée politique, qu’il s’agirait du signe d’une évolution significative des psychologies. »
Bien entendu et après ce long développement sur le rangement entre “élites”, avec la question de l’emploi dégénératif et inverti du terme, et “masses”, et la façon dont tout cela est beaucoup trop stéréotypé et se réfère à des modèles pervertis, nous proposons un autre rangement qui nous paraît à la fois plus simple, plus net et plus évident : entre Système (pro-Système ou zombie-Système) et antiSystème. Cet affrontement qui est ainsi décrit est bien entre les serviteurs du Système (“zombies”) d’une part, et d’autre part les antiSystème qui représentent un effectif fluctuant bien entendu, mais très largement dans le sens de la tendance d’une augmentation constante et d’activisme en pleine affirmation. L’utilisation des termes pro-Système et antiSystème permet ainsi d’éviter tous les quiproquos sur les qualités diverses des protagonistes, et notamment de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Les “élites“ aujourd’hui, c’est-à-dire ces pro-Système, sont politiquement et socialement la lie de la civilisation, ils sont psychologiquement les plus faibles et donc les plus corrompus, moralement les plus impuissantes, et totalement étrangers au concept de “liberté d’esprit“ qui implique l’indépendance, la responsabilité, la lucidité et le fermeté du jugement.
Nous sommes d’autant plus inclinés à les apprécier aussi sévèrement que nous nous gardons absolument de porter sur eux aucun jugement de condamnation de fond. L’on sait notre constante appréciation sur ce thème, inspiré de Plotin. (« Car on pourrait dès lors arriver à une notion du mal comme ce qui est non-mesure par rapport à la mesure, sans limite par rapport à la limite, absence de forme par rapport à ce qui produit la forme et déficience permanente par rapport à ce qui est suffisant en soi, toujours indéterminé, stable en aucun façon, affecté de toutes manières, insatiable, indigence totale. Et ces choses ne sont pas des accidents qui lui adviennent, mais elles constituent son essence en quelque sorte, et quelle que soit la partie de lui que tu pourrais voir, il est toutes ces choses. Mais les autres, ceux qui participeraient de lui et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi. »)
Notre jugement est que ces êtres sont d’abord et essentiellement des faibles dans le domaine de la psychologie, pauvres et bas dans le domaine de l’esprit par conséquent, pauvres et bas bien plus que des êtres mauvais, et souvent avec des capacités naturelles remarquables pour se mieux tenir à ce niveau. Ils font le Mal, travaillent pour le Mal, font du zèle pour le Mal, par la grâce invertie de la seule faiblesse de leur psychologie qui autorise tous les emprisonnements et toutes les illusions ; il est risible d’en faire des êtres mauvais comme s’ils étaient le diable, – le diable a tout de même une autre allure, – et ils sont souvent un peu “double”, avec un des côtés, souvent très marginalisé, qui mesure par instant l’absurdité, la subversion, l’inversion de leur comportement, – mais cela, certes, l’espace d’un instant...
Enfin, une dernière précision concerne la définition effectivement précise de la situation : s’il est question de “révolte [des élites-zombies-Système]”, il s’agit en fait, d’abord, d’une crise dans cette “classe” qui devrait être caractérisée comme “abrutie-dominante”. Si le Brexit a suscité tant d’incitations à ne plus tenir compte des “masses ignorantes” (voir ci-dessous) qui sont pourtant rejointes par des prestigieux intellectuels, il a surtout conduit à un formidable désordre chez les zombies-Système, avec des affrontements sévères entre dirigeants, hauts fonctionnaires de direction, au sein de l’UE comme on a pu le voir lors des sommets de ces derniers jours. Les “élites-zombies-Système” n’ont absolument rien de la noblesse et du sens de la solidarité et de la responsabilité des élites dans le sens initial, ce sont des arrivistes et des nouveaux-riches de l’élitisme de pacotille, en général choisis pour leur médiocrité, leur inexistence, leur corruption, leur arrogance méprisante, leur goût des privilèges, et en général pour leur sottise qui permet de supporter des œillères pour mieux faire fonction d’aveuglement ; par conséquent, il s’affronte comme des chiffonniers, comme des poissardes (le terme ne dépare pas chez Juncker), et leur “révolte” est donc bien d’accord une “crise”.
C’est ce que montre, sans le vouloir, le texte de James Traub sur Foreign Policy le 28 juin ; on y retrouve l’arrogance, la mépris des autres (des “masses”), une conception de l’élitisme réduit au merchandising et à l’hybris de bazar saupoudré de divers $milliards fraîchement tirés des imprimerie de la Fed, et tout le reste à l’avenant. (A noter, surtout : Traub est un fellow au Center on International Cooperation, et auteur bien entendu de l’habituel pensum historique-Système, indispensable sur le CV, – cette fois John Quincy Adams: Militant Spirit.) ZeroHedge.com, qui présente ce texte, précise, le 29 juin : « It appears the powers that be just are not going to take it anymore. Having mistakenly allowed the people of Britain to exercise their free will, Foreign Policy's James Traub exclaims, “It's time for the elites to rise up against the ignorant masses.” »
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I was born in 1954, and until now I would have said that the late 1960s was the greatest period of political convulsion I have lived through. Yet for all that the Vietnam War and the civil rights struggle changed American culture and reshaped political parties, in retrospect those wild storms look like the normal oscillations of a relatively stable political system. The present moment is different. Today’s citizen revolt — in the United States, Britain, and Europe — may upend politics as nothing else has in my lifetime.
