La révolte du “monde réel”

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Le 9 février 2003 —

Jamais autant que ce week-end (mais des “jamais autant”, il va en pleuvoir tous les jours, ces prochains jours) n’est apparu le phénomène impressionnant de la rupture entre “le monde légal” et “le monde réel” (comme on parlait du “pays légal” et du “pays réel”). La rupture entre les dirigeants des pays d’Europe occidentale (et, à un degré moindre, des USA) et le reste de leurs nations est impressionnant : ils ont contre eux le peuple, les intellectuels, les experts, leurs service de renseignement (le MI6, las d’être manipulé, qui s’emploie à organiser ses propres “fuites”). D’ailleurs, si vous allez au fond des choses et si vous parlez à tel ou tel ministre au fond des yeux, vous serez édifié sur ses vrais sentiments. Cette rupture, en réalité, se fait entre la société dans son sens le plus large, européenne certes (en attendant les autres), et la machinerie mise en place pour la caporaliser (phénomène dont la cause et l’effet sont identifiés par nous par le néologisme virtualisme) ; entre un système quasiment mécanique, avec les quelques types (premiers ministre, président, leurs sous-fifres du service des communications, etc) restés à son service, et le reste.

(Il y aussi quelques exceptions où des gouvernements répondent à l’attente de leur nation, qui ne laissent pas de nous tenir dans un étonnement infini : l’Allemagne, par inattention et faiblesse ; la France, par incapacité totale et bienheureuse de rompre les racines de ses traditions spirituelles ; la Belgique, dont on ne parle pas assez et qui est le cas intéressant de la médiocrité d’un système qui peut se transmuter à l’occasion en héroïsme.)

Une rupture de cette ampleur est complètement stupéfiante, sans précédent, et extraordinairement volatile. C’est aussi la marque d’une situation mondiale (dans ce cas, Europe et USA font le monde) qui est révolutionnaire, mais d’une révolution d’un nouveau type, — la potentialité d’une révolte plutôt, un déchaînement dont on ignore la forme qu’il prendra contre un système qui s’appuie systématiquement (la répétition est nécessaire) sur le mensonge comme matériel courant et exclusif d’échange intellectuel, parce que le mensonge (sans appréciation morale) est la nature même du système virtualiste. La pantalonnade grotesque du rapport britannique “ultra-confidentiel”, qui est brandi comme « a nice piece » par un secrétaire d’État qui ferait bien de s’informer, qui se révèle être un plagiat minable fait par des sous-fifres de seconde zone, qui est dénoncé vite fait par un Internet contestataire au quart de tour, — voilà qui est un bon résumé de ces événements incroyables, du système qui les a suscités, et de la révolte que ce système est en train de provoquer.

Quant aux Américains, ils poursuivent, imperturbables, leur course délirante, avec God dans leur musette. Cas excellent du solide Donald Rumsfeld venu à Munich faire la leçon aux dirigeants européens tremblants d’effroi, — sauf la très élégante et distinguée ministre française de la Défense, illustration de la femme française qui ne mâche pas ses mots ; cas délirant de Rumsfeld nous annonçant qu’il a dans sa valise, ou même dans sa poche, « la plus importante coalition de l'Histoire », celle du jour dans tous les cas, disons la dernière édition rassemblée autour de la nation exceptionnelle, avec au moins 90 pays ; demain ce sera 150, et puis, après-demain, 325 ou 421 (ou 4-21 ?), tous les pays de l’ONU auxquels il faut ajouter ceux de l’OTAN, du Pacte de Varsovie, de l’UE vieille et de l’UE nouvelle, de la Société des Nations, du Saint-Empire Germanique (avant Schröder), de la Ligue Européenne de Football et de celle des Droits de l’Homme, sans oublier tous les autres, ceux qui se cachent sous le tapis, et puis tous les autres encore, ceux de la galaxie et d’ailleurs, identifiés par Hollywood, — tous ces pays venus se regrouper, frétillants d’excitation intellectuelle, derrière GW et son formidable combat du Bien contre le Mal.

Le 15 février, ils prévoient à Londres la plus grande manif depuis V-E Day (8 mai 1945). Antiwar, naturellement.Voilà qui serait churchilien, n’est-ce pas, Tony ?