La Russie est-elle un ‘proxy’ ?

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La Russie est-elle un ‘proxy’ ?

• Une conférence (à Tallin), transmise avec retard, nous introduit dans la reconnaissance par une voix sur laquelle on peut compter pour refléter le sentiment du Système aux USA, que l’influence des USA dans le monde s’effondre. • Par des chemins bien tortueux qui nous en disent long sur la psychologie de l’Empire, Fiona Hill nous dit que la guerre menée par la Russie en Ukraine n’est rien de moins qu’une démonstration de la “rébellion du Reste du monde” contre le fardeau de l’hégémon US. • Ainsi la Russie est-elle mandatée (‘proxy’) pour nous en faire part.

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Nous sommes dans le cas d’une de ces interventions publiques qui semblerait avoir été freinée, – ou “accidentée” de la communication c’est selon, – avant de nous parvenir deux semaines après avoir été faite ; alors qu’elle représente une prise de position très significative pour la perception de la GrandeCrise et la situation des psychologies américanistes par rapport à ‘Ukrisis’. Il s’agit d’une conférence donnée le 13 mai 2023 à Tallin, en Estonie, par Fiona Hill, universitaire (Durham University) et ‘thinktanker’ (Brookings), qui a passé quelques années au National Security Council auprès de Bush, d’Obama puis de Trump, puis démissionnant et témoignant contre Trump en 2019, lors des auditions pour la première mise en accusation (refusée) de ce président. Fiona Hill est une spécialiste réputée de la Russie au sein de la bureaucratie de sécurité nationale. Quand elle parle, on sait qu’il y a un message important du système de l’américanisme.

Nous ne connaissons pas l’explication du retard entre la date de cette conférence (13 mai, lors d’une séance du Lennart Meri Lecture à Tallin) et sa diffusion publique dans la “sphère” de langage anglo-saxonne à partir du 26 mai à notre connaissance. Depuis, sans chercher désespérément et sans aucune intention d’exclusivité, nous avons retrouvé au moins trois occurrences “sérieuses” et documentées utilisant cette intervention : Daniel Kovalik, le 26 mai 2023 sur RT.com ; Glenn Greenwald sur son réseau Youtube, le 27 mai 2023, (reprendre à 29’10” sur la vidéo) ; James Billot, le 27 mai 2023 sur ‘Unherd’.

L’intérêt de l’intervention est qu’elle vient d’une encore récente haute fonctionnaire de la sécurité nationale, qui s’inscrit dans le courant majoritaire (un peu démocrate/‘neocon’) de la politiqueSystème, dans le système de l’américanisme (adversaire mesurée de Trump après l’avoir servi sans enthousiasme en restant à son poste) ; et que cette intervention admet explicitement, pour la première fois pour une (ex-)officielle du Système, qu’il y a une “rébellion” globale contre l’hégémonie des États-Unis s’exprimant au travers de la guerre menée par la Russie, et que cette hégémonie par conséquent se réduit comme peau de chagrin. On reprend deux extraits des trois interventions citées :

• Daniel Kovalik, le 26 mai 2023 sur RT.com :

« Dans une conférence intéressante donnée récemment à Tallinn, en Estonie, Fiona Hill, ancienne fonctionnaire de la Maison Blanche, a montré qu'au moins quelqu'un à Washington a suffisamment de conscience de soi pour voir ce qui se passe dans le monde.

» Hill a reconnu que le conflit en Ukraine avait déclenché une “rébellion globale par procuration” [“global ‘proxy rebellion’”], menée par la Russie, contre l’hégémonie américaine. C'est tout à fait vrai, comme beaucoup d'entre nous ont pu le constater dès le début de l'offensive militaire de Moscou, au printemps de l'année dernière. Mais ce retour de bâton est attendu depuis longtemps et les États-Unis l'ont provoqué par leurs propres actes. »

On retient l’expression de « “rébellion globale par procuration” [“global ‘proxy rebellion’”] », sur laquelle nous revenons plus loin.

• James Billot, le 27 mai 2023 sur ‘Unherd’.

