La subversion officielle de l’information officielle

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Nous sommes très attentifs à la transformation de l’information par la manipulation officielle constante (des autorités politiques) de la communication de l’information, en plus des actes habituels de dissimulation ou de manipulation de l’information (propagande, mensonges, etc.). L’intérêt de notre époque est que cette manipulation de la communication met à ciel ouvert tous ces processus de subversion. Ce comportement pulvérise le mythe de l’objectivité. L’information officielle, qui est désormais et massivement la principale praticienne de cette manipulation de la communication, a permis d’entamer un processus radical de discrédit absolu du caractère “objectif” qui, pour nombre d’esprits, s’attachait encore à elle.

On a une indication de plus de cette évolution avec une remarque dans un article du Gardian de ce jour, qui aborde le sujet de la possible transformation d’une guerre locale en guerre générale (riposte tactique US en Iran à de soi-disant incursions ou interférences iraniennes en Irak pouvant devenir conflit généralisé) : «Proxy war could soon turn to direct conflict, analysts warn.

Cette remarque, qui est basée sur des remarques et des confidences sur un fait notoire et que l’administration US ne cherche pas à cacher, est la suivante:

«A US military spokesman in Baghdad, Major General Kevin Bergner, raised the stakes when he said the 240mm rocket that hit the US military headquarters outside Baghdad this week, killing an American soldier and wounding 11, had been supplied to Shia militants by Iran.

»Gen Bergner used to work in the White House, where he was aligned with administration hawks, and his dispatch to Baghdad was seen by some as a move to increase pressure on Iran.»

Traduisons : un porte-parole US apporte une précision qui est la prétendue description d’un fait par une interprétation, dont l’effet est d’accroître la tension entre USA et l’Iran. Bien que dans une fonction supposée politiquement neutre puisque ne faisant que répercuter une position politique, bien que général et donc doublement neutre, tout cela en théorie, le porte-parole est explicitement présenté comme un “faucon”, proche des néo-conservateurs, et agissant à découvert comme tel , et intervenant dans le sens qu’il le fait parce qu’il est un “faucon” : «… he was aligned with administration hawks [and] his dispatch to Baghdad was seen by some as a move to increase pressure on Iran.»

Un porte-parole est une personne prétendument neutre elle-même, par nature dirait-on. Même si elle retransmet une parole biaisée, elle n’est pas censée interférer elle-même et orienter elle-même, pour son propre compte dirait-on, les informations qu’elle donne. Voilà un cas où l’on nous expose in fine le contraire. Le porte-parole a sa politique et dit certaines choses, dont la validité est ainsi complètement pervertie en tant qu’information répercutée, et il communique des informations dans le but de servir sa propre politique; le porte-parole devient lui-même, entre l’autorité politique qui lui donne des informations et la presse à laquelle il les communique, un homme de manipulation et de décision politiques. On a coutume de dire : “Don’t shoot the messenger” s’il nous apporte une nouvelle contestable ou détestable, parce qu’il n’est pas responsable de la nouvelle. Eh bien, dans ce cas, c’est non; le messager a lui-même concocté la nouvelle. On peut donc y aller : “Shoot the messenger”.

La conséquence est que cet homme, ce “général porte-parole”, discrédite absolument la fonction de porte-parole et la “parole officielle” qu’il est censé transmettre. Ce n’est sans doute pas nouveau depuis quelque temps, mais l’évidence du cas ici, son exposition en pleine lumière, est riche d’enseignement. Le cas pulvérise un peu plus la notion objective de “parole officielle” puisque la parole officielle, même biaisée comme on la connaît, est susceptible d’être manipulée à son tour par ceux qui la transmettent. Ce cas est une bonne chose dans la mesure où il nous conforte un peu plus dans le rejet général de l’“objectivité” de tout ce qui est parole officielle. Le devoir vis-à-vis de la parole officielle est aujourd’hui celui d’un soupçon systématique et d’un procès à mesure, — lequel pourrait certes, dans des cas limites, déterminer une éventuelle innocence. Le principe de justice est retourné : la parole officielle doit être proclamée coupable avant d’éventuellement parvenir à prouver son innocence, si elle le peut et si elle l’est.


Mis en ligne le 15 septembre 2007 à 10H04