La “victoire” US sur l’URSS : une imposture

Bloc-Notes

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 3803

La “victoire” US sur l’URSS : une imposture

La thèse généralement admise sur la fin de l’URSS est que l’effort militaire US mit à genoux les finances de l’URSS et força ce pays à se lancer dans un processus de désintégration. Cette thèse alimenta et justifia l’effort militaire et la politique expansionniste US depuis la fin de la Guerre froide. Les archives NSA (National Security Archives) viennent de mettre à jour des documents qui montrent que cette thèse fut inventée de toutes pièces.

RAW Story, du 29 avril 2010 fait un rapport de ces documents.

«In its efforts to keep Congress funding huge military budgets in the 1980s, the Reagan administration exaggerated the threat from the Soviet Union's military projects, newly published documents show.

»Documents posted online Thursday at the National Security Archives chronicle a Soviet physicist's efforts to dispel claims about the USSR's secretive weapons programs by bringing US officials to Russia to examine top-secret weapons sites.

»Those tours, which took place around 1987, “showed that the Reagan administration had exaggerated Soviet capabilities and also that the Soviet military machine was not as technologically advanced as had been thought,” the National Security Archives stated in a press release. […]

»Many historians argue that the Reagan administration's hyping of the Soviet threat and its efforts to build the space-based Strategic Defense Initiative (“Star Wars”) amounted to a “bluff” that was nonetheless successful in pushing the Soviet Union into backing off from the Cold War.

»The newly-released documents show just how truly incapable the Soviet Union was of matching US military power, despite its ambitious projects. The documents show that Soviet physicist Yevgeny Velikhov, who had brought US officials to a number of Soviet military sites, had tried to persuade the central committee of the Communist Party to allow Americans to tour the testing facility at Saryshagan, which was at the heart of US claims about a Soviet space missile plan.

»The documents show the Soviet government rejected the request, but not because it was trying to hide a major new military capability. Rather, ”’the American visitors would quickly realize the Soviet equipment was really quite old,” the National Security Archives state. ”The only thing to hide at Sary Shagan was the painful truth: Soviet technology was way behind.”»

Ainsi apparaît peu à peu la réalité de la fin de la Guerre froide. Jusqu’ici, la narrative nous donnait à penser, dans le sens conformiste des choses de type neocons, Cold Warriors et assimilés, que les USA avaient conduit dans les années 1980 une forme de la course à l’armement (ce qu’ils ont fait de leur côté, et avec assiduité mais seuls…). L’idée est que les Soviétiques avaient essayé de suivre, s’étaient épuisés et s’étaient effondrés. La recette était donc trouvée: développez les armements au maximum et vous emporterez la victoire, et vous assurerez l’hégémonie des USA.

C’est sur cette idée que fut développée toute la politique maximaliste et belliciste de l’administration GW Bush dans les années 2000, après une ouverture non négligeable de l’administration Clinton dans les années 1996-2000. C’est sur cette idée fondamentale que repose toute la logique de la politique expansionniste, hégémoniste et belliciste des USA depuis effectivement les années 1990 (par exemple, depuis le document Wolfowitz de mars 1992 dont un exemplaire fut donnée au New York Times à cette époque et fit grand bruit, – voir le texte To Finish in a Burlesque of an Empire, de William Pfaff datant de mars 1992 et mis en ligne sur ce site le 23 novembre 2003). Ainsi toute la politique développée depuis la fin de la Guerre froide repose sur un gigantesque montage fait à ciel ouvert, sans “complot particulier”; cela ne surprendra que ceux dont la profession, dans le métier d’analyste et de journaliste, semble être d’être en général surpris par les mises à jour des montages sans nombre qui constituent l’essentiel de la politique aéricaniste-occidentaliste et se résument à une déformation sans vergogne de l’Histoire.

Dans le même sens, il n’est pas nécessaire de prêter à Reagan des visions à si longue vue que son réarmement des années 1980, avec les fausses estimations des forces soviétiques et de l’effort soviétique qui vont avec, constituerait un “complot” comprenant les prolongements qu’on décrit ici. Il s’agissait d’abord pour lui d’obtenir l’aval du Congrès pour le vote des budgets et il était nécessaire d’exagérer outrageusement l’effort soviétique d’armements, sans penser au-delà des années fiscales qui défilaient. Ce sont les groupes idéologiques (neocons et autres) qui s’emparèrent de cette situation et en firent, en utilisant avec habileté le système de la communication, une théorie selon laquelle la production d’armement est le plus sûr moyen d’assurer la sécurité US et la politique d’hégémonie qui est le plus sûr garant de cette sécurité, en répandant de par le monde, par la force, le modèle américaniste.

L’histoire de l’après-Guerre froide et les temps que nous vivons sont donc basés sur une imposture sans doute sans précédent dans le domaine de la déformation de l’Histoire. C’est la raison pour laquelle la crise déclenchée par cette imposture est d’une violence telle qu’on peut parler de crise de civilisation. L’idée que la force soumettrait le monde au modèle de l’américanisme est l’aboutissement de la politique d’“idéal de puissance” conduite par ce qui est devenu un système anthropomorphique sans la moindre restriction dans ses activités déstructurantes. La violence de la poussée est telle, les moyens employés l’ont été si stupidement et maladroitement, que les avatars naturels à cet usage n’ont cessé de se multiplier et ont provoqué des crises dans tous les domaines qui se réunissent en une crise générale de la civilisation. La violence de l’offensive, elle, a été telle qu’elle a suscité une résistance d’autant plus efficace que cette offensive s’est montrée totalement inefficace et en général complètement contre-productive. Nous arrivons au terme de l’imposture et les documents des National Security Archives sont là pour nous donner un mode d’emploi de plus de cette catastrophe de la civilisation américaniste-occidentaliste.

 

Mis en ligne le 30 avril 2010 à 08H53