« L’ancienne conseillère du président Donald Trump a déclaré que la Russie avait “intelligemment exploité une très forte résistance internationale” au leadership américain, en utilisant la guerre en Ukraine comme moyen de creuser un fossé entre l'Occident et “le Reste”. Hill a ensuite nié l'existence d’une guerre par procuration entre la Russie et l'Occident, mais plutôt “l’inverse, – une guerre par procuration pour une rébellion de la Russie et du ‘Reste’ contre les États-Unis”.

» La spécialiste de la Russie a noté que la guerre en Ukraine était la dernière d'une “longue série d'événements dramatiques depuis 2001” qui ont sapé le soutien aux États-Unis en tant qu'hégémon mondial. Citant la guerre contre le terrorisme, l’inaction au Yémen, les “interventions sélectives en Libye et en Syrie” ainsi que la crise financière de 2008 et l'élection de Donald Trump, Hill a déclaré que ces événements avaient “jeté un doute supplémentaire sur la capacité des États-Unis à exercer un leadership mondial”. “Malheureusement, comme l'avait prévu Oussama ben Laden, les réactions et les actions des États-Unis ont érodé leur position depuis les attaques terroristes dévastatrices du 11 septembre”, a-t-elle déclaré. La “lassitude de l'Amérique” et la désillusion quant à son rôle d'hégémon mondial sont largement répandues.

» En conséquence, l'Ukraine a souffert d'une “culpabilité par association pour avoir bénéficié du soutien direct des Etats-Unis”, car d'autres États considèrent le conflit à travers le prisme d'une rébellion par procuration. “La défense de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine se perd dans un marasme de scepticisme et de suspicion à l'égard des Etats-Unis”, a déclaré Hill.

» Lors d'une interview accordée au début de l'année, Mme Hill avait déclaré à ‘UnHerd’ que l’Occident “aurait dû mieux gérer les choses” en ce qui concerne la Russie, un thème qu'elle a développé lors de la conférence Lennart Meri. Reprochant à l'Occident de ne pas avoir consulté ses partenaires mondiaux sur sa réaction à l'invasion, l'ancienne fonctionnaire des Nations unies a déclaré que les élites non occidentales se demandaient pourquoi des sanctions avaient été mises en œuvre alors que “personne” n'avait sanctionné les États-Unis pour leur invasion de l'Afghanistan et de l'Irak. [Ces élites interrogent alors :] “Pourquoi devrait-on intervenir maintenant  [et condamner la Russie] ?” a encore expliqué Mme Hill. »

Un “chouette accent british”

Si l’on s’arrête à cette déclaration de Fiona Hill, c’est bien entendu en raison de ce qu’elle dit, mais aussi en raison de l’influence qu’elle exerce dans le monde stratégique anglo-saxon, et de l’interprète qu’elle se fait de facto (inconsciemment) d’un grand courant de pensée dans ces élites. On retrouve également toute l’ambiguïté du personnage dans la présentation qu’en fait son intervieweur de ‘Unheld’, Freddie Sayers, Britannique comme Hill, du même milieu des stratèges progressistes britanniques et des élites fabiennes. Cette ambiguïté se retrouve notamment dans ses relations avec Trump, dont elle fut la conseillère après avoir été celle de GW Bush et d’Obama (quel éclectisme !) avant d’être démise de ses fonctions par le même président contre lequel elle témoigna en 2019.

« Peu de personnes comprennent mieux que Fiona Hill les relations tendues entre l'Occident et la Russie. Née à Bishop Auckland, elle a étudié l'histoire et le russe à St Andrews avant d'obtenir une bourse d'études à Harvard qui l'a emmenée aux États-Unis. De là, Fiona Hill a rapidement gravi les échelons pour devenir l'une des plus grandes expertes de la Russie de Poutine, intégrée aux administrations de George W. Bush, de Barack Obama et, enfin, de Donald Trump.

