La société-bouffe du spectacle-devenu-frénésie

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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La société-bouffe du spectacle-devenu-frénésie

9 juillet 2020 – Parlant de choses et d’autres, – certes, les sujets ne manquent point pour qui sait laisser quelques instants la presseSystème de côté, – Bill Blain, fameux stratège financier de la City, un dur de dur que plus rien n’étonne, nous dit sur son site TheMorningPorridge sa stupéfaction sans bornes désormais, sans-fin, bien au-delà de l’hystérie ; car même les durs “que plus rien n’étonne” sont saisis par cette élégante “stupéfaction sans bornes”...

Blain nous avoue sans détour ni fausse honte, ce 8 juillet 2020, dans un texte qui se termine par l’annonce que « les mois à venir seront... bruyants » :

« J’ai toujours pensé que le fameux “Il faut croire à 6 choses impossibles avant le petit déjeuner” d’Alice au Pays des Merveilles était l’une des choses les plus drôles jamais écrites. Jusqu'à cette année... J’ai compris qu’il s’agit d’un simple constat courant à faire tous les jours pour le monde, dans cet âge du Covid19. Je n’arrive pas à distinguer et à mesurer jusqu’à quel point les différents composants de la société deviennent confus, contradictoires, inconséquents, déconcentrés et déconcertants...»

Écoutez notre amie Caitline Johnstone pousser un cri de colère et de dérision mêlée, avec ce texte dont le titre dit à peu près : « Dans ce monde obscène, la folie semble pure modération et la sagesse est perçue comme radicale et extrémiste... »

Le fait est que vous ne savez plus où donner du sarcasme et d’une ironie absolument nucléaire et dévastatrice, à les entendre jacasser, pérorer, sloganiser et pavloviser, se mettre à l’abri et opiner à la première exigence des fous, et baisser les yeux, et à tout hasard baisser la culotte en cadence tweetée. Vous n’avez qu’à tendre la main, ouvrir un site, écouter une émission pour saisir aussitôt des traces furieuses, caquetantes et piaillantes de leur folie.

Voyez ce couple, Nicole Anderson et David Nelson, de la ville de Martinez, en Californie. Ils s’étaient mis en tête d’effacer l’inscription Black Lives Matter que les foules contestatrices venaient de peindre en lettres énormes sur la voie publique. Ils ont été, comme on dit, “pris en flagrant délit” (“en flag’”), et inculpés par la procureure du Comté de Contra Costa Diane Becton de “vandalisme”, risquant jusqu’à un an de prison.

Encore deux exemples dans le même texte. L’actrice Halle Berry, pourtant black et la première du genre et de cette couleur à recevoir l’Oscar de la meilleure actrice (en 2002), s’exprimait dans une interview diffusée sur Instagram ; elle disait avoir accepté un rôle de transgenre (dans le sens femme-homme en suivant les flèches) et parla d’une “femme”, et employa le pronom “elle” pour désigner le personnage. Ce fut une tempête de tweet, venue de la woke mob comme l’on dit ; car enfin, un tel rôle revient à un transgenre, nullement à une femme qui, en plus, parle transgenre comme l’on parle d’une femme ! Halley a reconnu sa monstrueuse parole sacrilège et annoncé qu’elle abandonnait le rôle...  De mon point de vue, et sans même saluer son courage de couardise, je dois avouer que je la comprends et j’aurais fait de même, moi, car transgenrer n’implique certainement pas de transpercer les susceptibilités démocratiques des minorités ; il faut savoir raison garder.

Quoi qu’il en soit le mea-culpa de la belle Halley vaut citation dans “Bouvard & Pécuchet, – Le Retour”. Dans le même texte que cité plus haut, on trouve également l’aventure de l’acteur Shia LaBeouf, qui  tourne un film où il joue le rôle d’un ami (blanc) d’un trafiquant de drogue (latino) ; la foule “genrée” et “wokée”, et tweeteuse bien entendu, l’accuse de voler le rôle d’un Latino à l’un ou l’autre acteur latino qui aurait dû tenir le rôle. Le metteur en scène de Tax Collector, David Ayer, tente de leur expliquer que le rôle est celui d’un Blanc, inspiré d’une histoire réelle, – rien à faire la colère latino continue à gronder...

L’acteur Nick Stearcy en a profité, avant d’être lynché, pour tweeter à propos de ces importantes et graves affaires : « En tant que conservateur, je voudrais présenter mes excuses pour les rôles de maris abusifs, de tueurs en série, de membres du Klu Klux Klan, de fonctionnaires corrompus et autres types de démocrates que j’ai interprétés dans ma carrière. Je ne suis pas un démocrate et j’aurais dû laisser aux démocrates l’opportunité de raconter leurs propres histoires. »

Des comme-ça, vous le savez bien, on peut en raconter des dizaines, des centaines, à la pelle, des saladiers, par camions entiers. C’est le monde d’aujourd’hui, tel qu’il est devenu et tel qu’il fonctionne en roue folle-libre, avec sa complète liberté accordée enfin à la plus complète des étranges folies. On se marre, après avoir tant pleuré ; cela vaut tous les Courteline et Labiche du monde, au temps des Grands Boulevards, mais en vrai, en outrancier, en très-grand spectacle... Voici donc, que ne nous le rappelle-t-on si souvent, – « La société du spectacle » plus que jamais, dans toute son éloquente créativité. La question qui vient à l’esprit, aussitôt, comme une fulgurance et en un éclair, en présence de ces diverses agitations et comptes-rendus : mais de quel spectacle s’agit-il donc ?

