La scène diplomatique de crise

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La crise israélo-libanaise se développe aujourd’hui (depuis vendredi) sur un deuxième théâtre, celui de la diplomatie à l’ONU. C’est pour l’instant un constat bien plus qu’une promesse ou un espoir, tant la résolution envisagée est loin de rencontrer l’accord des parties. Le Liban (soutenu par les pays arabes) est le plus virulent, qui repousse justement une résolution qui ne prévoit pas de retrait israélien. Dans cette occurrence, le Liban est perçu par le fait même comme le représentant de la partie qui comprend essentiellement, sur le théâtre des opérations, le Hezbollah. Cette évolution tend à donner une certaine légitimité au Hezbollah, dans tous les cas à la bataille que mène le Hezbollah, et cela aux moindres frais pour l’organisation chiite libanaise.

Les acteurs principaux de la crise sont désormais les USA et la France. Cela vaut cette remarque, en passant mais douloureuse pour les Britanniques, sortie de l’éditorial du Guardian d’aujourd’hui :

« The dire news on the ground emerged just hours after the US and France agreed a draft UN resolution calling for the violence to stop, giving an apparent glimmer of hope. It could be adopted by the security council as soon as today. Not least among the ironies of this tragedy has been the emergence of France as a bridge between the US and much of the rest of the world. It was a role Tony Blair once hoped to take. »

L’important ici n’est pas le résultat de cette nouvelle “combinaison” diplomatique (la résolution de l’ONU, qui est loin du compte) mais bien la “combinaison” elle-même. La France est nécessairement à sa place, mais pas comme la définit le Guardian. Plus qu’être un “pont”, la France ne peut tenir cette place que parce qu’elle est perçue comme la “représentante” du reste du monde, et parce que son indépendance et son sens de la souveraineté le permettent. Blair ne fait pas le poids parce qu’en dépit de sa prétention à être un “pont”, on sait bien qu’il est tout au plus une presqu'île de l’Amérique.

D’ailleurs, peut-on être un “pont” entre l’Amérique et le reste du monde? Cela n’a guère de sens. Un “pont” est un outil, un moyen, et nullement une position diplomatique substantielle, — et un pont dont une des rives est américaine est aussitôt soumis à des tentatives d’annexion américaniste. La France est à l’autre bout du pont, face à l’Amérique, mais elle n’est pas le pont entre l’Amérique et le reste. On n’échappe pas à son destin. Les diplomates français auront beau jouer l’apaisement avec les USA, ce qui est leur grand péché mignon, au bout du compte ils se retrouveront de l’autre côté du pont. Quant à Tony Blair, il sera enfin parti en vacances.


Mis en ligne le 7 août 2006 à 09H22