» Puis, en 2019, elle a accédé à la célébrité internationale en tant que témoin vedette des premières audiences de destitution de Trump, ce qui a incité le président à la qualifier de “sorcière glaciale de l’État profond avec un chouette accent british”. »

On en sait d’ailleurs un peu plus sur Fiona Hill dans cette interview où l’on retrouve évidemment les grandes tendances de son intervention de Tallin, et par conséquent les grandes tendances du jugement anglo-saxon sur ‘Ukrisis’ et sur la Russie de Poutine, et sur le reste. Et alors, ceci expliquant cela, nous comprenons que nous sommes à l’heure où la guerre ne donne pas les effets attendus par les stratèges du Système,  en même temps qu’il doit commencer à être admis que l’influence et la popularité dans le monde des USA, donc de l’“anglosphère”, sont en très-sérieux déclin. Fiona Hill est là pour mener à bien la tâche délicate de nous en informer.

Nous allons laisser de côté la qualité et l’érudition du commentaire, – qui sont incontestables, jusqu’au brio et à une maîtrise admirables, – pour nous attarder à ce que nous jugeons pourtant être, complètement à l’inverse, des erreurs fondamentales et très profondes. C’est là tout l’intérêt de cette intervention, ces erreurs nous paraissant d’autant plus fondamentales sinon relever d’une faiblesse ontologique, qu’elles viennent d’une personne aussi “éclairée” et qu’elles nous paraissent absolument être involontaires (nullement d’une volonté de désinformation ou quoi que ce soit de consciemment accompli).

• On le voit dans un extrait cité par ‘Unherd’, mais en moins affirmé dans sa contradiction que dans l’interview de février. Il s’agit du passage où elle s’étonne que les pays qu’elle juge aujourd’hui opposés à l’hégémonie US semblent estimer que la Russie bénéficie  d’une sorte de faveur lorsqu’il s’agit de l’Ukraine :

« C’est exactement notre problème : nous justifions ce que la Russie fait à l'Ukraine en raison de notre irritation à l'égard des États-Unis. Oui, les États-Unis n'auraient pas dû envahir l'Irak. Oui, les États-Unis n'auraient pas dû aller en Afghanistan. Les États-Unis font toutes sortes de choses que le reste du monde n'aime pas, mais cela justifie-t-il que la Russie dévaste l'Ukraine ? Non, ce n'est pas le cas... »

Ce que n’évoque à aucun moment Hill, qui semble complètement écarter le rôle (bien plus qu’une “aide”) que les USA ont joué en Ukraine, cela suscitant la réaction russe, – c’est que le privilège de l’accusation de la Russie dans ‘Ukrisis’ est dévolu à ce pays qui a fait bien pire auparavant (Irak, Afghanistan, Syrie, Libye, etc.) et qui n’a jamais été puni, ni même “semoncé” par une instance ou un organisme international. Le problème ici n’est pas la justification d’une accusation, mais bien que l’expression de cette accusation soit laissée à un “accusateur” qui a fait bien pire en toute impunité, – le vice même désigné pour manifester toute la vertu du monde.

• On voit encore la “faiblesse ontologique” de Fiona Hill dans sa réaction à une question sur la destruction du gazoduc NordStream.

« Au départ, j'ai pensé que c'était les Russes. Il y avait tellement de choses dans cette éruption qui me rappelaient le type de sabotage entrepris par les Soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale, et auquel le père de Poutine a participé pendant le siège de Leningrad. Il raconte souvent que son père faisait partie d'un bataillon de destruction qui se rendait derrière les lignes ennemies et se débarrassait de toute infrastructure que l'ennemi pouvait utiliser. La façon dont Poutine en parle me fait penser que les Russes ont agi de la sorte, qu'ils pensent que cela servira de leçon à l'Occident. »

L’affirmation des causes de “l’action de la Russie” qu’elle avance, sans aucune preuve, est totalement subjective sinon anecdotique et presque infantile ; et l’on peut remarquer que si Poutine aimerait bien selon elle cette sorte d’action, les Anglo-Saxons en ont fait l’objet de leur adoration opérationnelle, une pratique constante de temps de guerre, ainsi que la destruction des infrastructures et les attaques massives contre les civils (« Je considère tout Japonais, femmes, civils, etc., comme un combattant qu’il est justifié de tuer », disait la général LeMay qui commandait en 1944-1945 dans le Pacifique la XXème Air Force [B-29 dont ceux qui larguèrent les bombes atomiques])... Quant à « leçon pour l’Occident » que serait la destruction de NordStream par les Russes, les USA ne s’en plaignent pas, qui ont ramassé un énorme marché de gaz sous les gloussements de satisfaction de Nuland et de Blinken...

