La Syrie à l’ombre des souvenirs de la Libye

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L’évolution et les perspectives de la situation en Syrie ne se jugent pas au jour le jour, ou, dans tous les cas ne devraient pas. Elles devraient l’être à la lumière de la situation en Libye, de l’origine de l’intervention du bloc BAO à la situation actuelle, puisque le “modèle libyen” est invoqué pour la Syrie… Mais cette “lumière”-là est plutôt une ombre, car le souvenir libyen est ramené au rrang du cliché, souigneusement limité aux domaines qui arrangent ceux qui en usent.

Quoi qu’il soit, une appréciation de la situation libyenne, aujourd’hui, est toujours intéressante pour juger de ce qu’il en est, en vérité, du “modèle libyen”. Il s’agit bien, dans ce cas, de “la lumière” dispensé par la situation libyenne, et nullement de l’ombre des clichés arrangés par ceux qui cherchent un arrangement avecl la réalité, pour éviter les inconvénients de la vérité. Un texte de Russia Today du 28 mars 2012, après de nombreux autres sur le sujezt, mérite donc une saine lecture. Il montre, à cette même “lumière”, que le pire est toujours possible, y compris le pire du pire… Aujourd’hui, la Libye est un “non-Etatt” (“non-state”), c’est-à-dire un État pulvérisé encore plus qu’un “État failli” (“failed state”). Pas de surprise, donc.

«50 have been killed and dozens injured in Libya as tribal groups are fighting in the country’s south. After the overthrow of Muammar Gaddafi, Libya is left in a condition which some residents call a ‘non state’.

»The fighting between rival armed militias, ongoing since Sunday, has spilled into the center of Libya’s third largest city of Sabha on Tuesday. The country’s National Transitional Council initially sent out 300 of its troops to calm the situation but the contingent had to be reinforced two-fold, Reuters said. However, there are reports that the national army may have retreated from the city. “We know that they are here to try to solve the problem and not fight,” Sabha fighter Oweidat al-Hifnawi told the agency. “There are unconfirmed reports that they have retreated out of the city.”

»The fighting resulted in the resignation of an NTC representative to Sabha, Abdulmajid Saif al-Nasser. He said that he was leaving his post as the council proved unable, or unwilling, to curb the violence. “I have not seen any reaction from the Council to what is happening now in Sabha. The air force has not been sent out, there was only a plane from the health ministry carrying medicine,” he said. “The state is supposed to intervene in these cases but there is no state.”»

Tournons-nous vers la Syrie, “éclairée” par l’“ombre” des souvenirs libyens. Une simple et furtive notation dans un article du Guardian du 27 mars 2012, exposant a position implicitement “officielle” du bloc BAO (et celle du Guardian, totalement aligné désormais sur la presse-Système), nous “éclaire” dans ce jeu de clair obscur. On nous expose irréfutablement combien le régime Assad continue à être exécrable, notamment lorsqu’il accepte un plan de paix (celui d’Annan, parlant au nom de toute la communauté internationale), refusé par les “rebelles” avec l’appui tacite du bloc BAO, puisqu’on ne peut faire décidément confiance à Assad ; et ainsi de suite, au rythme de la verve sophiste et invertie de la diplomatie du bloc et de la presse-Système… Sur la fin, donc, cette remarque, qui prend en compte le constat inévitable auquel on est aujourd’hui contraint de l’extraordinaire division des “rebelles” anti-Assad en Syrie, situation fort contrariante  :

«Western governments are frustrated by the divisions in the opposition camp and urging them to formulate a unified position — like the Libyans fighting the Gaddafi regime last year.»

Pauvre et héroïque bloc BAO, soumis ainsi à une frustration qui le récompense bien mal de sa constante vertu… D’ailleurs, quelle frustration ? Celle du constat que les rebelles syriens ne suivent pas l’excellent modèle des rebelles libyens, qui ont montré tant de vertus coordinatrices, organisatrices, virtualistes à notre exemple et ainsi de suite. On peut alors mesurer cette frustration en grandeur nature et en cécité réelle, en comparant le “modèle libyen” qui continue à être perçu comme un exemple de la lumière occidentaliste à suivre, avec la situation présente de la Libye, qui est l’enfant indiscutable de cette lumière ; et conclure que la frustration est notablement sophistique et sélective, et nous en dit plus long sur la situation de la psychologie de nos diplomates que sur celle de la Libye et de la Syrie.

…En effet “situation de la psychologie de nos diplomates”, bien plus, par exemple, que du cynisme, c’est-à-dire la conscience assumée de l’énormité qu’on préfère dans un but intéressé en donnant pour exemple méthodologique les “rebelles” libyens lorsqu’on sait où en est la Libye un an après. Mais le savent-ils ? Ou, plutôt, leur connaissance de la situation libyenne, qui est certainement avérée puisque la chose est au vu et au su de tout le monde, se trouve-t-elle confrontée, dans leur esprit, à la publicité qu’ils font des “rebelles” libyens pour qu’on applique la méthode aux Syriens ? Ont-ils l’organisation intellectuelle et psychologique nécessaire pour comprendre que, dans cette matière où la pente vers le chaos est irrésistible, les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Et que les “rebelles” libyens, qui ne s’étaient unis que transitoirement, pour attirer le chaland qui était peut-être un gogo (la diplomatie du bloc BAO), ont amené la Libye dans le chaos indescriptible où elle se trouve, de la même façon que les “rebelles” syriens y conduiraient la Syrie s’ils l’emportaient, et qu’alors leur demander une organisation apparente pour faire passer la pilule revient à désirer conduire la Syrie au chaos ? Tout cela n’a aucune existence pour les directions politiques occidentales, qui ont perdu toute capacité de faire de ces constructions intellectuelles, lesquelles caractérisées pourtant par la simplicité de l’évidence.

Donc, notre appréciation est qu’il n’y a aucun cynisme, et qu’ils croient vraiment être “à nouveau” (!) sur la voie de la libération et des droits de l’homme pour la Syrie. Ce ne sont pas des choses qui se prouvent mais qui s’éprouvent, et nous les éprouvons à la lumière (la vraie, celle-là) de témoignages de très rares personnes de bonne compagnie placées au cœur des processus en cours dans diverses bureaucraties de pays et d’organisations du bloc BAO, et qui mesurent l’absence complète de calculs machiavéliques, donc de cynisme, dans le chef des bureaucraties et des diplomates, qui organisent l’étrange “vision” des choses qu’on décrit. Il s’agit plus simplement d’une étrange atonie de la pensée, sinon d’une lobotomisation psychologique de l’esprit. Ces gens sont nécessairement conduits à penser sur un délai très court, sur des sujets très sélectionnés et très délimités, séparés les uns des autres par des cloisonnements étanches, tout cela empêchant une appréciation synthétique de la situation, et selon une dynamique propre aux bureaucraties et organisations postmodernistes. Les seules choses qui percent le cloisonnement de cette parcellisation des processus sont les slogans-mots d’ordre, ou “valeurs“ occidentalistes-américanistes, de la démocratie aux droits de l’homme, évidemment vidés de tout contenu concret mais forçant à une orientation politique systématique qui n’est sujet à aucune modification que l’expérience recommanderait, à aucune variation méthodologique. Ainsi la machine occidentaliste-américaniste, sans heurts particuliers, en se félicitant constamment des résultats obtenus qui la confirment dans ses choix fondamentaux, évolue-t-elle de catastrophe en catastrophe, selon une dynamique d’autodestruction parfaitement huilée, comme une sorte d’achèvement du système du technologisme.


Mis en ligne le 29 mars 2012 à 12H12