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349Justin Raimondo, l’éditeur du site Antiwar.com, est un combattant et un adversaire acharné du War Party. Dans sa chronique du 3 août 2010, il s’attache à un essai d’analyse de la psychologie des membres du susdit War Party. Il cite l’exemple de deux se ses “chroniqueurs” assez courants et sans excessive notoriété, qu’on voit comme “consultants” sur les TV et radios habituelles, qui sont fort bien rétribués, et face auxquels Raimondo s’est trouvé au cours de deux émissions, à échanger des arguments contradictoires.
Le passage intéressant de l’article est celui où Raimondo fait une rapide description psychologique de ses adversaires, appuyée sur une réelle incompréhension de sa part…
«Which brings us to the question of: what do these people really believe? Is it all about cash for Nash and Simmons, or are they ideologues pursing their natural inclinations? This is a question, for me, because there was a curious lack of fervor in their arguments, at least insofar as I could see, a certain listlessness and an inability to mount a serious argument. It was as if they simply assumed imperialism and war as a self-evident premise, the way any predator assumes the law of the jungle: there was a kind of innocence in their bafflement at my and Judge Napolitano’s arguments, as if they genuinely could not conceive of a world where brute force did not reign supreme, and the rule of law trumped the law of the jungle.
»I don’t know about you, but I find this frightening: that some men can be so unreflective, so immersed in their own ideological and economic bubble, that rational arguments simply bounce off of them. They are immune to argument, unable and unwilling to understand…»
@PAYANT Il est extrêmement probable que Raimondo n’aurait pas écrit cela en 2002 ou en 2003, car il se trouvait alors devant des partisans du War Party autrement plus passionnés et enlevés. On en trouve encore, certes, mais beaucoup moins souvent, par ailleurs occupés à faire fructifier des affaires florissantes entre deux articles incitant à lancer une attaque contre l’Iran ; encore faudrait-il constater qu’un Kristoll ou qu’un Perle, aujourd’hui, apparaît notablement plus usé et, lui aussi, l’un ou l’autre, incontestablement “robotisé”.
C’est en effet le mot qui vient à l’esprit des notes rapides que fait Raimondo. (Ces notes sont d’autant plus intéressantes que Raimondo est un homme passionné. Il déclenche en général chez ses adversaires, et recherche chez eux, autant de passion qu’il en montre lui-même. C’est un polémiste, qui attire la polémique et qui trouve chez ses adversaires de la polémique au moindre propos. Les constats qu’il fait alors lui-même, dans le cas qui nous intéresse ici, sont d’autant plus significatifs. S’il a relevé cette robotisation, cette absence de passion, c’est que la réalité est notablement significative à cet égard.) Les membres du parti de la guerre se sont robotisés. Ils sont toujours aussi présents, toujours aussi influents en un sens, mais devenus standardisés, sans passion exprimée, sans intérêt pour l’argument et pour le débat, peut-être même sans intérêt réel pour la cause qu’ils plaident sur une position pourtant toujours imperturbablement aussi radicale qu’au premier jour («…a curious lack of fervor in their arguments, at least insofar as I could see, a certain listlessness and an inability to mount a serious argument»).
Il ne faut pas s’y méprendre. Ce n’est certainement pas que la cause de la guerre est devenue moins populaire dans le système de la communication, puisqu’il s’agit justement du système de la communication qui est un des deux piliers (avec le système du technologisme) de notre système général, – même s’il est désormais coutumier d’effets fratricides. Simplement, depuis 2001, le système a évolué, parce qu’il s’est incontestablement heurté à une réalité rétive au travers des multiples revers subis par la politique de l’“idéal de puissance”, alors qu’il avait lancé toute sa puissance, justement, dans une offensive finale. La réaction du système n’a nullement été, bien entendu, de tenir compte de ses revers, d’en tirer des leçons, de manœuvrer, de s’adapter ; sa réaction a été d’accentuer jusqu’à l’extrême, notamment chez les créatures qui le représentent, une attitude de répétition des mêmes arguments, de la même politique sans nuances, de plus en plus selon une standardisation robotisée de la psychologie, selon une conception quantitative de l’affirmation de la puissance et de la recherche de l’influence. Les soldats médiatiques richement rétribués du parti de la guerre ont de plus en plus été adaptés au moule standard, leur psychologie s’est de plus en plus fondue dans l’entropie de l’argument automatique du système. L’intérêt pour les nuances de la réalité, y compris quand elles peuvent être utilisées avantageusement, s’est complètement dissipé. Robotisation, c’est-à-dire la transformation de ces êtres humains, – puisqu’il s’agit toujours de cela, paraît-il, – en robots du parti de la guerre.
Le parti de la guerre, en l’occurrence, c’est selon notre terminologie la représentation au niveau du système de la communication de la politique de l’“idéal de puissance” qui s’est développée avec le système général dont nous étudions régulièrement le déchaînement depuis deux siècles (voir la rubrique La grâce de l’Histoire). L’état actuel de la psychologie jusqu’à la robotisation achevée représente le dernier stade, ou stade ultime, du développement de la politique de l’“idéal de la puissance”, entrée dans sa crise également terminale. Il n’est plus question de débattre avec les représentants du système, de les affronter, d’échanger des arguments, puisqu’il y en face de soi des représentations humaines robotisées de ce système de l’“idéal de la puissance”, cantonnées à la répétition bien huilée, effectivement sans passion ni conviction, sans ferveur aucune, du même discours et des mêmes arguments qu'on ne tente même plus de développer, de présenter d’une manière plus habile, plus efficace.
Ils sont certes toujours dans l’univers virtualiste du système, mais un univers virtualiste qui s’est figé, lui aussi désormais établi dans une sorte de marais entropique. Il n’y a plus aucune tentative de justifier le système et son univers virtualiste, ni d’en faire la promotion élaborée. Les robots en parlent comme quelque chose qui n’a pas besoin d’être démontré, expliqué, justifié, qui est parce qu’il est et que, bien évidemment, rien d’autre n’est concevable. De ce point de vue, s’il existe encore quelques esprits critiques, ils apprécieront que l’“argumentation” du parti de la guerre apparaît certes contre-productive, sans la moindre substance, pour ne pas parler de l’éventualité comique d’une existence essentielle. Mais ces “quelques esprits critiques” ont-ils le courage ou la force de se manifester encore ? Et, surtout, leur manifestation sert-elle objectivement à quelque chose ? Sans doute non, du point de vue de l’efficacité directe, face à cette puissance monolithique complètement fermée ; mais leur présence est absolument nécessaires pour des raisons plus indirectes… Leur présence, c’est-à-dire leur existence qui, par le fait même, impose une pression au système de l’“idéal de puissance” et du parti de la guerre, et, ainsi, accélère encore plus une robotisation qui est perçue comme la seule défense possible contre la force de la réalité, et qui représente objectivement une décadence prodigieusement rapide de ce même système. Bien entendu, la seule issue nécessaire et acceptable qu’on puisse attendre est l’autodestruction de ce système, effectivement probable désormais, au point de décadence et de déshumanisation qu’il a atteint, signifiant une extrême perversion de la psychologie et de la pensée, – c’est-à-dire de plus en plus d’erreurs, de plus en plus de lourdeur, de plus en plus de paralysie.
L’autodestruction en question ne se fera pas sans heurts, voire sans catastrophes, c’est une évidence. Mais aucun autre voie n’est possible : le système dans son état actuel n’est pas une chose qu’on peut vaincre (encore moins réformer !) mais qu’on doit aider à se détruire elle-même.
Mis en ligne le 4 août 2010 à 11H04
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