« Aujourd'hui, je n’en suis plus si sûr [de la culpabilité russe]. Je ne crois pas que ce soit les États-Unis... »

... Pourquoi ne serait-ce pas les États-Unis ? Question sans réponse, sinon, pour notre compte, la perception d’une sorte de sanctification de la vertu américaniste et anglo-saxonne.

Un mot pour résumer une pensée

Il faut donc comprendre que c’est cette sorte de pensée, dite selon nous et selon ce que nous en percevons, en toute sincérité et bienveillance, qui structure véritablement la pensée des élites occidentalistes et surtout anglo-saxonnes et américanistes. Nous parlons d’une structure comme l’est une charpente pour une maison : c’est la forme de la pensée qui est ainsi définie, même et surtout  chez un grand esprit dont toute l’intelligence est mise au service de fariboles et de sophismes absolument primaires et extraordinaires.

Il n’empêche que, dans cette équipée dialectique et psychologique remarquable de ‘fantasy’, on rencontre certaines vérités, ou certains concepts inattendus. On a signalé plus haut l’un de ces concepts à partir d’une expression (« “rébellion globale par procuration” [“global ‘proxy rebellion’”] »). Ce même concept signalé par RT.com, l’est également, comme on l’a lu, dans ‘Unherd’ ; il y est présenté d’une façon plus précise, et surtout selon une tournure qui révèle toute une pensée...

« Hill a ensuite nié l'existence d’une guerre par procuration entre la Russie et l'Occident, mais plutôt “l’inverse, – une guerre par procuration pour une rébellion de la Russie et du ‘Reste’ contre les Etats-Unis”. »

(« Hill went on to deny that there was a proxy war between Russia and the West but, rather, the “reverse – a proxy for a rebellion by Russia and the ‘Rest against the United States’”. »)

Quelle que soit l’expression, – « a proxy for a rebellion » ou « global ‘proxy rebellion », – nous tournons autour du terme ‘proxy’ (‘procuration’, ‘mandat’) qui a aujourd’hui, depuis la fin de la Guerre Froide,  une signification acceptée, – et qui est dans ce cas complètement invertie. Il s’agit bien de satisfaire un esprit extrêmement sophistiqué qui veut développer une conception absurde ou simplement idiote.

Qui est le ‘proxy’ de qui ? ...

Bien, “depuis la fin de la Guerre Froide”,  la “signification acceptée” du terme ‘proxy’ concerne une situation où une grande puissance (en général, les USA, reconnaissons-le) manipule un pays de puissance mineure, mais occupant une position ou une situation stratégique, doté d’armements adéquats et livrés clés en main et de dirigeants aussi bien corrompus qu’un moteur bien huilé, – on les nomme “marionnette” ou “puppet” – ; le tout remplissant sa fonction de nuisance parfois très efficace contre une autre grande puissance que la première citée ne veut pas affronter ouvertement.

Cette sorte de situation existait déjà durant la Guerre Froide mais le terme de ‘proxy’ n’était alors pas employé, – et c’est bien le terme qui nous intéresse, puisqu’il est utilisé par Hill comme on le lit. En fait, la fortune du terme ‘proxy’ est venue en même temps que la prolifération des fiestas du type ‘regime change’ et ‘color revolution’. Ainsi a-t-il renforcé sa signification : le ‘proxy’, le mandaté, l’acteur ‘par procuration’, est une nuisance déguisée en pseudo-nation, souvent un ‘failed state’, manipulé par une grande puissance, voire une superpuissance... Et voici que Hill renverse complètement le sens !

• Selon elle, il n’y a pas de ‘proxy war’ du côté ukrainien ; ce qui signifie que l’Ukraine n’est nullement manipulée, qu’elle s’est elle-même levée contre l’agression, toutes les nations éprises de liberté, – USA en tête, – venant à son aide contre l’immonde agresseur russe après que cette “agression” ait été lancée. Tout le reste est gommé, – hop ! – par le seul emploi de cette phrase sur le “pas de ‘proxy war’ du côté ukrainien”. Passez muscade, Acte I...

