La “tentation” protectionniste

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On pourrait dire qu’il y a, à nouveau, une séparation entre, d’une part, le monde financier et le monde de la prospective économique qui va avec, les deux s’entendant pour retrouver une sorte d’“humeur printanière” à la perspective de la “reprise” qui s’annonce déjà; et, d’autre part, l’“économie réelle”, qui continue d’endurer des conditions épouvantables et qui est placée devant des perspectives d’aggravation supplémentaire. C’est de cette “économie réelle” que nous voulons parler, notamment en raison de bruits, provenant des USA notamment, qui font penser qu’une tendance protectionniste sérieuse est en train de se développer.

Le 27 avril 2009, Reuters présentait l’analyse de l’American Chamber of Commerce in China, présentant ce jour-là son rapport annuel sur la situation du commerce et des échanges entre la Chine et les USA. L’ACCC craint le développement du protectionnisme dans cette période de crise économique profonde, aussi bien en Chine qu’aux USA. «“The risk is higher in an economic downturn” that governments will turn to protectionism, AmCham China Chairman John Watkins told reporters. “We want to highlight that risk in both countries,” he said.»

Reuters met en évidence des cas récents qui, selon l’ACCC, relèvent d’une démarche protectionniste. A cette occasion, et même si les cas concernent surtout la Chine, nous est confirmé indirectement que la clause “Buy American” existe toujours, bel et bien, dans le “plan de stimulation” US, qu’elle est considérée, dans l'esprit, comme permettant effectivement des pratiques protectionnistes sous le couvert avantageux d'un langage extrêmement vague.

«On Friday, China approved a postal law that could severely restrict foreign companies such as FedEx Corp and TNT in the fast growing express delivery sector. That law comes only weeks after Beijing blocked Coca-Cola Co from buying China Huiyuan Juice, a case that sparked widespread nationalist sentiment in the mainland.

»A “buy American” provision in U.S. President Barack Obama's stimulus plan attracted criticism from trading partners around the world. The postal law's vague wording also opened the door to inconsistent or arbitrary implementation, highlighting another major complaint of U.S. businesses.»

D’une façon plus générale, pour ce qui concerne les USA, on commence à apprécier que l’actuelle crise automobile porte sans doute des pressions suscitant une orientation protectionniste. L’état d’esprit est palpable dans ce billet du 30 avril 2009, mis par Robert Reich sur son site RobertReich.blogspot.com. Le point est d’autant plus remarquable que Reich, économiste réputé et ancien secrétaire au travail de l’administration Clinton, s’est toujours gardé de recommander explicitement le protectionnisme, – même si ses choix idéologiques et économiques ne le portent certainement pas vers les thèses ultra-libérales. Cette attitude habituelle de Reich revient surtout, pour lui, à prendre ses distances des courants populistes qui sont, aux USA, les avocats du protectionnisme, – ou du “néo-protectionnisme”, dans tous les cas, selon la terminologie démocrate.

Cette fois, au contraire, le ton est sans ambages; il s’agit d’une plaidoirie populiste et protectionniste. La logique du propos est droite et claire, et le court billet mérite citation complète.

«GM just announced it was laying of 21,000 more of its workers, as a means of assurring the Treasury Department the company is worthy of more bailout money. A Treasury official was quoted as saying approvingly that the goal is a “slimmed-down” GM.

»What? Having General Motors or Chrysler cut tens of thousands of jobs in order to be eligible for a government bailout reminds me of “saving” Vietnam by bombing it to smithereens. Aren't we giving these companies billions of taxpayer dollars to save jobs? If not, we're just transferring money from taxpayers to GM and Chrysler bondholders and shareholders.

»I agree with those who say the United States needs an auto industry. But there's no point spending tens of billions of taxpayer dollars for an auto industry that's a tiny fragment of what it was before. We could achieve that objective by doing nothing.

»Besides, as I've said before, the “American auto industry” shouldn't be defined as auto companies whose headquarters are in the United States. The true “American auto industry” is Americans who make automobiles. At the rate the Big Three are shrinking even as they’re bailed out, foreign automakers with American plants may soon employ more Americans than the Big Three do. The Big Three have gone global anyway. A Pontiac G8 shipped by GM from Australia contains far less American labor than a BMW X5 assembled in the United States. General Motors' European subsidiaries include Opel and Saab. Ford also has operations around the world. It even owns Volvo.

»The purpose of any auto bailout ought to be to help American auto workers keep their jobs, regardless of whether they work for GM or Toyota or anyone else. Or if they lose their jobs, help them get new ones that pay almost as well. Yet we’re doing exactly the opposite: We're paying GM and Chrysler billions of taxpayer dollars to keep them afloat while they cut tens of thousands of American jobs and slash wages. There's no good reason why taxpayers should foot any of this bill unless the Big Three agree to keep their workers employed while they try to turn themselves around.»

C’est une sortie intéressante, de la part d’un commentateur de ce calibre, qui prend toujours garde de ne pas se laisser emporter par les sentiments. Dans ce cas, manifestement, les sentiments parlent (et, d’ailleurs, les circonstances le justifient). Il s’agit de jugements auxquels on est conduit par les situations iniques que réserve la crise de ce système, où les premiers “punis” et les premières victimes sont nécessairement les plus faibles et ceux qui n’ont aucune responsabilité dans la catastrophe. Tout cela est à la mesure de frustrations diverses qu’éprouvent les uns et les autres, notamment les démocrates de la tendance Reich (de gauche) qui soutiennent et continuent à soutenir Obama, – tout en considérant que le président fait beaucoup trop de concessions aux patronat et à Wall Street, – tout en estimant, par réalisme bien entendu, qu’il ne peut faire autrement que nombre de ces concessions, – et ainsi de suite.

C’est bien de frustration qu’il s’agit, quand l’on ne peut dénoncer les vrais coupables que l’évidence vous désigne pourtant, quand l’on est obligé de soutenir une action dont on perçoit évidemment les limites, voire la compromission. Un tel climat psychologique, dans la tension extrême de la crise, alors que l’évidence des situations invite à protéger l’économie blessée, est extrêmement favorable au protectionnisme, avec d’ailleurs la reconnaissance que la chose est complètement justifiée malgré l’ukase à ce propos du politically correct. La possible évolution d’un Reich et d’autres économistes de son parti et de son calibre, reflète sans aucun doute un sentiment montant dans la direction américaniste, dans tous les cas du côté démocrate et du côté des bureaucraties gouvernementales.


Mis en ligne le 2 mai 2009 à 15H19

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