La Syrie, l’ONU et le tournant de la Russie

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 5 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 1347

A l’ONU, les dignes représentants de la “communauté internationale” (notamment France, UK, Allemagne, bref les délégués de la bande du bloc BAO) voulaient faire condamner la Syrie pour les violences qui s’y déroulent. Ils ont connu un cinglant échec qui a une certaine signification, plus large que la seule affaire traitée. L’attitude de la Russie est le point principal de l’événement, et elle pourrait marquer un tournant dans l’évolution politique de cette puissance, avec une sérieuse et soudaine prise de distance de la fameuse “communauté internationale”/BAO.

AlJazeera.net fait un long compte-rendu sur la séance de l’ONU à New York, nous donnant tous les éléments dont nous devons disposer, ce 28 avril 2011.

Les circonstance d’abord :

«The UN Security Council has failed to agree on a statement condemning Syria's deadly crackdown on peaceful protesters. Envoys attending a special open meeting on Syria in New York on Wednesday said Russia, China and Lebanon opposed the wording of a draft statement distributed by European nations.

»France called for "strong measures" if Bashar al-Assad, the Syrian president, rejects appeals to end violence which has killed hundreds. The US said Assad must “change course now and heed the calls of his own people” for change.»

Il n’est donc rien sorti de cette réunion, sinon une réelle défaite pour les pays qui avaient pris l’affaire en mains, au nom du bloc BAO, la France en tête selon sa nouvelle et glorieuse ligne de libéralisme interventionniste, mélange de “liberal hawks et de “neocons” version Rive Gauche. Mais il nous en restera, de cette même réunion, une attitude tranchée et sévère de la Russie, que le texte d’Aljazzeera.net signale sans ambages.

»Russia, after blocking a Security Council statement condemning the violence, however insisted that the Syrian crackdown did not amount to a threat to international peace and security, grounds that would justify international action. “A real threat to regional security could come from outside interference,” Alexander Pankin, the Russian deputy UN ambassador, told the council. […]

»Al Jazeera's Kristin Saloomey, reporting from the UN headquarters, said any hope for Security Council action is “Dead” for the moment. “The council was not able to agree on even the most basic form of the statement calling for calm and calling for an investigation.” She said Russia offered the strongest opposition to the move, saying they were concerned about violence in Syria, but on both sides.

»“In the end there were isolated statements of concern from various countries, but no unified action by the council.” China and India called for political dialogue and peaceful resolution of the crisis, with no mention of condemnation...»

L’agence Novosti a publié plusieurs textes, de simple rapport des nouvelles, mais dans des termes et sur des interventions qui renforcent l’impression d’un réel agacement de la Russie, et l’idée d’un changement de politique russe en cours.

• Toujours à propos de la réunion de l’ONU, cette dépêche du 28 avril 2011 sur l’intervention du délégué russe à l’ONU.

«La Russie n'estime pas que la crise en Syrie constitue une menace pour la sécurité internationale qui justifierait une intervention étrangère, a déclaré mercredi Alexandre Pankine, ambassadeur adjoint de la Russie à l'ONU, lors d'une réunion spéciale du Conseil de sécurité sur la Syrie. La crise en Syrie “ne représente pas une menace pour la paix et la sécurité internationales”, a indiqué le diplomate russe, qui rappelle que les violences en Syrie ne sont pas unilatérales. “Notamment, une fusillade d'un convoi militaire, des attaques armées contre des sites militaires, des assassinats de policiers ont eu lieu dans ce pays”, a précisé l'ambassadeur adjoint russe.»

• Le 27 avril 2011, une dépêche sur des déclarations du président de la commission des affaires étrangères de la Douma, ces déclarations présentées comme une “mise en garde” de Moscou à Washington («Moscou met en garde Washington contre la répétition des méthodes “libyennes”»).

«Le président de la Commission pour les Affaires internationales du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe), Mikhaïl Marguelov, a mis en garde les Etats-Unis contre l'emploi de méthodes “libyennes” dans d'autres pays instables. “Compte tenu de l'expérience libyenne, la réaction de la Russie au recours à la force dans un tel cas serait sans doute différente aujourd'hui. Les Américains ont accueilli cette information avec compréhension”, a fait savoir mercredi à RIA Novosti le sénateur russe, en visite à Washington.»

En d’autres mots, les Russes commencent à en avoir assez, des méthodes américanistes-occidentalistes, des humeurs belliqueuses de quelques dirigeants européens qui jouent les Bush nouvelle version, de l’indécision et des attitudes spécieuses du BHO des USA, de la continuelle prétention du bloc BAO, malgré la monotone succession de ses échecs, à jouer au gendarme vertueux des temps postmodernes. Les Russes en ont assez des continuelles violations des résolutions et engagements internationaux d’intervention que le bloc BAO commet, après avoir initié et mis en forme lui-même ces résolutions et ces engagements. Les Russes en ont donc assez de cette prétention continuelle de vertu des Occidentaux, et des erreurs grotesques et déstabilisantes qui découlent de leurs actions intempestives et incontrôlées.

Leur nouvelle humeur, concrétisée par des positions fermes, pourrait bien être plus que de passage. On pourrait, au contraire, voir une rupture importante de la nouvelle politique russe mise en place au printemps 2010, lorsque les Russes se joignirent aux américanistes-occidentalistes contre l’Iran, dans une orientation qui ne s’est pas avérée particulièrement heureuse et qui s’est montrée notablement improductive. Cette rupture impliquerait un retour pur et simple à l’attitude précédente de méfiance et de réserve critique des initiatives du bloc BAO dans ce domaine de l’interventionnisme libéral sur les théâtres extérieurs. Mais les Russes seraient aujourd’hui en position beaucoup plus forte, pour deux raisons.

• La première est qu’entretemps le bloc BAO s’est considérablement affaibli, avec la poursuite de l’effondrement US, avec les échecs poursuivis et confirmés de leurs initiatives interventionnistes et avec les méthodes bien peu adéquates et particulièrement déstabilisantes, contribuant à réduire leur influence (l’effet de l’humeur fantasque et des intérêts personnels de certains chefs d’Etat et de gouvernement, comme Sarkozy et Berlusconi).

• La seconde raison est qu’ils se placent, les Russes, dans un cadre beaucoup plus strict et affirmé d’hostilité à cette politique américaniste-occidentaliste, notamment avec les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui ont montré leur unité politique à leur réunion de la mi-avril, et dans le sens qui convient à la Russie : condamnation des conditions de l’intervention du bloc BAO en Libye. La politique générale suivant des paramètres désormais très éloignés des grandes logiques géopolitiques et des intérêts nationaux réduits à leurs seuls champs d'action et à leur seule géographie, ces cinq pays très éloignés les uns des autres trouvent et vont trouver de plus en plus de points d’entente pour des dispositions communes, sur des problèmes internationaux généraux, malgré leur dispersion géographique. Là aussi, nous sommes au temps du système de la communication et à l’ère psychopolitiques.


Mis en ligne le 27 avril 2011 à 12H23