La thèse du blowback financier

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La thèse du blowback financier

Le bloc BAO, avec les USA comme meneurs impénitents, a déjà mis en place un premier train de sanctions contre la Russie. La logique de l’acte est semblable à ce qui a été pratiqué contre l’Iran : la soi-disant recherche d’un arrangement avec les Russes qui serait en fait une capitulation déguisée de la Russie, recherche “soutenue” par des menaces dont certaines concrétisées sous la forme de sanctions. Mais la Russie n’est pas l’Iran.

Effectivement, les Russes ont déjà répondu en avertissant implicitement qu’ils riposteraient contre les sanctions décidées contre eux par des mesures du même type, dont les effets pourraient être extrêmement dommageables pour le bloc BAO. Lavrov a parlé à Kerry vendredi 7 mars au téléphone, affirmant que toute sanction prise contre la Russie “affecterait inévitablement les Etats-Unis comme un boomerang”. La Douma travaille sur une loi autorisant le gouvernement à geler tous les avoirs des sociétés US et européennes travaillant en Russie en cas de sanctions (voir Russia Today, le 5 mars 2014). Mais si l’on évolue dans les considérations plus spéculatives qui prennent en compte une aggravation de la situation dans la crise ukrainienne, on voit se développer, surtout du côté de commentateurs et analystes du bloc BAO tenant des positions “semi-dissidentes” ou “indépendantes” par rapport au Système, des hypothèses et des scénarios beaucoup plus structurés et caractérisant une situation générale d’évolution catastrophique.

• D’abord, nous revenons sur Alexander Kaletsky, dont nous avons publié quelques considérations sur la situation politique et stratégique de la crise ukrainienne, avec notamment une analyse de la situation russe. C’est à la lumière des analyses de Kaletsky que nous avons parlé à propos de Poutine d’une “doctrine Cortez”, qui consiste à se mettre dans une position (en Crimée) qui exclut tout recul. (Voir le 4 mars 2014, un extrait de l’analyse de Kaletsky datant du 3 mars : «Putin’s decision to back himself into this corner has been derided by the Western media as a strategic blunder but it is actually a text book example of realpolitik. Putin has created a situation where the West’s only alternative to acquiescing in the Russian takeover of Crimea is all-out war.») Dans un commentaire qu’il donne à Reuters le 6 mars 2014, Kaletsky confirme complètement son analyse, en gratifiant plus que jamais Poutine d’une position de force, et en confirmant la probabilité qu’il sortira vainqueur de l’épreuve de force. Mais surtout, pour notre propos, il développe une analyse de ce que furent les réactions des marchés boursiers lors de crises mondiales d’une intensité semblable. Cette analyse montre l’extrême sensibilité de ces marchés vers une baisse très marquée, et leur retour à la normale seulement la crise complètement terminée, et souvent bien des mois plus tard. Pour la crise présente, Kaletsky voit une sensibilité équivalente, mais aussi le signe que les marchés boursiers semblent juger que c’est la Russie qui sortirait victorieuse de ce qui est désormais devenu une confrontation directe avec les USA.

«Looking back through financial history at comparable episodes of severe geopolitical confrontation, stock-market investors have usually done well to wait for clear evidence of a decisive outcome before plunging in.

»In the 1991 and 2003 Iraq wars, for example, investors did well to “buy on the sound of gunfire,” but only after the outcome of the engagement was clear. In 2002, the Standard & Poors 500 index fell by 25 percent during the run-up to war. It only turned decisively in March, when the U.S. attack on Iraq began, gaining 35 percent by the end of the year. Similarly in 1990 and 1991, it was only six months after Saddam Hussein’s invasion of Kuwait, when victory for the U.S.-led forces in Iraq had become inevitable, that equities advanced strongly. They gained 25 percent over the next four months.

»A better analogy for the current confrontation may be the 1962 Cuban Missile Crisis. After a summer of nervous speculation in which stock markets around the world fell by 20 percent, President John F. Kennedy confronted Russian leader Nikita Khrushchev with a nuclear ultimatum to remove Soviet missiles from Cuba. Within a week, Wall Street started rising and ultimately gained almost 30 percent in six months. But the 1962 rebound only started once it became clear that Khrushchev was backing down and Kennedy had won the war of nerves. A logical explanation for this week’s stock market movements is that investors now see a similar outcome in Ukraine.

»But this time with Russia as the winner.»

• Sur son site The Economic Collapse spécialisé dans les analyses catastrophistes de la situation économique mondiale quasi-exclusivement dans sa dimension américaniste, Michael Snyder s’est écarté de cette ligne éditoriale stricte en y incluant la crise ukrainienne, avec ce qu’il estime être les retombées économiques (évidemment catastrophiques selon lui). C’est un signe effectivement de la tendance actuelle qui se développe de lier directement (et non pas seulement dans les effets indirects automatiques de l’événement politique vers les effets financiers et économiques) la crise ukrainienne dans sa dimension politique en plein développement, et la crise ukrainienne dans sa dimension économique et financière dépassant largement ce contexte pour se globaliser comme nouvel aspect de l’affrontement Russie-USA. Son texte du 6 mars 2014 est repris par Tyler Durden sur ZeroHedge le 7 mars 2014.