In the late 1960s, elites were in disarray, as they are now — but back then they were fleeing from kids rebelling against their parents’ world; now the elites are fleeing from the parents. Extremism has gone mainstream. One of the most brazen features of the Brexit vote was the utter repudiation of the bankers and economists and Western heads of state who warned voters against the dangers of a split with the European Union. British Prime Minister David Cameron thought that voters would defer to the near-universal opinion of experts; that only shows how utterly he misjudged his own people.
Both the Conservative and the Labour parties in Britain are now in crisis. The British have had their day of reckoning; the American one looms. If Donald Trump loses, and loses badly (forgive me my reckless optimism, but I believe he will) the Republican Party may endure a historic split between its know-nothing base and its K Street/Chamber of Commerce leadership class. The Socialist government of France may face a similar fiasco in national elections next spring: Polls indicate that President François Hollande would not even make it to the final round of voting. Right-wing parties all over Europe are clamoring for an exit vote of their own.
Yes, it’s possible that all the political pieces will fly up into the air and settle down more or less where they were before, but the Brexit vote shows that shocking change isn’t very shocking anymore. Where, then, could those pieces end up? Europe is already pointing in one direction. In much of Europe, far-right nativist parties lead in the polls. So far, none has mustered a majority, though last month Norbert Hofer, the leader of Austria’s far-right Freedom Party, which traffics in Nazi symbolism, came within a hair of winning election as president. Mainstream parties of the left and right may increasingly combine forces to keep out the nationalists. This has already happened in Sweden, where a right-of-center party serves as the minority partner to the left-of-center government. If the Socialists in France do in fact lose the first round, they will almost certainly support the conservative Republicans against the far-right National Front.
Perhaps these informal coalitions can survive until the fever breaks. But the imperative of cohabitation could also lead to genuine realignment. That is, chunks of parties from the left and right of center could break away to form a different kind of center, defending pragmatism, meliorism, technical knowledge, and effective governance against the ideological forces gathering on both sides. It’s not hard to imagine the Republican Party in the United States — and perhaps the British Conservatives should Brexit go terribly wrong — losing control of the angry, nationalist rank and file and reconstituting themselves as the kind of Main Street, pro-business parties they were a generation ago, before their ideological zeal led them into a blind alley. That may be their only alternative to irrelevance.
The issue, at bottom, is globalization. Brexit, Trump, the National Front, and so on show that political elites have misjudged the depth of the anger at global forces and thus the demand that someone, somehow, restore the status quo ante. It may seem strange that the reaction has come today rather than immediately after the economic crisis of 2008, but the ebbing of the crisis has led to a new sense of stagnation. With prospects of flat growth in Europe and minimal income growth in the United States, voters are rebelling against their dismal long-term prospects. And globalization means culture as well as economics: Older people whose familiar world is vanishing beneath a welter of foreign tongues and multicultural celebrations are waving their fists at cosmopolitan elites. I was recently in Poland, where a far-right party appealing to nationalism and tradition has gained power despite years of undeniable prosperity under a centrist regime. Supporters use the same words again and again to explain their vote: “values and tradition.” They voted for Polishness against the modernity of Western Europe.
Perhaps politics will realign itself around the axis of globalization, with the fist-shakers on one side and the pragmatists on the other. The nationalists would win the loyalty of working-class and middle-class whites who see themselves as the defenders of sovereignty. The reformed center would include the beneficiaries of globalization and the poor and non-white and marginal citizens who recognize that the celebration of national identity excludes them.
Of course, mainstream parties of both the left and the right are trying to reach the angry nationalists. Sometimes this takes the form of gross truckling, as when Nicolas Sarkozy, who is seeking to regain France’s presidency, denounces the “tyranny of minorities” and invokes the “forever France” of an all-white past. From the left, Hillary Clinton has jettisoned her free-trade past to appeal to union members and others who want to protect national borders against the global market. But left and right disagree so deeply about how best to cushion the effects of globalization, and how to deal with the vast influx of refugees and migrants, that even the threat of extremism may not be enough to bring them to make common cause.
The schism we see opening before us is not just about policies, but about reality. The Brexit forces won because cynical leaders were prepared to cater to voters’ paranoia, lying to them about the dangers of immigration and the costs of membership in the EU. Some of those leaders have already begun to admit that they were lying. Donald Trump has, of course, set a new standard for disingenuousness and catering to voters’ fears, whether over immigration or foreign trade or anything else he can think of. The Republican Party, already rife with science-deniers and economic reality-deniers, has thrown itself into the embrace of a man who fabricates realities that ignorant people like to inhabit.
Did I say “ignorant”? Yes, I did. It is necessary to say that people are deluded and that the task of leadership is to un-delude them.
Is that “elitist”? Maybe it is; maybe we have become so inclined to celebrate the authenticity of all personal conviction that it is now elitist to believe in reason, expertise, and the lessons of history. If so, the party of accepting reality must be prepared to take on the party of denying reality, and its enablers among those who know better. If that is the coming realignment, we should embrace it.
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