La substance de la fatwa Fabius

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La substance de la fatwa Fabius

Voici une citation extraite de L’Arabe et le Juif, Dialogue de guerre, paru chez Plon en 2004.

Guy Sitbon, le Juif d’origine tunisienne face à l’Arabe Hamid Berrada, marocain, évoque et caractérise la résistance irakienne à l’occupation de son pays par la coalition menée par les US(a) :

«Reste à savoir pourquoi s’est produite cette résistance et à quoi elle mène. Que veulent les sunnites qui résistent par les armes, avec une capacité infinie d’armement, de financement et de recrutement ? Vaincre et chasser l’armée américaine. A quel prix ? La destruction totale de ce qui reste de leur pays. La joie qu’il y a aujourd’hui à être l’ennemi numéro un des Américains, à les tuer systématiquement, me paraît d’autant plus douteuse qu’elle reflète un choix arabe que j’appelle le ’tout-violence’. … [D]epuis cinquante ans, on ne connaît d’autre procédé dans le monde arabe que la violence, le poing à la gueule, le coup de feu, la bombe.»

Après avoir été communiste, baassiste, socialiste, éditeur pornographique, il a assuré des chroniques sur le monde arabe depuis 1998.

Nous avons là le type de sophismes tenus par des experts qui ne sont pas gênés d’inverser les séquences historiques et substituent l’effet à la cause. Reprocher la violence et ne la voir que chez le peuple qui tente de se défendre d’une agression qui lui a été imposée est un premier terme. La psychologiser et en faire un attribut essentiel à une fraction de tout un peuple (la résistance est et a été aussi le fait d’autres communautés irakiennes) le deuxième.

Présenter la résistance comme la destruction absurde d’un résidu de pays, sans évoquer le mécanisme sociocidaire qui a conduit à cette forme résiduelle, première guerre du Golfe, embargo de dix ans, premier génocide froid de cette ampleur de l’histoire récente, le troisième. Refuser une occupation étrangère est transformée en une simple joie perverse de s’opposer à l’occupant, les bénéficiaires de l’arrosage de l’uranium à Falloujah apprécieront, le quatrième.

Enfin, la violence est la seule forme d’existence de l’Arabe depuis cinquante ans, le cinquième terme de ce raisonnement limpide. Quant à la capacité infinie d’armement et de financement, l’expert journaliste à Marianne après l’avoir été au Nouvel Observateur, l’européen modestement informé sait que la guérilla asymétrique qui a mis à genoux l’armée d’occupation usait surtout d’engins explosifs fabriqués artisanalement.

Les mêmes que Guy Sitbon, ses frères ou cousins germains ou encore certainement quelques- uns des siens, sans talent mais répondant à une ligne politique précise, travaillent dans la désinformation pour la nouvelle aventure de l’OTAN en Syrie.

Tous les jours, cinq cents nouveaux mercenaires payés par les Wahhabites rentrent par l’ancienne province syrienne détachée en 1939 par la France et octroyée à la Turquie, le Sanjak d'Alexandrette devenue le Hatay quand deux à trois cents effluent de la Syrie.

Les camps accueillant les Syriens réfugiés étaient fonctionnels plus de deux mois avant l’exode, ils sont constitués exclusivement de femmes et d’enfants. Les hommes valides semblent être entraînés militairement ailleurs.

De cette même province ont pénétré des camions comportant un bloc chirurgical de très bon niveau pour le prélèvement d’organes sur les agonisants ou les ‘ennemis’ capturés. Aucune statistique libanaise ni turque ni jordanienne (ni israélienne) ne fera état d’une inflation subite actuelle de greffes de rein ou de cornée, les cliniques de transplantation peuvent être privées. Cette activité de charognes très lucrative a été pratiquée dans l’Orient arabe dès les années de guerre civile au Liban. Le kidnapping crapuleux est aussi un produit dérivé de ces conflits, il majore l’insécurité et l’exode.

Combien de faux djihadistes traversent quotidiennement la frontière poreuse libanaise depuis le Nord ? Les milices Fateh al Islam like qui ont si bien œuvré à Nahr El Bared en 2007 ont dû reprendre du service.

Et depuis la Jordanie, maintenant que l’armée française y a pris officiellement position pour y exercer sa mission humanitaire, combien sont-ils ? Les besoins primordiaux de ce type de réfugiés sont rarement médicaux. Il ne s’agit ni d’un séisme ni d’une inondation. Les Syriens qui ont choisi de fuir anticipent le traumatisme du conflit et vivent celui de l’exil volontaire et sa précarisation. Ils sont loin à peine une centaine de milliers, très loin de représenter les millions d’Afghans accueillis par l’Iran et le Pakistan et les millions d‘Irakiens absorbés généreusement et sans ostentation pornographique par la Syrie en particulier.

