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2498C’est sans aucun doute l’un des aspects les plus remarquables et les plus spectaculaires des événements de Madison, dans le Wisconsin, qu’ils prennent leur inspiration symbolique dans les événements qui ont abouti à la chute de Moubarak en Egypte. L’un des thèmes caricaturaux des manifestations contre le gouverneur Walker du Wisconsin est son assimilation à Moubarak, sous l’appellation en général de “mini-Moubarak” (un site Minimubarak.com a été ouvert par les protestataires).
Le 16 février 2011, AOL.News donnait déjà des indications sur cet important aspect symbolique et psychologique du mouvement.
«…And now many are comparing Walker to former Egyptian President Hosni Mubarak, who tried to cling to power while protests roiled his country.
»Today, Washington Post columnist Harold Meyerson writes, "[E]ven as workers were helping topple the regime in Cairo, one state government in particular was moving to topple workers' organizations here in the United States.” He was referring, of course, to Wisconsin. Meyerson decries Walker's National Guard threat as “a throwback to 19th-century America, when strikes were suppressed by force of arms. Or, come to think of it, to Mubarak's Egypt or communist Poland and East Germany.” Meyerson calls Walker “Wisconsin's pharaoh.”
»The comparison is also being invoked by the Wisconsin protesters themselves. “The success of a grass-roots uprising in Egypt in toppling strongman Hosni Mubarak was a source of inspiration for many of those who brainstormed Tuesday in Madison about resistance to attacks on U.S. workers in several states,” Pat Schneider writes in The Capital Times, a left-leaning paper in Madison. The rallying cry: “fight like an Egyptian.”
»Reports also say the comparisons have carried over to protesters' signs, with placards saying things like “Mubarak-check. Walker…?” and “Hosni Walker, Elected Dictator.” The connection between the Middle East and Midwest politicians has been percolating online for more than a week, with a website, Minimubarak.com, making the rounds. It's popular on Twitter, too…»
Depuis, les références à la “révolution” égyptienne sont permanentes et nourrissent d’une grande inspiration l’esprit du mouvement en cours dans le Wisconsin. (De même, il existe désormais un courant de solidarité pour les protestataires de Madison, sous la forme notamment de dons de particuliers, à partir de divers pays étrangers, – dont l’Egypte.) Cette référence non-US inspiratrice dans une situation intérieure US de crise de cette importance constitue un événement psychologique et symbolique d’une très grande signification, qui doit être appréhendé de deux points de vue, le second complétant évidemment le premier.
• L’Amérique, les USA, cette “nation indispensable” comme disait Madeleine Albright, est fameuse pour être totalement ignorante du “reste du monde” (ou ROW, pour Rest Of the World). Le comportement américaniste, même en terre non (encore ?) américaniste, est souvent empreint de cet étrange esprit du plus complet et plus naturel négationnisme de l’existence de quelque chose d’autre que l’Amérique, – jusqu’à “penser” ROW comme une Amérique en devenir… (L’historien Benjamin Schwartz écrivait en mai 1995 dans The Atlantic Monthly : «We have made ourselves at home in the world, characteristically, by regarding it as Ametica in the making.») Quel bouleversement à Madison ! L’un des cris de ralliement des foules anti-Walker, c’est “Battez-vous comme un Egyptien !”. Un mouvement de cette importance aux USA qui se réfère, dans la forme et dans l’esprit, à un mouvement venu de l’Egypte pouilleuse, arriérée, inexistante puisque non démocratique selon la conception américaniste, qui fut la marionnette des manigances américanistes du Système pendant trente ans et à laquelle Hillary Clinton fait des leçons de démocratie en passant, – voilà qui est révolutionnaire… Quel étrange et implicite aveu de faiblesse, voire d’échec, nous communique ces foules rassemblées à Madison, qui envahissent le Capitole de la législature du Wisconsin pour paralyser le fonctionnement de l’Etat et obtenir la capitulation du gouverneur, comme les Egyptiens ont fait sur la place Al Tahrir pendant trois semaines, pour réclamer et obtenir le départ de Moubarak. Elles nous disent, ces foules, que l’Amérique ne sait plus conquérir sa propre liberté qu’en s’inspirant de l’exemple de ROW, – et quel ROW, en plus ! Elles nous disent, ces foules, que l’Amérique est encore à la conquête de sa liberté, alors que la conquête, pour la séquence, est accomplie en Egypte. Quel aveu pour l’Amérique, pour le Système, pour notre civilisation arrogante et imbue d’elle-même, et américaniste-occidentaliste comme il se doit. (L'aveu est d'ailleurs bien difficile à exprimer, s'il est seulement réalisé, – ce dont nous doutons. A part à Madison, dans le Wisconsin, le rapprochement entre les événements extérieurs, notamment en Egypte, et les événements dans le Wisconsin est rarissime, notamment dans la presse et dans les commentaires occidentalistes.)
• Cela écrit, c’est bien le même combat, et l’étonnement s’efface : la place Al Tahrir du Caire et le Capitole de Madison sont soumis à la même loi inique, au même totalitarisme du même Système. D’un côté, le totalitarisme monstrueux du complexe militaro-industriel et de ses tentacules extérieures diverses, de son appareil de corruption, etc. ; de l’autre, l’écrasant totalitarisme de l’idéologie et du sectarisme du capitalisme américaniste devenu fou… (Il est avéré que le gouverneur Walker n’est pas loin d’être une créature des frères Koch, les milliardaires bien ou mal connus c’est selon, qui ont juré de détruire le service public aux USA, qui subventionnent Tea Party et divers politiciens, dont Walker lui-même.) Du coup, nous retrouvons cet aspect fondamental de la psychologie que nous ne cessons de mettre en évidence, que nous développions encore le 19 février 2011. La “transversale” Le Caire-Madison, mise en évidence par les protestataires de Madison, c’est bien une “transversale psychologique”, dont la puissance a été véhiculée et décuplée par le système de la communication, Janus bien connu du Système. Cette “transversale” est le plus formidable “blowback” (coup de fouet en retour) de la globalisation américaniste-occidentaliste voulue par le Système. La globalisation de la révolte a succédé à la globalisation de la crise, actant combien ce Système est d’une si impitoyable puissance qu’il en terminera avec lui-même par son autodestruction complète. Et, dans ce cas, la psychologie est la clef de tout, c’est elle qui est la messagère de la révolte ; que le sens de la chose se fasse de l’Egypte vers le cœur de la Grande République n’est rien d’autre, ou rien de moins, qu’un message des dieux. Il faut savoir lire ce qui est écrit “sur le vent”, puisqu’il s’agit de celui du “perfect storm” selon Hillary Clinton.
Mis en ligne le 21 février 2011 à 04H23