L’Afghanistan va peser sur la question des exportation des technologies US vers les alliés

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Le bon vieux serpent de mer de l’assouplissement des exportations des technologies US vers les pays alliés a reçu un coup de jeune style “relooking” avec l’annonce que Bush lui-même avait donné l’ordre (exactement : “donner l’ordre”) de faciliter les procédures pour l’exportation des licences. La nouvelle est notamment donnée par Defense News le 22 janvier. Elle est accompagnée d’une foule de détails sur la façon dont les différentes bureaucraties US vont s’y prendre pour appliquer la consigne. C’est un formidable imbroglio, bien entendu, qui nous suggère l’observation plaisante que l’action bureaucratique pour libéraliser le processus va sans doute encore plus profondément compliquer le processus lui-même classique de freinage des exportations de licences et autres. Evidemment, si vous voulez libérer un prisonnier emprisonné par une foule d’entraves et de droits de regard qui sont autant de verrous, vous instituez une procédure encore plus complexe pour faire sauter tous ces verrous; il faut faire venir un serrurier spécialisé pour chaque verrou, ce qui demande des initiatives bureaucratiques qui doivent être approuvées/contrôlées par d’autres bureaucraties et ainsi de suite. La complication de la chose va accroître encore les entraves pour la libération. Mais l'esprit de la chose sera célébrée.

Pour nous, tenons-nous en aux deux premiers paragraphes, pour la beauté fulgurante des lieux communs, et évitons les détails qui accablent…

«For a year, U.S. defense companies have been pressuring President George W. Bush to order reforms that make it easier to export weapons and defense technology. On Jan. 22, the president announced he has done so.

»Bush promised “a more efficient and transparent export license process” and better “dispute resolution mechanisms” for military exports.»

Ce qui est le plus intéressant est qu’en même temps où GW prenait cette héroïque décision, des auditions avaient lieu à la Chambre des Représentants. On y mettait en accusation les pays alliés (dito, non-US) pour leur couardise, leur maladresse, leur manque d’efficacité et ainsi de suite, en Afghanistan. Parmi les meneurs de l’attaque, le député Hunter, bien connu pour son zèle à freiner le plus possible les exportations d’armes, de technologies, de licences par conséquent, et ainsi de suite. RAW Story (AFP) nous fait rapport, le 24 janvier, de cette petite sauterie au Congrès.

«At a House Armed Services Committee hearing this week, experts warned that the Afghan mission has been overshadowed by the war in Iraq and could fail unless the United States gives it higher priority.

»However, Rep. Duncan Hunter, the ranking minority member of the committee, attempted to lay most of the blame on the European members of the coalition. “I get to the point where I think that the NATO boys are spending more money on catering than they are on military operations in Afghanistan,” he stated.

»Hunter recently sent a letter to NATO defense ministers warning that “it is unacceptable that the United States must continue to dig deeper into its military force when some of our NATO allies are unwilling to fulfill or make robust commitments to the international effort in Afghanistan.” He threatened to block NATO members from access to US defense contracts if they do not make a greater contribution.»

C’est la dernière phrase qui est intéressante. L’Afghanistan devient un sujet de constante aggravation de la tension entre les pays non-US de l’OTAN engagés là-bas et les USA. L’establishment US reproche à ses alliés de ne pas remporter en Afghanistan une victoire aussi éclatante qu’eux-mêmes en Irak. (Mais non, l’expression “victoire éclatante”, ce n’est pas solliciter la réalité au nom de l’ironie…)

On peut être assuré que Norman Hunter, qui a bâti sa carrière sur sa lutte contre toute libéralisation du transfert de technologies, de la pénétration des marchés US par les Européens, etc., ne lâchera plus cette proie du rapport entre la situation en Afghanistan et les “libéralités” US vers les alliés. On peut s’attendre à des prolongements dans divers domaines.

• EADS (Airbus) va se trouver confronté à un obstacle de plus pour la vente de son KC-30 comme nouveau ravitailleur en vol de l’USAF. Quand il s’agit de l’Afghanistan, l'Allemagne (surtout) et la France, les deux piliers d'EADS, sont mal vues pour leur engagement parcimonieux et mesuré. Hunter a déjà montré ce qu’il pense de la candidature d’EADS.

• Les pays JSF qui ne se conduisent pas bien en Afghanistan vont également la sentir passer. Mais les autres, peut-être bien aussi, parce que cette sorte de surenchère du député Hunter marche particulièrement bien en période électorale, en période de crise économique mondiale, en période de débâcle générale de la politique US. On a besoin de beaucoup de boucs émissaires pour tout ça. On n'hésitera pas à se servir.


Mis en ligne le 25 janvier 2008 à 11H20