Danny Ayalon, de père algérien et de mère polonaise, membre du parti Israël Beytenou fondé par des émigrés d’URSS dont le programme est le pogrom des Arabes, en fidèle assistant de son maître ès chaos reconstructeur du monde arabe Lieberman Avidgor le moldave, s’érige en prophète en restituant sur les ondes de Radio Israël la doctrine élaborée dans les années 80 par Oded Yinon. Il ‘voit’ la décomposition de la Syrie en petits cantons confessionnels, alaouite, druze, sunnite et kurde très proche suivie de près par celle du Liban, ce à quoi Israël travaille d’arrache-pied depuis les années soixante avec ses frères d’armes phalangistes. Il prédit même que sous peu les petites principautés ethnicisées qui résulteraient de cet émiettement souhaiteront coopérer avec Israël.

L’une des conditions requises pour l’accomplissement du plan est remplie, la fragmentation de l’Irak mais dans une perspective qui va à l’encontre des objectifs sionistes puisque l’Irak est actuellement le meilleur allié de l’Iran.

Trente ans après, la cartographie imaginaire du temps du rêve sioniste va attendre encore un peu dans les cartons de la revue Kivunim.

Sous les coups de bélier des amis de la Syrie, le régime baassiste n’a pas cédé en 17 mois d’acharnement. Même si peu démocratique selon les normes occidentales, son idéologie socialiste (éducation généralisée et santé gratuites), laïque et panarabiste pour l’un des berceaux de la civilisation arabo-musulmane est un ciment cohésif stabilisateur.

Il cédera d’autant moins que nous assistons en direct à l’expression de l’impuissance occidentale dont le pendant est que deux pays émergents, l’un d’un chaos secondaire à l’effondrement de son empire, l’autre de sa longue stagnation économique, lésés par l’aventure libyenne, s’y opposent nettement.

La perte du marché libyen pour l’économie chinoise est un enjeu de politique nationale à la veille du renouvellement de l’équipe dirigeante lors du prochain congrès du PCC.

La Russie affermie dans son bon droit depuis son intervention en Ossétie est décidée à conserver son point de déploiement en Méditerranée. La Chine qui n’a pas d’enjeu réel en Syrie et même si elle se fait courtiser par les Séoud, fournisseurs majeurs de pétrole et demandeurs de son savoir-faire nucléaire appuie solidairement et pragmatiquement son partenaire de l’Organisation de coopération de Shanghai.

La diplomatie française quand elle énonce des fatwas qui encouragent l’homicide reprend pour son compte les homélies délirantes et terroristes d’un Qardaoui sur al Jazeera.

Elle s’inspire sûrement pour étayer ses déclarations des piètres travaux d’experts divers en propagande comme Guy Sitbon.

Elle serait plus avisée de s’apercevoir que son penchant à marcher sur les brisées de l’Émir qatari parricide symbolique et dispensateur très libéral de prébendes produit quelque effet dans les ‘banlieues inassimilables’ de la République. Des voyageurs de commerce industrieux embauchent. Ils proposent des mensualités de 5000 euros, salaire jugé acceptable pour ne pas être minable par le maire de Meaux Copé(lovici), pour aller libérer la Syrie.

De quoi en revenir garnis de quelques kalachnikov, voire de mortiers antichars et bien aguerris par un service militaire fourni à l’extérieur.

La Syrie a un tropisme attracteur pour les réfugiés des pays de la région. Les Arméniens ont établi leurs quartiers à Alep quand ils ont voulu échapper aux massacres des Jeunes Turcs.

La France s’est targuée de vouloir défendre la mémoire de ce génocide sous la pression d’un lobby qui a édicté sa loi à l’Assemblée Nationale. Soit. Mais ouït-on quelques mois plus tard les piaillements de ces mêmes belles âmes lorsque que les mercenaires des Wahhabites font irruption dans les quartiers alépins à majorité arménienne et exécutent les descendants des rescapés de ce génocide ?

L’incohérence est devenue une vertu.

Le choix de présenter un effet comme la cause le nouveau cartésianisme.

Prôner le meurtre, fût-il d’un ennemi ou d’un adversaire, une qualité diplomatique.

Puiser ses sources chez des écrivaillons très approximatifs et à l’occasion fortunés grâce à leurs publications pornographiques une garantie scientifique.

Ériger la paranoïa comme un principe de sagesse.

L’élite française, celle qui dirige le pays, sans distinction de l’armoirie vieillotte arborée sur son plastron sortie pour la chasse aux électeurs, est bien outillée et les mots pesés de son diplomate en chef soupesés et bien mal emballés.

Badia Benjelloun