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16 mars 2004 — Nous débattions hier, dans nos deux textes et à un propos différent, de la perception américaine des conséquences de l’attentat de Madrid. Cette supputation se situait dans le cadre d’une analyse de la situation créée par les élections espagnoles ; aussi bien que dans le cadre de précisions données sur l’hypothèse de la “stratégie de la tension”, adaptation présente d’une stratégie clandestine développée en Italie et en Belgique, dans les années 1970-1980, par des groupes d’extrême droite manipulés par certains services clandestins américains. Il s’agissait pour nous d’exposer la différence de perception et de réaction des Américains et des Européens dans le cas d’une attaque de cette importance.
Nous complétons ces analyses, d’abord en mentionnant un extrait d’un article du New York Times du 15 mars, qui ajoute un élément important, cette fois sur le long terme. Après avoir rappelé qu’il y a une semaine encore, tout le monde à Washington attendait une victoire d’Aznar (« Only last week several senior members of the administration said they fully expected that his conservatives would emerge victorious. »), — ce qui était d’ailleurs l’analyse générale et le verdict des sondages ; le journal ajoute cette phrase qui, elle, est particulièrement intéressante pour notre propos
« In fact, months ago a senior adviser to Mr. Bush predicted that should a terrorist attack occur in Europe, it would probably drive the Europeans closer to the United States and its approach to the campaign against terror, not away from it. »
Cette idée est bien fondamentale et tient à la psychologie américaine autant qu’au précédent de l’attaque du 11 septembre 2001 (regroupement autour du Président, comme le montrèrent les sondages et les divers comportements aux USA pendant des mois après 9/11). Elle est si forte que, selon des sources indépendantes US, une analyse au sein de l’administration réalisée après l’attentat, prédisait une victoire massive du parti de José Maria Aznar. (L’analyse est du NSC ou du département d’État, éventuellement de l’ambassade US à Madrid, la précision n’est pas donnée.)
Certains commentaires au sein de l’administration allaient jusqu’à des hypothèses exceptionnelles : un véritable raz-de-marée du Parti Populaire, conduisant à des pressions sur Aznar pour qu’il revienne, à la demande du parti, sur sa promesse et continue d’assurer la fonction de Premier ministre. Cette hypothèse ne prenait pas en compte les complexités constitutionnelles d’une telle situation mais marquait sans aucun doute l’ampleur de la distorsion de l’analyse américaine. Par contre, elle satisfaisait complètement la vision européenne de l’administration.
« En fait, disent nos sources, c’est, d’une façon discrète parce que Washington n’a pas eu le temps de poser un geste officiel qui aurait témoigné de cette prévision, l’une des plus complètes erreurs d’analyse prévisionnelles à Washington dans le cas d’une situation pré-électorale, depuis que les États-Unis sont engagés hors de leur zone d’influence, depuis 1945. Dimanche soir, l’administration était KO debout. »
Cette situation va certainement alimenter les diverses hypothèses que nous évoquons par ailleurs. Surtout, elle laisse prévoir un comportement américain très imprévisible dans le futur, à l’égard d’une situation espagnole, et d’une situation européenne de façon plus large, de plus en plus perçue comme hostile à Washington.
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