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1534“Dans les coulisses”, comme on dit, les Européens, tant au niveau des institutions dans leurs antennes nord-américaines qu’aux niveaux nationaux (France et Allemagne), restent très actifs dans l’affaire des ravitailleurs en vol KC-45 dont Northrop Grumman/EADS s’est retiré. Defense News donnent quelques indications sur la détermination franco-allemande, avec communiqué commun Merkel-Sarkozy, ce 17 mars 2010. Une information de DodBuzz.com du 12 mars 2010 selon laquelle le délai de dépôt des candidatures pourrait être allongé ne semble pas être considérée sérieusement. («The tanker competition has grown so baroque that it’s easy to sometimes wonder what’s real and what’s delusion. The latest twist is that EADS and some of Europe’s governments are reportedly lobbying for a deadline extension on when tanker bids can be submitted.»)
@PAYANT Des sources européennes observent que des contacts avec divers fonctionnaires US des commissions du Congrès concernées, à Washington, ont plus récemment conduit à certaines assurances selon lesquelles le Congrès pourrait considérer un partage de la commande entre les deux soumissionnaires, rétablissant ainsi une commande européenne. Il semble que ces indications reflètent surtout le choc ressenti au Congrès à propos de cette affaire, notamment avec la réaction européenne, mais qu’il n’y ait, là aussi, que fort peu d’espoir qu’une telle possibilité puissent être conduite à terme. Le plus puissant partisan de cette formule du partage de la commande, le Représentant John Murtha qui présidait la puissante commission des Appropriations de la Chambre, vient de mourir et le secrétaire à la défense Gates a toujours affirmé son opposition furieuse à cette formule. D’autres hypothèses, elles aussi fort incertaines et plutôt dues à l’excitation autour de cette affaire, envisagent même une offre type “package deal” de EADS au Pentagone, hors des normes de la compétition…
Tout cela fait très désordre, mais ce désordre-là n’est pas dû aux seules tribulations de l’affaire du KC-45 et de la tension entre l’Europe et les USA. Il n’est même que secondaire, et plutôt une conséquence d’une autre situation, autrement plus intéressante… Un enseignement indirect extrêmement intéressant et pressant qui ressort de ces diverses consultations est l’avis catégorique émis par ces diverses sources qui ont des contacts quotidiens avec les différentes autorités US, proches du Pentagone ou au Pentagone, à propos du désordre extraordinaire régnant au Pentagone. Un avis brutal illustrant l’évaluation de cette situation est que la situation structurelle du Pentagone «est très instable» actuellement. Des sources industrielles (US) impliquées dans ces diverses tractations confirment de leur côté ces appréciations: «The Pentagon is in disarray…» Bref, une situation typique à Washington: “The Pentagon is broken.”
Là, on quitte le seul domaine de l’affaire des ravitailleurs pour évoquer effectivement la stabilité du “monstre”, de notre fameux Moby Dick. Il semble bien, à mesure que des affaires du type KC-45 ou que les péripéties du JSF se déroulent, que la question budgétaire monstrueuse de l’ensemble du département ne cesse de s’aggraver, que le blocage de la gestion ne cesse de s'affirmer, que tous les efforts pour redresser cette situation ne donnent guère d'effets, qu’apparaissent de plus en plus clairement les signes de l’arrivée de la crise du Pentagone à un point de fusion. Il s’agit d’une crise structurelle, que nous avons parfois évoquée sous l’expression du “coming crash” du Pentagone. L’“instabilité”, le “désarroi” dont il est question concernent effectivement la structure elle-même, prise comme une entité dont la dynamique, sinon l’orientation quasi consciente qu’elle suit, s’avèrent désormais de plus en plus catastrophique, alimentées par l’existence même de la chose.
Pour considérer l’affaire des KC-45, il faut donc considérer cet aspect en priorité, plutôt qu’y chercher manœuvres et manigances. Notre appréciation, déjà dite, est que la “solution” choisie dans cette affaire des KC-45 (spécifications très précises et contraignantes favorisant “objectivement” Boeing) a été prise sous la pressions de cette situation bloquée, alors que le besoin opérationnel des nouveaux ravitailleurs devient une menace centrale pour les capacités stratégiques des USA (menace d’obsolescence, voire d’immobilisation suite à des accidents de la flotte des KC-135). Aujourd’hui, le Pentagone navigue à vue par temps de brouillard, comme le Titanic au milieu des icebergs (effectivement, Moby Dick devenu le Titanic). C’est l’élément absolument central du dossier, qui est un dossier de type apocalyptique en préparation.
Mis en ligne le 18 mars 2010 à 04H52