L’accord Fatah-Hamas et la nouvelle Egypte

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Parfois sinon souvent, il n’est nullement nécessaire de “reconstruire” structurellement, totalement, une politique d’un pays après la chute d’un dirigeant sous la pression populaire et avec l’abandon de ses soutiens, pour voir apparaître dans les relations internationales des changement qui en seraient directement la conséquence. Cas de l’Egypte, que nous avons plusieurs fois envisagé, après la chute de Moubarak et l’élimination de son homme de paille et de fer Omar Souleiman, avec l’accord Fatah-Hamas qui introduit un élément nouveau fondamental dans la région du Moyen-Orient et pour la zone Israël-Palestine. Pour Steve Clemons, ce pourrait bien être un tsunami que “Bibi” Netanyahou n’a pas vu venir

Ainsi peut-on lire dans The Washington Note (Clemons) du 28 avril 2011

«Behind the scenes, Fatah and Hamas have been working and talking for years about terms of reconciliation. But their efforts were stymied by both their own suspicions and demands of each other – but also by Omar Suleiman who was the anointed Egyptian peacemaker but who worked behind the scenes with the US to make sure that both sides never got to “yes” at the same time.

»Now, Egypt is out of the game of working on one hand to appear supportive of a Palestinian unity government while on the other hand sabotaging it on behalf of the United States, and indirectly Israel…»

Avec un texte dans le Guardian du 28 avril 2011, nous consultons le journaliste Jack Shenker, basé au Caire et spécialiste des problèmes égyptiens, toujours à propos de cet accord Hamas-Fatah. Pour lui, également, il ne fait aucun doute que la “révolution égyptienne”, quels que soient ses prolongements par ailleurs et à venir, a amené une situation complètement nouvelle dans les affaires palestiniennes, – avec, ici, les relations Fatah-Hamas et le nouvel accord présentés, – qui a pris beaucoup d’observateurs “par surprise”. A la différence de Clemons, tout en ayant la même forme de logique que son analyse, Shenker avance que le rôle des Égyptiens n’est pas seulement passif (suppression du verrou Souleiman, qui manœuvrait, – avec le soutien d’Israël, – pour interdire tout accord en paraissant travailler pour cet accord), qu’il est plutôt très actif avec l’intervention d’une équipe égyptienne débarrassée de ces quelques verrous, ou de son verrou, qui bloquaient en sous-main toute possibilité d’accord.

«Given the country's [Egypt] internal chaos, few expected his replacement, Murad Muwafi, to devote much energy to the issue of Palestinian factionalism, but in fact Muwafi took the issue seriously – so seriously, in fact, that no fewer than five Israeli delegations were dispatched to his offices in the space of a few weeks in an effort to ward off any unity deal.

»Muwafi's stance was shaped partly by the ascendancy of the career diplomat Nabil el-Arabi to the position of foreign minister in Egypt's interim government. Arabi had a reputation for saying some decidedly undiplomatic things regarding Egypt's close alliance with Israel under presidents Mubarak and Sadat, and as part of an internal battle to wrest control of some policy issues away from the secret services – where they had drifted under Mubarak – and back under the auspices of the foreign ministry, he began making loud and relatively critical noises about Israel, marking an important shift in rhetoric. “It is time to stop managing the [Israeli-Palestinian] conflict, it's time to end the conflict,” he said earlier this month.

»Egypt, in short, was now ready to take Palestinian reconciliation seriously, and that shift in mindset coincided with further regional turmoil: the uprising in Damascus, where most of Hamas's leadership is based. With the long-term future of their host – Syria's president, Bashar al-Assad – in doubt, the group's top brass knew it could not risk alienating the Egyptians at the very moment Cairo was finally mounting a genuine push to bring Hamas and Fatah together.

»Ahmed Moussa, head of the political section at the Palestinian embassy in Cairo, told the Guardian: “Our assessment is that if Hamas did not respond positively [to the latest Egyptian initiative] that would have had a very negative impact on their relations with the Egyptian authorities, and Hamas had to keep this consideration in mind, especially because of the problems within the Syrian regime.”»

