La significative victoire de Jacques Chirac à Bruxelles : un argument pour le “non”

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La significative victoire de Jacques Chirac à Bruxelles : un argument pour le “non”


24 mars 2005 — Concert d’exclamations sur la “victoire” de Chirac à Bruxelles, au sommet des chefs d’État et de gouvernement où il a obtenu des aménagements sur la circulaire Bolkenstein et le pacte monétaire. Cela est vu comme procurant un avantage important pour soutenir la campagne pour le “oui” dans la référendum. Cela reste à voir, et on verra.

Le plus intéressant est dans l’étrange démonstration implicite qu’a faite ainsi le président français, qui, elle, ne plaide que pour le “non”.

• Il est entendu que le texte constitutionnel sur lequel les Français vont voter est une étape de plus vers la mise en place d’un cadre solide pour la mise en place d’une Europe structurée, — d’une Europe perçue, pour faire court et assez approximatif, comme évoluant vers les “Etats-Unis d’Europe”, avec structure, cadre et puissance équivalents au grand et sacro-saint modèle US.

• L’intervention de Chirac est complètement illégale, d’un point de vue de l’“esprit

de la loi” européenne, si un tel esprit existe, et si une telle loi existe. Elle constitue un acte réaliste, à la limite de la brutalité, appuyé sur la perception de l’importance de la France dans le cadre européen (donc de l’importance d’une victoire du oui au référendum français), etc., — mais un acte complètement antidémocratique, illégal répétons-le, qui ne respecte aucun des préceptes et principes élevés de la Cité Idéale que devrait devenir l’Europe.

• … C’est-à-dire, un acte qui deviendrait de moins en moins possible, de plus en plus incongru, au fur et à mesure que l’Europe se structurerait de textes comme le texte constitutionnel et le reste, un acte qui deviendra impossible au bout du compte. (Imaginez-vous le gouverneur du Vermont, ou même le Schwarzenegger de Californie, arriver chez Bush pour lui enjoindre de revenir sur une loi sur la Sécurité Sociale, et obtenir gain de cause? Cela serait la même chose dans les mythiques “Etats-Unis d’Europe”.)

• En d’autres mots, Chirac a fait la démonstration de la valeur du discours des partisans du non, lorsqu’ils s’élèvent contre une Europe supranationale, structurée, etc. En d’autres mots, il a apporté un argument de poids pour voter non au référendum.

• La réalité : c’est dans le désordre européen actuel, où un pays aussi irresponsable que la Lettonie n’a aucun poids malgré qu’il compte pour un dans le concert des 25, qu’un pays comme la France, à cause de la perception qu’on en a, peut exercer une influence considérable, bien au-delà de sa position d’un parmi les 25, sur les lignes politiques que sa puissance oblige l’Europe à suivre. (Hors de la pression du referendum, sur les sujets qui lui importent, la France exerce effectivement cette influence dont on parle ici. C’est le cas au niveau de la politique de défense et des négociations en cours pour constituer des structures militaires européennes. Tout se fait à l’inspiration de la France, sous l’impulsion de la France et sous la poussée de la France.)

• Mais que l’on ne s’inquiète pas trop : avec l’Europe à 25, même un texte comme celui sur lequel vont voter les Français, et ce qui pourrait suivre, n’apportera de modification décisive au désordre européen actuel. Avec l’élargissement à 25, nous avons passé le point de non-retour : l’Europe restera désordre, quelle que soit l’image qu’on s’en fasse à l’extérieur, et les influences y pèseront bien plus que les textes. (S’ils en avaient le courage, cette situation de l’irréversible désordre européen serait l’argument décisif des partisans du “oui”, qui diraient que leur “oui” est une façon détournée de dire “non”.)