«On Thursday, Obama announced “visa restrictions” on “those Russians and Ukrainians responsible for the Russian move into Ukraine's Crimean Peninsula”, and a House panel passed a “symbolic resolution” that condemned Russia for its “occupation” of Crimea. But those moves are fairly meaningless. Leaders from both political parties are now pushing for very strong economic sanctions against Russia, and there does not appear to be many members of Congress that intend to stand in the way.

»If the U.S. does hit Russia with harsh economic sanctions, what is going to happen? Is Russia going to back down? No way.

»So let's just play out the coming moves like a game of chess for a moment... • The U.S. slaps economic sanctions on Russia. • Russia seizes the assets of U.S. companies that are doing business in Russia. • The U.S. seizes Russian assets. • The Russians refuse to pay their debts to U.S. banks. • The U.S. government hits Russia with even stronger sanctions. • Russia starts dumping U.S. debt and encourages other nations to start doing the same. • The U.S. gets Europe to also hit Russia with economic sanctions. • Russia cuts off the natural gas to Europe. As I noted the other day, Russia supplies more than half the natural gas to a bunch of countries in Europe. • The United States moves troops into western Ukraine. • Russia starts selling oil for gold or for Russian rubles and encourages other nations to start abandoning the U.S. dollar in international trade.

»Of course the order of many of these moves could ultimately turn out to be different, but I think that you can see the nightmare that this game of “chicken”’ could turn out to be. And what would be the final result? Nothing would be resolved, but the global economy would greatly suffer.

• Marc Slavo, de SHTF Plan développe le même thème en l’étendant à la perspective d’un collapsus du système financier dans son ensemble. Il a déjà développé ce thème le 5 mars 2014, selon l’idée que Poutine va attaquer le “talon d’Achille des USA”, le marché boursier de Wall Street. (D’une façon anecdotique mais aussi symbolique, Slavo cite le cas d’un ancien conseiller de Reagan, Grady Means, qui annonçait, le 25 octobre 2012 dans le Washington Times, le crash de l’économie US pour le 4 mars 2014. Le 4 mars 2014, il y a eu la conférence de presse de Poutine sur la crise ukrainienne, qui pourrait, lorsqu'elle pourra être appréciée rétrospectivement, constituer un tournant de la crise dans la perspective, et, peut-être, un processus de dégradation de la structure financière et économique US... Bref, les symboles, au moins, abondent.) Plus proche de nous, Slavo cite dans son texte référencé le commentateur financier Greg Mannarino, expliquant la théorie de l’attaque de Poutine contre Wall Street («Putin understands the Achilles heel is this hyperinflated stock market… this man is brilliant»), – sur YouTube, le 4 mars 2014...

«Contrarian investor and commentator Greg Mannarino thinks it could be happening right now, and he explains his highly viable theory in the broadcast below. In essence, Mannarino warns that Russia’s Vladimir Putin may be using the current geo-political climate to position his pieces on the grand chessboard with the end game being a total wipe out of domestic equity markets and the U.S. dollar itself. Given the horrid economic fundamentals in the U.S., mounting and un-serviceable debt levels, and the fact that China is now moving lock-step with their Russian counterparts, could we be seeing the final stages of a coordinated strike on U.S. economic and financial interests?»

• ... Quant à lui, Slavo, il développe sa propre prospective, dans un texte SHTF Plan du 7 mars 2014, repris par Infowars.com le 8 mars 2014. Il cite d’autres commentateurs économiques de l’internet allant dans le même sens, notamment John Williams sur son site Shadow Stats...

«Earlier this week we noted that an invasion of the Ukraine by Vladimir Putin would likely lead to a complete destruction of U.S. stock markets. It’s not so much the invasion force itself, but rather, the economic maneuvers that would come with it should Russia take this course of action. Well known economist and founder of the Shadow Stats web site John Williams seems to agree. If Russia were to begin unloading US Dollars it would almost instantly lead to a collapse of not only our financial markets, but our entire way of life. And while Russia alone may not have the economic power to single-handedly crush the U.S. economy, if their trading partners and allies like China got into the mix, coupled with front-running investors who may suspect the move is about to happen, it could well be a blood bath on a global scale. [...]

»So, in reality, Russia can probably sit back and watch the U.S. economy slip into a coma over the next couple of years. Of course, if their intention is to return their nation to super power status, an attack on the US economy by dumping the dollar would speed up the process and amplify the fall-out, causing a multi-generational depression.

»Last year Barack Obama faced off with Russia over Syria, a situation that could easily have led to a much wider conflict. Now, the same players have taken the game to Ukraine. In both instances we’ve heard warnings of a potential collapse of our economic system in the event of an escalation. The point is that it really doesn’t matter if it’s Syria, Ukraine, Iran or some other periphery conflict. It should be clear that eventually this is exactly how it’s going to play out with respect to the US dollar. China and Russia will make their move when they are good and ready. When that day comes the implosion will be so fast that most Americans won’t even realize what has happened or know how to cope.»