Il y a quelques temps, – pas si longtemps, après tout, – nous parlions de la « Société du spectacle de la catastrophe ». Aujourd’hui, poursuivant sur cette fumeuse lancée, je franchis quelques degrés de géant de plus pour vous présenter, car nous y sommes sans aucun doute, “la société-bouffe du spectacle-devenu-frénésie”...

Et voici, nous en disions ceci d’abord, et comme l’on ferait d’un jeu de mots évoquant Debord :

« Cela signifie, pour utiliser une image fameuse, que la très-fameuse ‘société du spectacle’ de Debord est en train si ce n’est déjà fait de radicalement changer de forme, sinon de structure, c’est-à-dire d’ontologie (bien au-delà de l’idéologie [...]). Ce n’est plus le fait d’‘offrir un spectacle’ qui importe, étant alors admis que ce “spectacle” tel qu’identifié par Debord était fait pour nous tromper à la manière de la caverne de Platon, de nous anesthésier dans les délices d’une ‘Servitude volontaire’ festive ; c’est le programme du “spectacle” qui a changé, nouvelle affiche, nouvelle trame, nouveau style et nouveaux ”acteurs” ( ?), – nouveau “spectacle” qui se joue à guichets fermés. La ‘société du spectacle’ est devenue la “société du spectacle de la catastrophe”, – et l’on comprend sans peine que ce qui importe est bien entendu le mot “catastrophe”... »

... De même, aujourd’hui, neuf mois plus tard, – comme les choses vont vite, – la simple ‘catastrophe’ qui se poursuit et accélère bien entendu, s’est transmuté en un phénomène cosmique d’une puissance et d’une originalité jamais-vues dans les annales pourtant fournies  de la spectaclentologie, comme l’indiquent bien entendu les mots “bouffe” et “devenu-frénésie” : “société-bouffe du spectacle-devenu-frénésie”

« Ce changement de programme, quel événement ! Le concept de spectacle de Debord, décrivant quelque chose de précisément monté à notre intention, absolument pour nous tromper, ce concept se retourne complètement comme un gant et devient le spectacle de ce qu’est devenu et qui continue à devenir, bondissant de Charybde en Scylla, le Système qui prétendait nous anesthésier mortellement par le spectacle du simulacre festif, pour faire de nous l’homo festifus de Philippe Murray... » Au contraire de nous anesthésier, il nous fait rire énormément

...Au contraire, ils ont fait d’eux-mêmes le spectacle de leur propre catastrophe devenant leur folie propre, cette frénésie comme seules les piqures de la tarentule peuvent vous donner, dans un emportement tourbillonnaire de postures ridicules, d’auto-humiliations balbutiantes, jusqu’à ne plus savoir à quel Diable se vouer, et sans même l’esprit de composer les musiques de la Tarentella... Cette foule “wokée”, “genrée”, “PC-LGTBQée”, “antiraciste” et “anti-Antiwar”, cette foule qui dit tout et rien à propos de tout et n’arrive qu’à nous présenter le rien de l’accomplissement de son périple, cette foule qui en devient même trop dérisoire pour être ridicule... Et pourtant, elle nous fait imploser de rire énormément à force du ridicule d’elle-même qu’elle mériterait d’avoir tout de même, dont elle ne sait rien et ne se doute de rien.

Et ceci, qui reste absolument plus vrai que jamais, qui est dix mille fois plus vrai que lorsque cela fut écrit, il y a neuf mois : « Le point absolument fondamental qui nous concerne, nous autres sapiens-sapiens, est que l’évolution a en même temps transformé notre fonction : » de participants emprisonnés, donc acteurs-anesthésiés de la fête (festif), à observateurs, donc spectateurs de la catastrophe, et pour notre compte de plus en plus libre de mesurer l’abysse de leur folie.

Tenez-vous cois et commentez leur effondrement qui marche tout seul, sans l’aide de personne ni les habiletés d’aucun ; n’essayez pas de comprendre en échafaudant des explications en forme de plans et de complots qui ne conviennent qu’à des êtres froids et maléfiques, à des raisons subverties maniant avec précision la subversion, toutes ces choses qu’on ne trouve plus dans les foules “wokées” du spectacle-devenu-frénésie... Au contraire, mesurez le brouillon cosmique de leur folie, le bouillon de leur frénésie, la démence-bouffe de leur déconstruction qui, aujourd’hui, les fait se déconstruire eux-mêmes dans un acte d’autodestruction absolument incontrôlé, dans le sens inverse de cette occurrence fameuse où l’on croit contrôler le sable qui coule entre vos doigts, où l’on croit contrôler les tours de Manhattan qui s’effondrent. Nous sommes devant le sablier du temps qui s’est complètement retourné, comme le spectacle, et qui a complètement implosé ; le sablier du temps implosé, dont le sable glisse et s’enfuit en coulées catastrophiques, recouvrant tout, emplissant leurs bouches ouvertes qui ne hurlent plus que des bouffées de désordre en borborygmes Potentiellement -Corrects !

The Show Must Go-Mad, naturellement dans le sens de l’effondrement.