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1433Un thème largement connu et répercuté, depuis 1991, c’est l’effondrement démographique de la Russie. Ce thème récurrent fait partie de cette affirmation implicite, dans l’arsenal des évidences de la pensée-Système, selon laquelle la Russie est un pays du passé, appelé d’une façon ou l’autre à disparaître dans une sorte de trou noir de l’irrésistible progression du Système (certains nomment cela “Progrès”).
Le thème a donc été effectivement récurrent jusqu’à ces dernières années. Par exemple, on citera ces quelques phrases de United Press International, du 24 septembre 2005, répercutant un article du Times de Londres, sous le titre «Russia faces population crash»…
«Russia faces a precipitous population drop because of an increasing death rate and plummeting birth rate. The Times of London reports Russia had 1.6 million reported abortions last year, and just 1.5 million recorded births. At the same time, the life expectancy for men is now 58.8, 20 years below Iceland's.
»In the past year, Russia's population fell by almost half a million people, and it could fall from 143 million now to 77 million by 2050. That could leave the country with too few workers to keep its economy going.»
… Et puis, le thème s’est fait plus rare ces derniers temps. C’est ce que constate Alexandre Latsa, dans un article qu’il publie le 8 août 2012 sur son site Dissonance. (Latsa est un jourhnaliste français vivant en Russie. Outre Dissonance, il a une tribune hebdomadaire sur Novosti, diverses collaborations, il travaille avec l’IFRI de Paris et l’institut Eurasia-Riviesta.). Latsa commence effectivement son article par cette remarque : «Le thème de la crise démographique russe est en train de passer de mode. Curieusement en effet on trouve beaucoup moins d’articles sur la crise démographique russe…»
L’explication vient ensuite, – dans le simple fait qu’une “crise” russe n’impliquant pas un sort catastrophique pour la Russie n’intéresse plus guère la communication-Système. Latsa fait le point pour juin 2012 dans la perspective statistique, c’est-à-dire en incluant la première moitié de l’année 2012, et constate que cette crise est en train de se résorber. Si l’on en croit les tendances qu’il expose, 2013 ou 2014 pourrait bien être la première année depuis 1991 où la démographie russe redeviendrait positive. (Le dernier solde positif démographique, en 1991, fut de 103.969 habitants. De 1991 à 2005, la Russie a perdu sur sa seule évolution 11.236.989 habitants, réduits à 5.280.000 à cause de la forte immigration de la population russe des pays de la périphérie [ex-URSS ou autres] vers la Fédération de Russie.)
Voici de larges extraits de article de Latsa, qui est un exposé statistique rigoureux. (A signaler que les commentaires accompagnant l’article, avec les réponses de Latsa, sont aussi intéressants. Le texte original de Latsa donne accès à divers liens documentant la question traitée.)
«De 1991 à 2005, la baisse naturelle de population a été de 11.236.989 habitants soit une baisse annuelle moyenne de 802.642 personnes.
»De 2005 à 2009, la baisse naturelle de population (naissance-décès) a été de 2.614.811 habitants soit une baisse annuelle moyenne de 522.960 habitants.
»De 2009 à 2011, la baisse naturelle s’est élevée à 619.687 habitants soit une baisse annuelle moyenne de 206.429 habitants.
»Dès 2003, les autorités russes ont estimé que le problème démographique était l’un des principaux problèmes de la Russie. A partir de 2005, la baisse naturelle de la population a commencé à ralentir, d’abord grâce à l’amélioration de la situation économique, mais également parce que les nombreux enfants nés dans les années 80 sont désormais en âge de se reproduire à leur tour. En 2005 l’Etat a aussi lancé un programme national “santé” confié à Dimitri Medvedev, alors vice-Premier ministre en charge des projets nationaux prioritaires. Destiné à relancer la natalité et faire baisser la mortalité, ce new-deal démographique a eu de bons résultats.
»Quelques chiffres pour bien comprendre les très fortes variations de ces dernières années:
»• Entre 1999 et 2011, le nombre de naissances est passé de 1.214.689 à 1.796.629 et le nombre de décès de 2.365.826 en 2003 à 1.925.720 en 2011.
»• Le taux de fécondité, qui était de 2,02 enfants par femme en 1989 est tombé a 1,15 enfants par femme en 1999, pour remonter à 1,61 enfants / femme en 2011.
»• De 1991 à 2005, soit sur 14 ans il y a eu officiellement 34.978.220 avortements, soit une moyenne annuelle de 2,5 millions d’avortements […].
»• De 2005 à 2011, soit sur 7 ans, le nombre d’avortements a été de 9.590.573 soit une moyenne annuelle de 1,370 millions. Néanmoins la diminution du nombre d’avortements est entamée, puisqu’il y a eu 1.675.693 avortements en 2005, contre 989.375 en 2011. Curieusement, ce véritable génocide est passé sous silence par la très grande majorité des commentateurs.
»• Enfin, grâce à une immigration contrôlée et plus ou moins stabilisée à 250.000/300.000 entrées annuelles, la population a légèrement augmenté en 2009 (+30.000), stagné en 2010, et augmenté en 2011 (+190.000), pour s’établir à 143 millions d’habitants le 01 janvier 2012.
»Que se passe t-il en 2012?
»Les chiffres des 6 premiers mois de l’année sont disponibles et confirment clairement la tendance en cours. Le premier semestre 2012 à vu 905.739 naissances contre 842.579 naissances pour le premier semestre 2011 (+7.5%), et 962.666 décès contre 981.399 décès pour le premier semestre de 2011 (-1.9%).
»La baisse naturelle de population pour le premier semestre 2012 est donc de 56.927 habitants, contre une baisse de 138.820 habitants pour le premier semestre 2011.
»Il est intéressant de regarder les statistiques démographiques des 12 derniers mois, soit la période allant de juillet 2011 à juin 2012. Sur cette période il y a eu 1.856.988 naissances et 1.906.303 décès, soit une baisse naturelle de population de 49.315 personnes.
»Comme je le prévoyais en décembre dernier, 2012 devait donc voir plus d’1,8 millions de naissances et moins d’1,9 millions de décès, et ainsi une baisse de population probablement autour de 50 ou 60.000 habitants, contre une baisse de 130.000 habitants en 2011, de 240.000 en 2010 et de 290.000 en 2009.
»Le taux de fécondité devrait donc avoisiner pour 2012 les 1,7 ou 1,75 enfants par femme et l’espérance de vie d’un bébé qui nait cette année est désormais de 70 ans soit au niveau de pays de l’Union Européenne (Roumanie ou Pays Baltes...).
»La baisse de la mortalité et des avortements, la vraisemblable hausse des naissances (ou du moins leur stabilisation), couplée à un solde migratoire qui reste stable et positif, font que la population ne devrait vraisemblablement plus baisser mais même sensiblement augmenter d’ici 2020. On peut donc parfaitement imaginer que la population russe atteigne 145 ou 146 millions d’habitants en 2020, ce qui correspond à la version haute des pronostics démographiques publiés par Rosstat.»
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