Il reste qu’faut tout de même expliquer le ‘Reste’, – et dire cela n’est pas tourner en dérision une logique aux abois mais porter un regard de compassion sur un bel esprit essayant de concilier une sottise fabriquée roulée dans un simulacre, avec le poids de la réalité.

• Voilà donc pour le ‘Reste’ : « a proxy for a rebellion » ou « global ‘proxy rebellion » ; c’est-à-dire une combinaison où la puissance russe est utilisée par le’Reste’ (le Sud-Global et tous les autres rebelles à l’ordre américaniste/Occident-collectif) pour livrer « une guerre par procuration pour une rébellion de la Russie et du ‘Reste’ contre les Etats-Unis”. » L’analyse devient à ce point imprécise : est-ce le ‘Reste’ qui a donné mandat à son ‘proxy’ la Russie de tailler des croupières à l’OTAN ? Ou est-ce la Russie qui a machiné un coup tordu en apparaissant comme le ‘proxy’ du ‘Reste’, pour éluder sa propre responsabilité en la transférant au ‘Reste’ ?

On ignore ce qu’il faut croire sauf qu’avec cette analyse diluant la responsabilité entre la Russie et le ‘Reste’, on explique d’une part la difficulté à vaincre la Russie, d’autre part le soutien dont dispose la Russie, tout en confirmant que les USA et le reste, l’Occident-collectif ou l’OTAN-compatible, n’ont pas la moindre responsabilité dans cette tragique affaire. Nous atteignons ainsi rapidement ce stade, en confirmant la source de toutes les responsabilités (Hill se plaçant rhétoriquement en critique des USA) :

« C’est exactement notre problème : nous justifions ce que la Russie fait à l'Ukraine en raison de notre irritation à l'égard des États-Unis... »

Ce jeu intéressant, qui se fait au nom de la reconnaissance d’une réalité (l’influence des USA et son hégémon ne cessent de s’affaiblir à très grande vitesse depuis l’“agression” russe), nous offre, selon notre perception, un coin d’éclairage sur la réelle et profonde pensée de la psychologie américaniste et OTAN-compatible. Cette psychologie est  désormais entrée dans la phase finale de la pensée d’une civilisation totalement dégénérée, – inculpabilité et indéfectibilité évidemment à la manœuvre pour écarter tout risque de réalisation de sa propre responsabilité dans ce grand malheur...

« ...féérie-fantasy propre à l’américanisme, aujourd’hui exacerbées jusqu’à la folie, – soit l’inculpabilité (“sentiment de l’absence à terme et décisivement de culpabilité de l’américanisme quelle que soit son action”) et l’indéfectibilité (“sentiment de la certitude [de l’américanisme] de ne pouvoir être battu dans tout ce qui figure conflit et affrontement”). »

Nous le répétons encore et encore : nous sommes persuadés intuitivement que tous les acteurs et marionnette américanistes du Système, pensent vraiment à cette crise en ces termes. Même une Nuland, qui a tout fabriqué depuis dix ans, à commencer par le coup de Kiev, ne croit pas du tout à sa responsabilité au sens malfaisant du terme dirions-nous, et elle n’a jamais été aussi elle-même dans toute sa candeur que lorsqu’elle distribuait des Burgers de l’ambassade US aux manifestants du Maidan, dans la froidure hivernale de Kiev, réellement comme une courageuse militante de la démocratie à apporter aux peuplades sous-développées.

Quoi qu’il en soit, le résultat de cet étrange exercice n’est pas mauvais du tout si l’on fait une somme nette. Il constitue la reconnaissance qu’il y a bien une rébellion du monde (le ‘Reste’) contre l’insupportabilité de l’attitude américaniste des États-Unis. Pour cette fois, les analyses des deux camps se rencontrent sans être en rien d’accord, et nous savons désormais, même si selon des raisonnements et des comportements entièrement différents, que nous sommes au cœur de la GrandeCrise. C’est ce qu’on nomme une vérité-de-situation, et finalement le seul événement qui justifie totalement la guerre en Ukraine avec ses heurs et ses malheurs.

 

Mis en ligne le 30 mai 2023 à 17H25