La Syrie, bientôt contre-“modèle libyen”?

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Avez-vous remarqué que nous n’avons aucune nouvelle de BHL ? Dès mai dernier, une fois si parfaitement réussie la libération de la Libye, BHL se lançait sur le sentier de la paix vers la Syrie… Et puis, plus rien. BHL n’est pas venue, triomphalement et en fanfarre, col échancré d’une éblouissante chemise blanche, lunettes de soleil style “forces spéciales” postmodernistes et humanitaristes, pour embrasser les insaisissables dirigeants du Conseil National Syrien (CNS, ou SNC in English), en secret et en présence des photographes. Cette absence de BHL est un signe, car l’homme est rusé, et il sait quand voilà “une affaire qui marche”, et quand, on contraire, voilà un bâton merdeux qui ne l’aidera pas du tout dans les salons… Par conséquent, son absence sur le front signifierait bien que l’affaire syrienne n’est vraiment pas la reprise du “modèle libyen”.

Par ailleurs, des signes attestent que BHL à du flair. On s’arrêtera à deux nouvelles dans ce sens, qui permettent de commencer à mesurer la difficulté de nous faire prendre la Syrie pour la Libye.

PressTV.com annonce, le 14 mars 2012, que trois dirigeants importants du bloc CNS ont quitté leur position dans ce bloc. Leurs commentaires sont sévères. Il s’agit d’un cas intéressant, qui démarque l’affaire syrienne du “modèle libyen”, dans la mesure où le CNL de Libye avait plus ou moins réussi à maintenir une unité de façade jusqu’à la chute de Kadhafi, entérinant la narrative de la réussite du “modèle” par le fait acquis de la prise de pouvoir par le CNL. La suite (le désordre se développant jusqu’à la menace de partition, l’établissement de pouvoirs concurrents, etc.) a joué un rôle extrêmement faible puisque l’attention du système de la communication avait abandonné l’affaire libyenne après avoir bouclé sa narrative, la Libye étant classée comme “succès” extraordinaire de l’humanitarisme interventionniste du bloc BAO.

«Three prominent members of main Syrian opposition group have broken away, accusing the group of serving the interests of foreign countries. According to a Syrian National Council (SNC) official, Haitham al-Maleh, Kamal al-Labwani and rights activist Catherine al-Telli left the main opposition bloc due to their “disagreements” with the SNC.

»Al-Labwani, however, said that they resigned because they did not want to be “accomplices to the massacre of the Syrian people.'” He also accused head of SNC Burhan Ghalioun of running the organization autocratically. The SNC is “linked to foreign agendas which aim to prolong the battle while waiting ... for the country to be dragged into a civil war,” said al-Labwani, adding that “There is no council, it's an illusion.” He also said that many more will quit the council in the coming days.

»Al-Maleh said he was quitting over lack of cooperation in the council and al-Telli cited the SNC's “inefficiency” on “certain personalities and political trends” as the reason for her resignation. "There is no transparency and there is no respect for other opinions. They aren't given the work the attention that it needs to fulfill the ambitions of the Syrian people,” al-Maleh said.»

• D’autre part, il y a l’affaire Aljazeera, avec le départ de journalistes chevronnés, la dénonciation des méthodes de la chaîne revue et corrigée par le gouvernement du Qatar, particulièrement en Syrie. La chose est désormais aggravée par la diffusion de vidéos montrant des montages faits par l’opposition syrienne, sur le terrain, pour Aljazeera et d’autres chaînes (BBC, CNN, Al Arabiya). Russia Today ne manque pas, ce 14 mars 2012, de donner quelques détails sur les falsifications en cours, notamment avec les aventures d'un expert en la matière, l'excellent “Danny”…

«Some mainstream news channels have been recently caught carrying dubious footage from Syria. It fuels the debate over media's role in legitimizing possible military intervention in the country.

»‘Danny’ is a Syrian opposition activist who reports from Homs for CNN, BBC, Al Jazeera and Al Arabiya. He is attached to the opposition movement and regularly calls for military invasion of Syria. He's identified as Danny Abdul Dayem, a 22-year-old British citizen of Syrian origin. In a video leaked online, Danny appears to be falsifying a video broadcast for CNN. Prior to going on air, he requests colleagues to fire weapons to dramatize his Live report with Anderson Cooper. Though he denied any wrongdoings in an interview to CNN after the video went viral, his reliability as a verified news source was called into question.

»Danny is far from being a lone soldier in an increasingly dirty information war. Investigative journalist Rafik Lotf has spent months looking at the background to footage that has helped shaped global opinion on the conflict. He told RT that Al Jazeera is involved in video fabrication to discredit the Syrian regime and cites a video described by Al Jazeera as proof Syrian Govt forces had bombed an oil pipeline. “I know this video is on the Al Jazeera server. It is clear it is not an explosion but they ignore that and keep on reporting on the way they need to see it,” he said.»

Les conditions générales de l’affaire syrienne, la présence des Russes et des Chinois comme acteurs actifs et hostiles au bloc BAO, l’absence d’une résolution de l’ONU autorisant une intervention quelconque pouvant être exploitée par le bloc BAO ; la connaissance désormais avérée d’acteurs arabes pas vraiment recommandables du point de vue de la vertu démocratique (l’Arabie), et le rôle démesuré du Qatar ; l’entrée dans le jeu d’un négociateur représentant officiellement l’ONU (donc le bloc BAO) et la Ligue Arabe et échappant complètement à l’archétype de la personnalité manipulée (Kofi Annan), tout cela contribue également à rendre extrêmement difficile la reproduction du “modèle libyen”. Plus encore, la position de la crise syrienne, ses liens avérés avec la crise iranienne, en font un cas très délicat à manipuler. Les conditions internes de la crise étant de plus en plus chaotiques et antagonistes, ce risque d’une extension à une crise internationale majeure rend encore plus aléatoire la stratégie du bloc BAO. Au contraire de la crise libyenne, la crise syrienne s’inscrit effectivement dans le schéma de la crise haute, ce qui est une position très dangereuse.

On pourrait alors observer qu’on avance de plus en plus vers ce qui pourrait être un contre-“modèle libyen”, c’est-à-dire une crise qui mettrait à mal les entreprises du bloc BAO au nom du faux masque humanitariste et décrédibiliserait toute la campagne lancée depuis l’affaire libyenne. Tout l’avantage supposé (qui reste à démontrer) de la stratégie de l’interventionnisme humanitariste établie avec le “modèle libyen” pourrait alors se retourner complètement et apparaître comme un désavantage dangereux, conduisant à l’implication des acteurs de cette stratégie dans une affaire pouvant avoir des ramifications extrêmement risquées.


Mis en ligne le 15 mars 2012 à 10H53