Ce qui nous intéresse dans ces diverses interventions, ce n’est pas le contenu de telle ou telle thèse, telle ou telle analyse, on le comprend aisément. Ce qui nous intéresse, c’est effectivement de voir se développer une spéculation sur un volet financier-puis-économique de la tension entre le bloc BAO et la Russie, – avec élargissement très probable et très rapide au reste (Rest Of the World) si ce volet financier-puis-économique se traduit effectivement en une dimension quasiment guerrière d’affrontement. Le cas intéressant, répétons-le, est qu’il ne s’agit pas de conséquences automatiques nécessairement indirectes dans le chef des acteurs de la crise, par le biais de la perception, de la psychologie, de la fluctuation des masses financières, d’un conflit qu’on identifierait comme géopolitique. Il s’agit d’une dimension qui serait très spécifique, directe et non indirecte, active et non passive, impliquant des décisions spécifiques des acteurs de cette crise ukrainienne, laquelle se confirmant alors comme n’étant nullement géopolitique dans sa spécificité essentielle. Il s’agirait effectivement d’une “crise haute” avec une dimension géopolitique, une dimension financière-puis-économique, etc., une tendance immédiate à quitter son contexte régional pour un cadre général et global ; une crise haute beaucoup plus influencée par le système de la communication très dynamique et volatile que par le facteur géopolitique très statique et relativement contrôlé ; enfin, une crise haute qui, par sa localisation, par ses acteurs, par sa puissance, constitue une étape de plus et proche de l’étape ultime, sinon l’étape ultime, de cet énorme processus qu’est la crise général d’effondrement du Système. (Là-dessus et devant tous ces caractères, nous ajouterions qu’il s’agit nécessairement d’une crise appelée à durer sinon s'installer comme permanente, à s’institutionnaliser et à se structurer, à renforcer constamment son caractère d’incontrôlabilité, – faisant de l’Ukraine, non pas un pion de plus d’une dynamique d’expansion, – celle du Bloc BAO autour de la Russie, – mais un point de fixation en constante fusion du Système, des tendances dynamiques d’affrontement et de confusion et, au-delà, du désordre comme allant de soi.)

Bien entendu ces hypothèses, ces scénarios, ces thèses complotistes (pseudo-complotistes puisque si elles se réalisaient, ce serait à ciel ouvert et d’une façon légitime) concernant cette fois l’aspect financier-puis-économique dépassant largement le cadre Russie-Ukraine, conviennent à ce que nous envisagions dans notre texte du 3 mars 2014. Il s’agit de l’idée qu’un collapsus du Système, en cas de tension extrême jusqu’à envisager l’affrontement nucléaire, pourrait être provoqué par cette perspective et, du fait de lui-même, de ce collapsus, écarterait l’affrontement nucléaire pour le céder à la dynamique d’effondrement du Système.

«La crise ukrainienne, et la réalisation que les pressions du Système (du bloc BAO, son factotum) peuvent conduire à l’extrême catastrophique des affaires du monde, peuvent aussi bien, grâce au “formidable choc psychologique” dont nous parlons et à l’immense crainte qu’il recèle, déclencher une autre dynamique d’une puissance inouïe. Notre hypothèse à cet égard, rencontrant l’idée de la formidable puissance symbolique du centenaire de la Grande Guerre (voir le 2 janvier 2014), est que cette dynamique est celle de l’effondrement du Système dont rien, absolument rien ne réclame qu’il se fasse dans l’apocalypse nucléaire, parce qu’alors elle pourrait bien être, cette dynamique, le fruit de la panique psychologique totale naissant de la perspective soudain apparue que le risque de la guerre nucléaire existe plus que jamais. Il serait assez juste, disons “justice divine” ou “sort of”, que le Système s’écroulât sous la poussée de la trouille soudaine et bouleversante de ses serviteurs de la possibilité de l’usage du produit le plus monstrueux du système du technologisme. Les Russes, qui sont au courant, verraient cela d’un regard sans surprise, disons au moment où l’on connaîtrait le résultat du référendum de la Crimée sur son avenir, ou quelque autre gâterie de ce genre accouchée des fines manœuvres du bloc BAO.» (Ce texte doit être amendé quant à la durée pour ce qui concerne l’indication exemplative sur sa fin. Le référendum sur la Crimée y était cité, alors qu’il était encore prévu pour le 25 mai. Le raccourcissement-express du délai, jusqu’au 16 mars, implique que l’exemple deviendrait mal choisi, l’événement semblant trop proche pour la montée de la tension psychologique, voire du “choc psychologique” dont nous parlons. Nous penserions donc à un autre événement, – cette crise n’en étant avare en aucune façon.)


Mis en ligne le 10 mars 2014 à 05H56

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