Clemons, dans la suite de son billet, étend ses remarques à la situation israélienne face à cet accord, et in fine face à ce nouveau facteur essentiel de la nouvelle position de l’Egypte post-Moubarak. Il compare la situation d’Israël dans cette affaire, comme dans d’autres où des forces diplomatiques (le duo Moubarak-Souleiman dans ce cas) travaillaient pour les intérêts d’Israël, au nom de l’influence US qu’elles relayaient d’une façon à peine dissimulée, à celle de La Nouvelle Orléans protégée par des digues de conception douteuse face aux attaques des ouragans. Un Katrina a fait céder les digues ; pour Israël c’est bien la conséquence d’un tsunami né dans les nouveaux évènements égyptiens conduisant à cette nouvelle position d’Israël.

«I've argued for some years that Israel's security arrangements in the region were a lot like a New Orleans levee -- they were working for the time being, but some day a tsunami would come and wash out parts of Israel's protection… […] Now, Fatah and Hamas are reconciling… […] [T]his is not an age where Europe and the US are calling all the shots any longer. In this case, the boutique rich nations of the GCC, Brazil, Turkey, Russia, and China, even India – may emerge as the new lifeline of financial and political support for a reorganized and somewhat repurposed Palestine.

»Israel Prime Minister Benjamin Netanyahu is the one person in Israel who could have really sold a real deal on a two state solution to his people. But he seems to have decided against this route – and now we are seeing the political marketplace reaction to his and his government's intransigence and their lack of vision about new long term political and security relationships in Israel's neighborhood…»

Cet accord Fatah-Hamas est une “leçon de choses” sur la nouvelle situation au Moyen-Orient, simplement avec le basculement encore bien incomplet de l’Egypte, mais qui a suffi pour générer une telle réorientation de la politique égyptienne. La question n’est pas ici de savoir où va mener cet accord Fatah-Hamas. On peut être assuré que l’accord soulèvera de nombreuses critiques sceptiques, selon des informations certainement secrètes ou négligées par sectarisme et mauvaise foi, selon l’argument habituel selon la ligne de pensée illustrée que ces apparentes “défaites” US (les événements en cours, et ici l'accord Fatah-Hamas) dissimulent un plan mûrement réfléchis, US évidemment, pour ramener l’Egypte et d’autres à une nouvelle allégeance. L’argument théorique, implacable et indiscutable est à cet égard que les défaites US sont en fait des victoires US, – point à la ligne, ou point barre comme il vous plaira… De telles spéculations, au profit d’“informations” dont le secret qui les dissimule et l’incohérence qui les caractérise par rapport à des USA si complètement impuissants et dont les échecs dissimuleraient évidemment des victoires incontestables semblent être la preuve de leur justesse, sinon de leur vertu, rendent difficile leur mise en cause par une argumentation qui prend en compte les faits évidents. L’indifférence aux faits évidents, et par conséquent aux réalités des forces en cours, est, de ce point de vue, un argument impératif.

“La question n’est pas ici de savoir où va mener cet accord Hamas-Fatah”, écrivons-nous, mais que l’accord a eu lieu, et qu’il a eu lieu sous les auspices de l’Egypte qui, jusqu’ici, travaillait sciemment pour les saboter. Pour la suite, on verra… Cette situation montre la rapidité avec laquelle l’action diplomatique égyptienne a réalisé son virage à 180° par rapport aux méthodes et intentions de l’équipe Moubarak-Souleiman, courroie de transmission directe des USA et d’Israël. Il n’a pas fallu longtemps, ni un processus élaboré pour parvenir à ce renversement. Il a suffit de laisser faire les choses, après la nomination de quelques politiciens et fonctionnaires qui suivent d’une façon naturelle une ligne favorable à l’Egypte (dans ce cas, pour favoriser le processus de l’unité palestinienne, et dépasser l’embourbement entretenue systématiquement par la partie israélo-US). Ce n’est pas une question de “choix” de politique mais de prendre en compte une situation nouvelle, – ici, celle de l’Egypte depuis l’élimination de Moubarak-Souleiman, – c’est-à-dire simplement de prendre en compte et de s’insérer dans la réémergence d’une situation naturelle et renée d’elle-même pour l’Egypte, une situation tendant à réintégrer en elle les impératifs de la souveraineté égyptienne, où les intérêts égyptiens s’imposent évidemment. On peut encore observer que ces intérêts égyptiens ne sont pas nécessairement ceux de l'infamie et de l'indignité nationale.


Mis en ligne le 29 avril 2011 à 05H40

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